Le fort déluge du Rhône fin juin a dévasté une zone résidentielle et un site industriel à Sierre. Entre une catastrophe naturelle et une catastrophe administrative politique, les Temps présents ont enquêté sur cette catastrophe prévue.
Dans la nuit du 29 juin 2024, le Rhône a débordé à Sierre, inondant le district de Sous-Géronde et dévastateur du site de production en aluminium. Miraculeusement, aucune perte humaine n’a été signalée, mais des dizaines de familles ont vu leur vie se retourner, forcée de quitter leurs maisons au milieu de la nuit. Ils ne peuvent jamais revenir.
Les maisons de Sous-Géronde, avec des loyers modestes, datés du début du 20e siècle, construits par l’industrie de l’aluminium alors situé en face, sur l’autre rive du Rhône.
Les temps présents ont enquêté pour comprendre pourquoi plusieurs familles devaient tout quitter et se sentir maintenant abandonnées par les autorités. Cem Peksam a perdu non seulement la maison où il vivait avec sa famille, mais aussi le rêve d’une vie, le restaurant qu’il ouvrirait deux jours plus tard dans le quartier.
Cette catastrophe aurait-elle pu être évitée?
Cette catastrophe n’est pas une surprise: pendant des décennies, les inondations du Rhône ont menacé la vallée située entre Gletsch et le lac Léman, malgré deux corrections historiques de la rivière pour contenir ses débordements.
Des œuvres titanesques ont été entreprises depuis la fin du XIXe siècle, sautant de plus en plus strictement la rivière, ce qui a permis le développement agricole, industriel et urbain de la vallée. Mais le Rhône, canalisé à plus de 160 kilomètres comme peu de rivières en Europe, est toujours en train de déborder. Et il ne prévient pas. Les dégâts peuvent être considérables.
Comment pouvons-nous alors sécuriser la plaine en anticipant des inondations aussi rares qu’elles sont exceptionnelles, mais certainement dévastatrices?
Le chantier de construction du siècle a été lancé
Au début des années 2000, l’approche a radicalement changé. Au lieu de renforcer son pipeline, la troisième correction du Rhône prévoit plutôt d’élargir le lit de la rivière de 160 kilomètres. Le projet est ensuite conforme à l’évolution de la législation fédérale sur les voies navigables. Il s’agit donc de donner du terrain au Rhône pour mieux contenir ses débordements, ou pour ralentir ses inondations et donc les absorber.
Le projet est Titanic – son budget atteindra 3,4 milliards de francs – et doit avoir lieu sur plusieurs décennies, en commençant par une phase d’étude longue et essentielle. Mais dans les secteurs le plus à risque, des mesures prioritaires sont planifiées, à mettre en œuvre le plus rapidement possible. C’est le cas à Sierre (Central Valais) et VISP (Haut-Valais).
Mais l’opposition locale, les conflits d’intérêts et les contraintes budgétaires retardront rapidement la mise en œuvre du projet. Bien que les travaux prioritaires soient effectués dans VISP, protégeant efficacement la zone industrielle locale sous pression contre la géante chimique Lonza, rien n’est entrepris à Sierre, bien que identifié comme une section particulièrement délicate. La rivière est très étroite, entourée de bâtiments industriels, de maisons, de ponts très bas et d’une falaise.
Pause annoncée en 2024
Un élément changera radicalement la situation: en 2021, le haut du Valais Franz Ruppen, récemment élu au Conseil d’État, aborde la question avec l’intention clairement énoncée de réviser – vers le bas – ce que beaucoup ont appelé »le projet du siècle .
Le virage est brusque. Le projet est suspendu, provoquant un tollé sans précédent chez les spécialistes du développement du cours d’eau.
Jean-Pierre Jordan, qui était responsable du Rhône 3 au Federal Office for the Environment, l’organisme responsable de la gestion du financement du projet, est stupéfait par la brutalité du revirement et la faiblesse de son argument: «Il y a un scientifique La réalité et le projet R3 étaient basés sur la législation, les concepts scientifiques qui sont valables pour toute la Suisse, nous ne pouvons donc pas remettre en question comme ça », croit-il.
>> Relisez sur ce sujet: Le projet de troisième correction du Rhône se transforme en bataille d’experts
Pour réviser, nous devrons tout revoir, en commençant par les objectifs de protection considérés comme trop élevés. Le risque lié aux inondations aurait été surestimé et le tout serait disproportionné, selon le rapport de l’ingénieur de conseil Christophe Voyame, mandaté par l’État de Valais à Une analyse globale rendue publique fin mai 2024.
-Les opposants à la troisième correction du Rhône sont ravis: «Les dangers, les risques ont été surestimés pour justifier les coûts très élevés du travail. Mais ces coûts ne sont en fait pas dus à la sécurité que nous voulons offrir, mais liée à des aspects environnementaux et biologiques », croit Blaise Melly, député de l’UDC au Parlement du Valais.
Une inondation un mois plus tard
Un mois plus tard, le flot du Rhône a dévasté le district de Sous-Géronde, où la troisième correction du Rhône n’avait pas été mise en œuvre. «La région de Sierre a été identifiée comme une zone de risque, avec des mesures prioritaires. Si des actions avaient été prises, les inondations auraient certainement été considérablement réduites », DePlores Serge Gaudin, directrice de Novelis, qui fabrique des feuilles d’aluminium pour les marques autobiles haut de gamme.
La production a été fermée pendant plus de deux mois, avec des conséquences désastreuses. Pour Porsche, qui s’approvisionne en tôle pour ses voitures exclusivement de Sierre, la fermeture de l’usine aurait entraîné un milliard d’euros de pertes, soit 17 000 véhicules non produits.
La tragédie de Sous-Géronde met en évidence les lacunes d’un système embourbé dans les litiges politiques et administratifs. Le pont ferroviaire, répertorié comme un site du patrimoine, devient un barrage naturel qui provoquera soudainement des inondations, tandis que des maisons construites dans le lit du Rhône, également énumérées, empêchent l’élargissement nécessaire de la rivière.
Une commission d’enquête créée à l’automne 2024 par le Parlement du Valais doit faire la lumière sur les causes de la catastrophe et des responsabilités.
>> Lire à ce sujet: Le Parlement du Valais souhaite une commission d’enquête sur le retard dans les travaux de correction du Rhône
Mais il y a aussi une autre zone grise, plus discrète et qui a amplifié la détresse des personnes touchées par l’inondation: l’absence de soutien efficace de l’État. Après les deux premières semaines de soutien direct, l’aide du public s’est avérée presque inexistante. Les habitants de Sous-Géronde, dont la plupart ont des revenus modestes, ont dû s’appuyer sur le Chaine du Bonhenur pour pouvoir survivre. Les compagnies d’assurance ont du mal à couvrir les pertes réelles, plongeant de nombreuses familles dans l’incertitude et la précarité.
>> Lire à ce sujet: Un district de Sierre a encore encombré de déchets cinq mois après le mauvais temps qui l’a inondé
En attendant une reprise hypothétique de travail sur le Rhône, une question restera: combien de temps et comment les habitants du Valais pourront-ils vivre sous la menace de la rivière, amplifiés par le changement climatique?
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Corinne Portier / Cab