L’enfer des mines d’or clandestines sud-africaines

L’enfer des mines d’or clandestines sud-africaines
L’enfer des mines d’or clandestines sud-africaines

Au cœur des mines d’or abandonnées d’Afrique du Sud, des milliers d’immigrés illégaux risquent chaque jour leur vie pour gratter les derniers éclats d’un âge d’or révolu. Un aperçu terrifiant d’une économie parallèle en proie au crime organisé, où l’espoir d’une vie meilleure se mélange au danger permanent.

Au plus profond de la terre sud-africaine, loin des regards, une lutte désespérée pour la survie se déroule. Dans les profondeurs des mines d’or abandonnées par les compagnies, des milliers de mineurs illégaux, les « zama zamas », travaillent chaque jour au péril de leur vie pour extraire les derniers éclats d’un eldorado en fuite. Un enfer souterrain qui n’est que la pointe de l’iceberg d’une économie parallèle tentaculaire, minée par la violence des gangs et les trafics en tout genre.

Les « zama zamas », ces bagnards des temps modernes

Près de 30 000 d’entre eux s’engouffrent quotidiennement, équipés d’outils rudimentaires, dans l’obscurité oppressante des galeries creusées il y a plus d’un siècle lors de la grande ruée vers l’or. Originaires pour la plupart des pays voisins comme le Zimbabwe ou le Mozambique, mais aussi du Lesotho, ces hommes sont prêts à tout pour ramener de quoi nourrir leur famille, quitte à risquer leur vie à chaque instant.

Car le travail des « zama zamas », qui signifie « ceux qui essaient » en zoulou, n’est pas une tâche facile. Pour extraire le métal précieux des veines de quartz aurifères, ces forçats des temps modernes doivent descendre jusqu’à 3 kilomètres sous terre et y rester parfois plusieurs mois d’affilée dans des conditions extrêmes. Chaleur étouffante, air vicié, effondrements, inondations… Les dangers mortels sont légion, sans compter la silicose, cette maladie pulmonaire invalidante qui menace tous les mineurs.

« Vous n’obtenez que 7 à 15 grammes d’or par tonne. Ils doivent avoir un bon œil et ne trouver que les roches contenant le plus d’or. » Robert Thornton, anthropologue spécialiste des « zama zamas »

Un secteur minier à l’agonie

Si l’orpaillage illégal s’est répandu à ce point en Afrique du Sud, c’est avant tout le symptôme d’une industrie minière en complet déclin. Poids lourd de l’économie nationale depuis des décennies grâce à ses impressionnants gisements, le secteur ne représentait plus que 6,2% du PIB en 2023 contre 21% en 1980.

Autrefois leader mondial de la production d’or, le pays arc-en-ciel est tombé à la 11e place en 2022, dépassé par des pays comme le Ghana et le Soudan. Conséquence directe : la fermeture de nombreux sites devenus non rentables, laissant sur le carreau une armée de travailleurs locaux. Un terreau fertile pour l’économie informelle et ses milliers de « zama zamas » prêts à risquer leur peau pour quelques grammes d’or.

Dans l’ombre, le crime organisé

Mais qui dit secteur informel, dit aussi dérives mafieuses. Selon un rapport accablant de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale, le milieu de l’orpaillage illicite est en proie à de violents affrontements entre gangs rivaux pour le contrôle des territoires et des « pillages ». Avec en première ligne les bandes armées du Lesotho qui n’hésitent pas à dépouiller brutalement les mineurs de leur or chèrement acquis.

« Les gangs du Lesotho volent l’or des travailleurs clandestins. Il n’y a pas d’activité minière au Lesotho, ils n’ont donc aucune expérience dans ce domaine. »

Robert Thornton, anthropologue à l’Université du Witwatersrand.

L’autre maillon troublé de cette chaîne aurifère, ce sont des acheteurs peu scrupuleux qui blanchissent impunément le métal précieux avant de l’exporter à Dubaï, en Inde ou en Chine. Un trafic juteux qui profite d’un certain laxisme des autorités et de lacunes béantes de la réglementation. Résultat, on estime que près de 70 % de l’or extrait en Afrique du Sud transite hors des circuits légaux.

Une tragédie humaine et environnementale

Au-delà des chiffres, c’est avant tout un drame humain qui se joue chaque jour dans les entrailles étouffantes des mines abandonnées. Avec son terrible cortège de vies brisées, de familles endeuillées et d’espoirs évanouis. Sans parler des ravages sur l’environnement, entre pollution des sols au mercure et rivières empoisonnées aux métaux lourds.

Face à ce fléau, les autorités sud-africaines semblent impuissantes, tiraillées entre la volonté de réprimer une activité illégale dangereuse et la prise en compte d’une réalité sociale explosive. A défaut de pouvoir enrayer le phénomène, la priorité serait de sécuriser le moins possible ces sites abandonnés devenus de véritables coupe-gorge. Et d’encadrer cette économie parallèle pour lutter contre les dérives mafieuses et l’exploitation des mineurs.

Car derrière chaque « zama zama », il y a un être humain en quête désespérée d’une vie meilleure. Et c’est là la tragédie d’un pays qui peine à se remettre des cicatrices de son passé minier. Celui d’un Eldorado perdu qui a fait la fortune des uns et le malheur du plus grand nombre. Il en résulte un pays vidé et une population encore plus vulnérable, condamnée à gratter les fonds d’une économie à la dérive.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Partizan Belgrade, Euroligue (H), en direct du 14/01/2025
NEXT les nouveaux prix pour chaque marque