« Secret Story », toujours aussi bête, toujours aussi addictif

« Secret Story », toujours aussi bête, toujours aussi addictif
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Temps de lecture : 5 minutes

Nous avons tous un souvenir qui nous rassure et nous ramène instantanément à une époque plus simple. Pour certains, ce sont des chansons de Disney. Pour d’autres, l’odeur du poulet rôti que leur grand-mère servait à table le dimanche. Pour moi, c’est “Secret Story”. j’entends “Je veux te voir sur mon écran, mon garçon” et immédiatement je sais que je suis en sécurité. Plus alambiquée que « Loft », plus dramatique que « Star Ac’ », beaucoup moins bête que « Les Marseillais », elle fut tout simplement la meilleure émission de télé-réalité française.

Attention, je ne parle pas de la version récente diffusée sur NT1. Non, je parle de l’émission originale, diffusée en prime time à la fin des années 2000 (l’âge d’or de la télé-réalité) et présentée par Benjamin Castaldi. Si vous n’avez pas été témoin de la romance entre Cyril le champion de breakdance et Alexandra la princesse, vous ne pouvez pas comprendre. Si vous n’avez pas connu l’époque des dépanneurs de « Secret Story », lorsque les candidats n’avaient que quelques secondes pour faire leurs courses hebdomadaires, vous n’avez pas connu le vrai bonheur. Si vous n’avez pas suivi les interminables disputes de couple de Marie et Geoffrey, vous avez raté les vraies heures de gloire de la télé française (avant qu’on vienne m’embêter, oui, j’étais là aussi pour Loana et Jean-Édouard, et c’était beaucoup moins bien) .

Avec « Secret Story », j’ai appris qu’on ne pouvait faire confiance à personne, que les Belges étaient des génies et que la pole dance avec des seins en silicone était dangereuse. Et puis un jour, il a fallu arrêter. La série a perdu de son éclat, ou peut-être que mon cerveau était enfin suffisamment développé pour passer à du matériel plus intelligent. Parfois, il faut savoir lâcher prise sur les choses qu’on aime pour devenir la nouvelle version de soi-même. Mais la nostalgie est un sentiment puissant, et lorsque j’ai appris que la série était de retour sur TF1, ce 23 avril 2023, je n’ai pas pu résister à l’envie de lui donner une seconde chance.

C’était mieux avant

Après sept ans d’absence, la série a de nombreux défis à relever. D’abord parce que le prime time est désormais réservé aux émissions de téléréalité « respectables », comme « Top Chef » ou « Pékin Express », où les candidats sont généralement capables de nommer au moins un président de la Ve République. Pour “Secret Story”, où le vocabulaire est plus restreint, il faudra se contenter d’une diffusion le mardi à 23h30. Et c’est Christophe Beaugrand, présentateur depuis 2015, qui est de nouveau aux manettes pour (essayer de) garder nous éveillés.

On redécouvre avec joie le logo, son œil emblématique, et le sas, l’endroit le plus stressant de France après mon cabinet de dentiste. Mais ce n’est plus tout à fait comme avant. Premier coup dur : The Voice, le personnage phare de la série incarné par Dominique Duforest, annonce qu’elle « a décidé de passer le flambeau »?????? Quelle est cette histoire ? C’est comme lorsque La Boule quittait « Fort Boyard » : plus d’intérêt.

On découvre alors la Maison des Secrets puis on se retrouve dans un cauchemar : rien ne semble avoir changé depuis 2007.

D’autant plus que le nouveau Voice… n’a pas une très jolie voix, et c’est un peu le critère numéro un de réussite quand on s’appelle THE VOICE. Pire : après dix-huit minutes d’émission, cette dernière bute sur son texte… Peut-être qu’au final, on aurait dû laisser cette émission dans le passé.

On découvre alors la Maison des Secrets, où les habitants seront enfermés et filmés pendant de nombreuses semaines… Et puis on se retrouve au milieu d’un cauchemar : rien ne semble avoir changé depuis 2007. Qui a décidé de commander une fausse table en gazon ? Est-ce un salon ou un habitat pour lapins ? Pourquoi la piscine ressemble-t-elle à un évier géant ? La vaisselle est révoltante, les murs sont agressifs, les canapés sont couleur téton, même Valérie Damidot trouverait ça dégoûtant. Soit il s’agit d’un coup de génie, visant à rappeler la laideur esthétique des années 2000, soit la décoration a été coordonnée par un enfant daltonien.

L’architecte de cette « piscine » mérite la prison. | Capture d’écran TF1

Au fil de la soirée, on rencontre les candidats, notamment Charlène, qui prouve déjà qu’elle est une excellente menteuse en entrant à la Chambre : “Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi beau.” Mais on découvre aussi et surtout les secrets, sans savoir, dans la majorité des cas, lequel appartient à qui. De ce côté-là, le plaisir reste intact.

Comme d’habitude, il y a des champions dans des disciplines que personne ne suit (danse latine). On a aussi un gars de 36 ans (gériatrique dans le monde de la télé-réalité) qui a fait le doublage VF de Harry Potter. Sachant que la plupart des candidats ont entre 18 et 25 ans, il y a de fortes chances qu’il ne soit jamais démasqué. Et puis il y a les secrets qui relèvent davantage de l’identité imaginaire, comme cette personne qui est « champion international de magie ». Désolé pour vous tous, magiciens professionnels, mais ce n’est pas réel. C’est comme à l’époque où il y avait un candidat dont le secret était “Je suis un vampire”. Non Alexandre, tu n’es pas un vampire, tu es juste un fan de Kyo qui a besoin d’une thérapie.

Sauf si…

En fait, les secrets les plus prometteurs sont évidemment les plus simples : des couples qui font semblant de ne pas se connaître et des inconnus qui font semblant de se connaître depuis toujours. Cela implique une telle capacité de mentir à long terme qu’on a inévitablement envie de voir ce qui va se passer ensuite. Mais est-ce suffisant pour nous donner envie de revenir ? Tous les mardis à 1h du matin ? Au fil de la soirée, la Voix multiplie les balbutiements. Ça commence à être très énervant, voire un peu gros. Mais les récentes télé-réalités nous ont habitués à un niveau de nullité si abyssal qu’il passe comme une lettre à la poste. Jusqu’à ce que le spectacle révèle son coup de maître.

Alors que l’épisode touche à sa fin, il est révélé que la vraie Voice n’est jamais vraiment partie, que la nouvelle Voice incompétente n’était qu’une arnaque et que les candidats se trouvent dans une fausse maison (mais ils ne le savent pas encore). Conscient de sa propre fragilité, « Secret Story » a redoublé de tromperie pour tromper non seulement les habitants, mais aussi les téléspectateurs. Il faut admettre que le moment de révélation est assez brillant.

Est-ce toujours aussi stupide ? Oui. L’émission parviendra-t-elle à créer des moments dignes des plus belles heures d’Amélie Neten ? Probablement pas. Mais peut-être reviendrons-nous la semaine prochaine, ne serait-ce que pour vérifier que la déco est meilleure dans la vraie maison. Et pour une téléréalité revenue d’entre les morts, c’est pas mal.

Découvrez-le chaque semaine Amisle podcast d’Anaïs Bordages et Marie Telling dans lequel elles (re)découvrent des séries ou des films cultes, ou Peak TVleur podcast dédié aux séries.

 
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