quand le médecin légiste devient auteur de feuilletons (bandes dessinées)

Il est intervenu dans les affaires Péchier, Narumi et Alexia Daval, il est aujourd’hui romancier et scénariste de bande dessinée. Antoine Tracqui fait des médecins légistes les héros d’une toute nouvelle série, intitulée « Autopsie ». Le premier album sorti en octobre est déjà en rupture de stock. Le second sort en librairie ce mercredi 29 janvier 2025.

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Nous nous sommes procuré le premier album de la série « Autopsie ». Publié il y a seulement trois mois, en octobre dernier, “Le prêtre” est déjà en rupture de stock chez l’éditeur qui a dû lancer en urgence l’impression de 5 000 exemplaires neufs. Le deuxième opus, intitulé « Dimanche sanglant » sort ce mercredi 29 janvier 2025, toujours chez Oxymore.

L’histoire se déroule aux États-Unis et met en scène Paul Wahlberg, médecin légiste à Chicago. Une figure du crime organisé local, « psychopathe notoire », précise les auteurs, le kidnappe et ne lui donne que 24 heures pour identifier l’assassin de son fils. En cas d’échec, la mort… » Le ton est donné. Le scénario à couper le souffle. Elle est signée Antoine Tracqui, avec Jean Diaz sur le dessin.

Le deuxième opus de la série « Autopsy » sort le mercredi 29 janvier 2025 en librairie

© Editions Oxymore

Et encore une fois, c’est un médecin légiste qui tient les premiers rôles dans cette bande dessinée. Une première en son genre. Un médecin légiste, tout comme le scénariste. Car le professeur Antoine Tracqui, aujourd’hui âgé de 63 ans, est avant tout un homme d’art. Toujours rattaché à l’Institut médico-légal (IML) de Paris, il réside désormais à Besançon (Doubs) où il a dirigé le service de médecine légale et victimologie du CHU de 2009 à 2016.

« J’ai fait mon stage à Strasbourg où j’ai longtemps travaillé et quand j’ai été nommé chef du service de médecine légale à Besançon, on m’a dit que ce serait un poste tranquille, he confides to France 3 Franche-Comté. Mais à peine deux jours après mon arrivée, j’ai dû faire l’autopsie d’un homme qui avait reçu 50 coups de couteau en Saône. Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’enquête révèle quelques mois plus tard qu’il s’agit bien d’un suicide et que la victime, âgée de 22 ans, avait elle-même administré les coups mortels sous l’emprise de stupéfiants !


L’Institut médico-légal (IML) de Besançon est toujours situé sur le site de l’ancien hôpital Saint-Jacques, entre le commissariat et le palais de justice.

© Emmanuel Deshayes – France Télévisions

Il est également intervenu dans les affaires majeures qui ont défrayé la chronique ces dernières années dans la région, les cas très médiatisés de Narumi, Daval ou Péchier, cet anesthésiste de Besançon soupçonné de 30 empoisonnements dont 12 mortels en cliniques. Dans cette dernière, il a réalisé une trentaine d’expertises et il sera encore appelé à la barre pour témoigner au procès de l’ancien anesthésiste prévu dans trois mois à compter de septembre 2025.

Pourtant, Antoine Tracqui n’aurait jamais imaginé s’inspirer un jour de sa propre expérience pour nourrir une œuvre de fiction. Même lorsqu’il a commencé à écrire son premier thriller. Pas d’avocat dans “Point zéro”publié en 2013, ni dans “Mausolée” en 2015 ou “Lune de Glace” en 2020, qui forment la trilogie « Sauvetage difficile ».

Et il s’éloigne encore plus de son quotidien lorsqu’il se lance dans la réalisation de bandes dessinées. C’est la mythologie grecque qu’il explore dans tome 7 de la série Oracle àSoleil editions. Un album intitulé «Le Clairvoyant conçu par Lucio Leoni et Emanuela Negrin. Puis il passe aux robots extraterrestres lorsqu’il recommence en 2021 avec tome 9 de la série Androïdes intitulé «Le berger »dessiné par Sylvain Ferret et toujours édité chez Soleil.

Mais c’était sans compter sur Mourad Boudjellal, son nouveau rédacteur en chef, qui n’a pas eu beaucoup de mal à le convaincre. “C’était le fondateur de Soleil, il avait entendu parler de moi. Il m’a dit : allez, assez de raconter des histoires sur les dieux grecs. Parlez-nous de votre travail. Je n’ai objecté que 30 secondes avant d’accepter !


Dans « Bloody Sunday », le deuxième album de la série Autopsy, un médecin légiste est kidnappé par un chef mafieux qui ne lui donne que 24 heures pour identifier l’assassin de son fils.

© Emmanuel Deshayes – France Télévisions

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Les films et séries se sont multipliés sur le sujet. Il le voit clairement. Il est lui-même conseiller technique dans la série César Wagner, diffusée sur France 2, qui fait la part belle à un avocat drôle, fantasque et décomplexé. Effet de mode ? Il reconnaît que son métier d’avocat exerce une certaine fascination sur le public. “Pour quoi ? Demandez à Antoine Tracqui. Parce que c’est un métier discret et c’est un métier qui alimente beaucoup de fantasmes. La médecine légale est une activité transgressive.

Nous sommes en contact avec la violence, le sexe, la souffrance et la mort. Le médecin légiste est perçu comme une personne inquiétante, à la croisée du monde des morts et du monde des vivants. On le voit au XXIe siècle, tout comme on voyait le bourreau il y a un ou deux siècles.

Antoine Tracqui, médecin légiste et auteur de bande dessinée.

«Pendant 30 ans, j’ai gardé le silence, soumis à la fois au secret médical et au secret de l’enquête. Et c’est vrai que l’envie de raconter était là. »he confesses to France 3 Franche-Comté.

Pas question pour autant de céder à la facilité et aux clichés. « Il faut remettre en cause les idées préconçuesil explique. En France, la médecine légale est avant tout une médecine du vivant. Pour un cadavre, on voit une quinzaine de personnes vivantes. Bien sûr, nous avons affaire à des accidents, des suicides, des morts suspectes, mais les homicides ne représentent que 5 % des autopsies.

En véritable professionnel, Antoine Tracqui n’avait cette fois pas le droit à l’erreur. C’est pourquoi ses scénarios sont si précis “chirurgical”. “Je n’ai rien inventé, tout est plausible, un médecin légiste a forcément le sens du détail, confie-t-il. Quand on fait une autopsie, on est dans une procédure judiciaire, il faut tout documenter, tout argumenter et arriver à démontrer un certain nombre de choses. Dans les procès, nous sommes souvent mis à l’épreuve par le procureur, les avocats, les parties civiles. Mais je ne voulais pas non plus suivre une formation de médecine légale au détriment de l’action.»

La première partie de la série “Autopsie” a lieu en Suède, la deuxième aux États-Unis. Pour planter le décor, Antoine Tracqui a dû mener son enquête. “J’ai ce hobby de me documenter à outrance, un à deux mois minimum. J’ai vraiment appris la médecine légale à Chicago, les différents gangs qui existent. Pour l’histoire, les idées viennent d’elles-mêmes durant cette période.


Le premier opus de la série est sorti en octobre 2024 et est en rupture de stock chez l’éditeur.

© EDitions Oxymore

A chaque fois, le médecin légiste est au cœur de l’intrigue, mais l’auteur n’a pas voulu en faire des super-héros. Des personnages plutôt vulnérables au contraire et qui se retrouvent souvent seuls face aux meurtriers. “Je ne voulais pas tomber dans cette routine des séries télévisées, des thrillers, avec le classique couple policier-légiste.”

A chaque fois, l’audacieux scénariste rebat également toutes les cartes. « Le numéro un est très gore, dans la plus pure tradition du thriller scandinave.il admet. Le lecteur a dû être accroché dès le premier tome. N’économisez pas vos forces, m’a conseillé un éditeur, ne gardez pas les idées pour plus tard. Le second est plutôt dans l’humour noir. À chaque épisode, on remet les compteurs à zéro et on change de personnage, mais c’est toujours un médecin légiste !


“The Sacrificer” se déroule en Suède et révélera un complot sanglant.

© Editions Oxymore

Le troisième album doit sortir en juillet 2025. Il mettra en scène un avocat aborigène, à l’autre bout du globe, près de Pearth, en Australie occidentale. C’est tout ce qu’Antoine Tracqui accepte de révéler pour le moment. Toutefois, les trois scénarios sont réalisés depuis longtemps, ce qui permet ces lâchers en rafale sur moins d’un an. Compte tenu du succès, il espère “deuxième saison”. Il est déjà prêt à dessiner. « Quand j’ai un bon rythme, je fais une page par jour, il me faut deux mois pour écrire un scénario de BD, alors que pour un roman, il me faudra deux ans pour l’écrire. ! »

« Bloody Sunday » sortira en librairie mercredi 29 janvier chez Oxymore. Antoine Tracqui dédicacera son nouvel album le samedi 8 février 2025, à partir de 15h, au BDfugue à Besançon.

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