La popularité des murs-rideaux XXL stimule l’imagination des concepteurs de façades, avec la contrainte de devoir faire valider au préalable leurs produits par le laboratoire Efectis, agréé par le ministère de l’Intérieur pour la sécurité incendie. Le concepteur de façades et menuiseries aluminium Wicona a testé fin 2024 une façade vitrée coupe-feu sur le site test de Maizières-lès-Metz, en Moselle. L’objectif du constructeur allemand ? Que son produit reste ignifuge et bloque la transmission de chaleur pendant 60 minutes selon la classification européenne EI60. « Notre nouvelle génération de façade ne disposait pas encore d’essai de référence avec les vitrages de la gamme Pyrobel-T du groupe AGC », explique Aurélien Lesieur, référent produits incendie chez Wicona France.
Posé sur une ossature en béton, le mur-rideau est constitué d’un grand vitrage mesurant 2 x 3,2 m et de deux vitrages superposés (0,83 mx 1,6 m), séparés par une traverse. Les produits ont été assemblés dans la salle d’essais du laboratoire puis positionnés devant le four dont les brûleurs atteignent 1 000°C en une heure. Andréa Viard, chef de projet chez Efectis, a choisi de réaliser un seul essai, mais en installant la façade Wicona dans sa configuration la plus critique, « en inversant la position des vitrages ».
Effet « Meringue ». Le complexe vitré d’une épaisseur totale de 49 mm a donc vu sa face en verre feuilleté 44.2 (deux vitrages de 4 mm d’épaisseur séparés par deux films de 0,38 mm d’épaisseur) placée côté four, tandis que sa face en verre trempé avec intercalaires intumescents rempli de gel aqueux (trois panneaux de 6 mm d’épaisseur séparés par deux intercalaires de 5 mm) a été placé sur la face extérieure. Après la mise en pression, le démarrage des brûleurs déclenche le temporisateur. En une minute, le four atteint 250°C, provoquant les premières fissures du verre feuilleté. Côté extérieur, les capteurs ne mesurent pas plus de 24°C à ce stade sur la surface du vitrage. « Pour que le caractère isolant au feu soit validé, l’échauffement du mur extérieur ne doit pas dépasser 140°C en moyenne et 180°C occasionnellement », explique Eric Grandy, chef de produit incendie France chez AGC.
Sous l’effet des brûleurs, le gel aqueux contenu dans le premier intercalaire intumescent passe par une phase d’ébullition puis d’expansion, formant une barrière opaque rigide, telle une meringue protectrice géante. 600°C est atteint en six minutes, provoquant une déformation de la paroi vitrée vers l’intérieur du four. Fabrice Triaes, directeur technique de Wicona France, rappelle qu’à cette température, « l’aluminium perd ses caractéristiques mécaniques, c’est pourquoi le profilé est épaissi jusqu’à 4 mm et contient des renforts en acier ainsi que des matériaux isolants libérant de la vapeur d’eau destinée à refroidir le métal à le noyau. L’élévation de température de ces matériaux isolants, comme celle du gel aqueux des intercalaires intumescents, provoque un dégagement de vapeur d’eau pendant toute la durée de l’essai.
Au bout de 20 minutes, l’ensemble des vitrages feuilletés est tombé du côté des flammes. La première couche de verre trempé se brise, ce qui fait que tout le gel réagit pour protéger le reste du vitrage. Ce rideau opaque s’assombrit en son centre au fur et à mesure de l’essai, tandis que la montée en température provoque l’expansion du deuxième intercalaire.
Inflammation complète. À l’approche du seuil des 60 minutes, les opérateurs d’Efectis guettent plusieurs signaux visuels. Alerté par le noircissement d’une zone du châssis, l’un d’eux a appliqué du coton dessus pendant 30 secondes, en veillant à ce qu’il ne prenne pas feu : cette réaction ferait perdre le critère d’étanchéité au feu. , de la même manière que la formation d’une flamme continue pendant plus de 10 secondes. Si une fente apparaît, les opérateurs doivent également vérifier qu’un vérin de commande en acier de diamètre 6 mm ne puisse y coulisser. En aucun cas un tube de 25 mm de large ne pourra y pénétrer.
Wicona choisira de poursuivre les tests jusqu’à la destruction complète de sa façade, avec en tête un éventuel classement EI90, soit une résistance au feu pendant 90 minutes. Une inflammation complète se produira après 97 minutes. Après analyse des différents paramètres, le système de façade reçoit un rapport avec deux grades : EI60, pour sa capacité d’isolation thermique et d’étanchéité au feu pendant 60 minutes, et EW90 pour son étanchéité au feu et la limitation du rayonnement. à 15 kW/m² à une distance d’un mètre pendant 90 minutes. La commercialisation du produit a pu démarrer immédiatement.