C’était le prisonnier inconnu. Le troisième Français détenu par la République islamique d’Iran. Contrairement à Cécile Kohler et Jacques Paris, incarcérés depuis le 7 mai 2022, Olivier Grondeau, un touriste français arrêté le 12 octobre 2022 alors qu’il se trouvait à Chiraz, dans le sud du pays, a requis l’anonymat dans l’espoir d’être rapidement libéré. “Les accusations portées contre lui lui semblaient tellement absurdes qu’il pensait laisser la diplomatie ou même la justice iranienne prendre le dessus, ce qui lui permettrait d’être totalement innocent de ce qui lui est reproché”, explique-t-il. Indiquer son ami Tristan Bultiauw, porte-parole du Collectif Liberté pour Olivier. « Mais alors que sa santé se détériorait et que son espoir diminuait, il a décidé de briser le silence. »
A LIRE AUSSI EXCLUSIF. France-Iran : les incidents inquiétants qui ont émaillé la libération de Louis ArnaudSon pouvoir discrétionnaire a peut-être initialement facilité ses conditions de détention. Contrairement aux deux autres détenus français, incarcérés à l’isolement depuis près de trois ans, ce qui selon le Quai d’Orsay serait « » définition de la torture en droit international », Olivier Grondeau a accès à des livres et peut communiquer régulièrement avec ses proches ainsi qu’avec l’ambassade de France. En revanche, le silence de sa famille n’a eu aucune incidence sur son sort. En février 2024, le ressortissant français de 34 ans a été condamné à cinq ans de prison pour « collecte d’informations en vue de les fournir aux services d’espionnage opposants ».
« Au mauvais endroit, au mauvais moment »
“Ces accusations sont complètement fictives et le dossier est complètement vide”, souligne Tristan Bultiauw. Cette condamnation est un prétexte pour prendre Olivier en otage et le maintenir au cœur d’un chantage entre Etats qui échappe totalement à notre contrôle.. » Passionné de poésie et de voyages, Olivier Grondeau parcourt le monde depuis 2010, simplement équipé d’un sac à dos, d’un sweat et de tongs. Contraint de rentrer en France en 2020 à cause de l’épidémie de Covid-19, ce natif de Montpellier, qui a grandi à Paris, reprend son tour du monde à l’automne 2021 et arrive en Iran en septembre. Le pays est alors secoué par des manifestations populaires sans précédent, suite à la mort de la jeune Mahsa Amini aux mains de la police des mœurs pour un voile mal porté.
A LIRE AUSSI Narges Mohammadi, Prix Nobel de la Paix 2023 : « La lutte contre le voile obligatoire n’est pas qu’une affaire de femmes »« A Chiraz, à 1 000 kilomètres au sud de Téhéran, il n’a été témoin d’aucun trouble, d’aucune agitation », insiste le porte-parole de son comité de soutien. « Pour lui, le danger n’était ni plus ni moins présent que lors de ses précédents séjours. L’Iran est un pays dont il est amoureux. Il aime vraiment sa culture, sa poésie. En conséquence, il adorait écrire sur Shiraz. » Deux jours avant son arrestation, Olivier envoyait encore un mail à un ami dans lequel il avouait envisager de rentrer en France en raison de la situation dans le pays.
Le 25 décembre, le touriste français a passé son troisième Noël derrière les barreaux, sans aucune indication d’une libération prochaine. Le refus de sa demande de libération conditionnelle l’a poussé à sortir de son silence. “Je m’appelle Olivier, je suis retenu en otage depuis deux ans et trois mois par le gouvernement iranien”, a-t-il déclaré dans un appel à l’aide lancé le 9 décembre depuis la prison d’Evin à Téhéran, où il est désormais incarcéré, et diffusé ce lundi. , le 13 janvier sur Radio France. « Dans ma situation, prendre la parole, c’est prendre un risque. Mais comme il y a des risques, il y a de l’espoir. Mais il me reste très peu. Je suis vraiment très fatigué. »
« Diplomatie des otages »
La France considère Olivier Grondeau, Cécile Kohler et Jacques Paris comme des « otages de l’État », victimes de la « diplomatie des otages » de la République islamique. Depuis dix ans, Téhéran multiplie les arrestations de ressortissants occidentaux ou binationaux de passage en Iran, dans le but de faire pression sur leur pays d’origine et d’obtenir des compensations politiques en échange de leur libération (libération de citoyens iraniens détenus en Occident, paiement de dettes financières, dégel des avoirs iraniens à l’étranger, etc.).
A LIRE AUSSI Donald Trump réélu, l’Iran vit son « pire cauchemar » Aussi moralement répréhensible soit-elle, cette pratique profite à la République islamique, qui parvient souvent à ses fins. Le 19 décembre, l’arrestation par Téhéran de la journaliste italienne Cecilia Sala, qui se trouvait légalement en Iran avec un visa de presse, a conduit dimanche à la libération par l’Italie du ressortissant iranien Mohammad Abedini, arrêté à Milan sur ordre des États-Unis, qui l’accusent d’avoir contourné les sanctions américaines contre l’Iran.
“N’allez pas en Iran”
Les arrestations de citoyens étrangers en République islamique se sont accélérées à partir de l’automne 2022, après le déclenchement du mouvement « Femme, Vie, Liberté ». « Au-delà des questions classiques d’échange, il ne faut pas sous-estimer la dimension idéologique de la politique iranienne de prise d’otages », confie une source proche du dossier. « Pour justifier ses difficultés internes liées au mouvement de contestation dont elle nie les motivations culturelles et sociales, il faut que la République islamique avance l’idée d’un complot ourdi par des étrangers, qui fait de toute personne française ou occidentale qui se rend en Iran une personne potentielle. cible. »
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Le sort des trois otages français toujours détenus en Iran est constamment évoqué par le président de la République et le ministre des Affaires étrangères lors de leurs échanges avec leurs homologues iraniens, mais ces derniers ont l’habitude de mettre le paquet en répétant que l’Iran est la règle. du droit et que le pouvoir judiciaire est indépendant, même s’il est l’instrument des ultraconservateurs au pouvoir. “Cette façade gouvernementale qui donne le changement ne semble avoir aucun poids à l’intérieur du système où de nombreux services sont en concurrence”, explique une source bien informée.
L’absence de résultats sur les otages a récemment conduit les autorités françaises à hausser le ton vis-à-vis de Téhéran, le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot subordonnant désormais toute levée des sanctions nucléaires iraniennes à la libération des otages. Français. En attendant, le ministre français des Affaires étrangères exhorte les citoyens français qui hésitent encore à « ne pas aller en Iran ».