La reporter du quotidien italien « Il Foglio », célèbre pour son podcast « Stories » consacré à l’actualité internationale, a été incarcérée dans la terrible prison d’Evin. Une situation qui ébranle le pays et ébranle ses dirigeants politiques. Elle a été libérée ce mercredi 8 janvier.
Par Laure Giuily
Publié le 8 janvier 2025 à 17h04
EEn Italie, l’affaire fait la une des journaux : la journaliste Cecilia Sala, 29 ans, très appréciée du jeune public grâce à son podcast sur l’actualité internationale, est derrière les barreaux de Téhéran depuis le 19 décembre.
Autorisée à téléphoner à ses proches, elle a détaillé les conditions de sa détention dans la terrible prison d’Evin – celle-là même où sont détenus de nombreux opposants au régime. Elle dit qu’elle est en cellule d’isolement, qu’elle dort par terre, dans une cellule non chauffée, avec la lumière toujours allumée. Cecilia Sala, emblème d’une nouvelle génération d’observateurs du monde, bouleverse le pays et bouscule ses dirigeants politiques.
Officiellement arrêtée pour avoir « violé les lois de la République islamique d’Iran », la jeune femme semble payer le prix d’un différend entre Washington et Téhéran – l’Iran pourrait l’utiliser comme monnaie d’échange pour obtenir la libération d’un de ses citoyens. , accusé d’avoir soutenu une organisation terroriste et incarcéré mi-décembre à Milan, à la demande des États-Unis. La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, a également discuté de la question le week-end dernier avec le président élu Donald Trump, dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride.
Qui est Cécilia Sala ?
Née à Rome en 1995, dans le quartier chic et résidentiel de Monteverde, Cecilia Sala dit avoir toujours voulu être journaliste. Adolescente, elle lisait Hemingway et rêvait de reportage, comme elle le confiait à une interview donnée à Elle. Parallèlement à ses études, elle a débuté à Vice où elle est entourée de gens de son âge, curieux d’explorer de nouvelles formes d’actualité. A à peine 25 ans, elle part au Venezuela dans le but de rembourser ses dépenses en y vendant du travail indépendant. Très vite, elle se fait repérer grâce à ses vidéos sur les réseaux sociaux et se met à parcourir le monde à la recherche de témoignages et d’histoires intimes pour éclairer l’actualité internationale. En 2020, elle entame une collaboration avec Volonté, un média web italien fondé sur Instagram soucieux de créer un monde plus durable.
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Mais c’est en août 2021 que le journaliste accède à la notoriété. Lorsque Kaboul a été prise par les talibans, alors que de nombreux collègues étaient en vacances, Cecilia Sala a été l’une des premières journalistes à entrer dans la capitale afghane. En quelques jours, elle est passée de 90 000 à plus de 200 000 followers, se souvient au quotidien son ancienne collègue. La feuille Simonetta Sciandivasci. A partir de là, tout s’accélère. La jeune femme est embauchée comme envoyée spéciale du quotidien La feuille et lance son podcast Histoires en janvier 2022, diffusé sur la plateforme Chora, basée à Milan.
Que dit-elle dans son podcast ?
De l’Iran à l’Ukraine, en passant par l’Afghanistan ou le Venezuela, dans chacun des 685 épisodes mis en ligne depuis la création du podcast le 10 janvier 2022, Cecilia Sala décrypte l’actualité internationale à travers des récits intimistes et personnels. « Sa grande force est de disparaître derrière ses personnages. Elle ne se met jamais en scène, ce n’est pas elle le personnage principal de son podcast, ce sont les histoires”, analyse Simonetta Sciandivasci. Et c’est justement ce qui plaît à ses 250 000 auditeurs quotidiens et à ses 450 000 followers sur Instagram. Comme Matteo, 30 ans, auditeur quotidien de Des histoires, « c’est simple et fort », résume-t-il pour expliquer son enthousiasme. “Elle décrit des situations très complexes à travers des cas personnels, c’est puissant, et les épisodes sont courts.” L’une d’elles l’a particulièrement marquée, en avril 2022 : voyant qu’elle se rendait à Tchernihiv, dans le nord attaqué de l’Ukraine, un jeune homme lui a écrit sur les réseaux sociaux, lui demandant de l’aider à retrouver Volodymir, son arrière-grand-père, dont il n’avait plus entendu parler depuis le début de l’invasion russe. Après une longue enquête qu’elle raconte dans son podcast, elle a fini par frapper à la porte de cet homme, qui avait combattu les nazis aux côtés de l’Armée rouge pendant la Seconde Guerre mondiale, et se trouvait désormais sous les bombes en Ukraine.
Quelles réactions en Italie ?
« J’ai l’impression d’avoir perdu un ami », « reviens vite », « prépare-toi Cécilia », « ça me fait mal de te voir là », des milliers de messages de soutien ont afflué depuis la création de #FreeCecilia il y a quelques jours. De nombreux auditeurs, habitués à l’entendre tous les jours, se sentent démunis, seuls sans leur rendez-vous quotidien, comme le confie Antonella, 57 ans, fan du podcast et journaliste. “Elle fait partie de mon quotidien, c’est comme si je la connaissais, elle est tellement humble et humaine, c’est très dur de la connaître là-bas, dans ces conditions”, confie-t-elle. Ses confrères de la plateforme Chora se sont mobilisés pour poursuivre son travail, en attendant son retour, avec la diffusion, chaque jour, d’épisodes intitulés « En attendant Cécilia ». Côté politique, tous les représentants des partis se sont exprimés pour demander sa libération, tandis que la présidente du Conseil, Giorgia Meloni, s’est rendue en Floride, samedi 4 janvier, pour rencontrer Donald Trump, dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, à propos de ce. Les parents souhaitent rester discrets et ont demandé le silence à la presse, afin de ne pas gêner les négociations.