Avec ses gratte-ciel jumeaux de 170 kilomètres de long et son ambition de devenir une référence mondiale en matière d’innovation urbaine, Neom représente une pièce maîtresse du plan « Vision 2030 » du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Ce projet colossal, censé accueillir le futur stade phare de la Coupe du monde 2034, mobilise des dizaines de milliers de travailleurs dans une région isolée.
Entre rêve et chaos
Mais sur le terrain, tout n’est pas si brillant. Plus de 100 000 travailleurs, principalement originaires d’Asie du Sud et d’autres régions, travaillent sur ce projet titanesque. Si le logement et les infrastructures sont censés répondre à des normes élevées, la réalité est bien différente, comme le rapporte Journal de Wall Street. Des camps de fortune, souvent surpeuplés, abritent certains de ces travailleurs, certains dormant même dans leur véhicule. Une violente manifestation en 2023, déclenchée par la mauvaise qualité des repas, illustre leur frustration.
Les dangers ne s’arrêtent pas là : les accidents sont fréquents. Des enfants âgés d’à peine 8 ans ont été vus conduisant des camions, et les routes parfois chaotiques du site ont déjà causé des morts. En 2022, un rapport indépendant pointait un manque criant de sécurité routière, et malgré les efforts déployés depuis, la situation reste préoccupante.
Les ambitions de Neom ne laissent aucune place à l’erreur, mais les défis humains sont considérables. Les incidents sur le chantier comprennent des bagarres, des suicides, des violences graves et même du trafic de drogue. Selon des documents internes, ces problèmes sont mal gérés, les équipes de sécurité étant souvent débordées ou insuffisamment formées.
Même les infrastructures d’urgence ont du mal à suivre le rythme. Une étude interne de 2022 mentionnait « risques catastrophiques » pour les salariés. Même si un hôpital et des ambulances sont désormais disponibles sur place, les délais de réponse restent problématiques dans cette région reculée.
Pour les cols blancs, hébergés dans des camps beaucoup plus confortables avec piscines, cafés branchés et salles de sport, l’expérience est bien différente. Mais même eux vivent l’isolement. Les déplacements entre les camps et les villes voisines, situées à plusieurs heures de route, ont déjà coûté la vie à des consultants.
Neom, en quête de perfection, a néanmoins amélioré certains aspects. Une campagne de sécurité routière a été lancée et des programmes de formation visent à réduire les accidents. Mais l’ampleur des problèmes montre qu’il reste encore un long chemin à parcourir.
Au-delà des questions logistiques, le projet est également critiqué pour le déplacement forcé de tribus locales comme les Huwaitat. Ces expulsions, parfois violentes, rappellent le coût humain des visions grandioses du pouvoir.
Alors que le monde attend de voir si Neom tiendra ses promesses de modernité, beaucoup se demandent si l’Arabie Saoudite sera capable de concilier ses ambitions avec le respect des droits des travailleurs et des populations locales. Derrière les gratte-ciel futuristes se dresse un chantier où tout n’est pas encore à la hauteur des idéaux affichés.
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