La crise politique continue de s’intensifier en Corée du Sud. Le vendredi 3 janvier, les procureurs et les agents du Bureau d’enquête sur la corruption (CIO) n’ont pas réussi à arrêter Yoon Suk-yeol, qui était enfermé dans sa résidence.
Le président déchu est accusé de « rébellion » après sa tentative ratée d’instaurer la loi martiale le 3 décembre, un coup d’État sans précédent qui a plongé la Corée du Sud dans sa pire crise politique depuis des décennies.
► 3 décembre 2024 : le coup d’Etat du président
Dans un discours télévisé surprise le 3 décembre au soir, le président conservateur Yoon Suk-yeol proclame la loi martiale, une première depuis la fin de la dictature militaire en 1987. Il justifie la mise en place de cette mesure inédite « pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ». La loi martiale implique notamment la suspension de la vie politique ainsi que la fermeture du Parlement et la mise sous contrôle des médias.
En réalité, cette annonce intervient dans un contexte de débat parlementaire houleux sur le projet de budget 2025. Le président, élu d’une très courte majorité en 2022, impopulaire et constamment battu par une Assemblée nationale dominée par l’opposition, accuse cette dernière de paralyser le gouvernement.
Le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, battu de peu par Yoon Suk-yeol deux ans plus tôt, dénonce à son tour une décision “illégal” et appelle la population à manifester.
► 4 décembre : le président contraint de lever la loi martiale
Dans la nuit du 3 au 4 décembre, des milliers de personnes se sont rassemblées devant le Parlement sud-coréen pour protester. Près de 190 députés sur 300 ont réussi à pénétrer dans la salle où tentaient de pénétrer les forces spéciales et ont immédiatement adopté une résolution exigeant l’abrogation de la mesure. Six heures seulement après l’avoir déclarée, Yoon Suk-yeol est contraint de lever la loi martiale, et annonce le retrait des troupes déployées à Séoul.
► Du 5 au 7 décembre : tentative de destitution
La police sud-coréenne a ouvert une enquête le 5 décembre contre lui et d’autres responsables pour “rébellion”un crime contre lequel l’immunité présidentielle ne protège pas.
Le même jour, les six partis d’opposition ont présenté au Parlement une motion de destitution contre Yoon Suk-yeol, l’accusant d’avoir « violé gravement et largement la Constitution ». Toutefois, l’adoption de la motion nécessite une majorité des deux tiers des voix. L’opposition, qui compte 192 députés sur 300, doit donc rallier à sa cause au moins huit députés issus du camp présidentiel.
Seuls 195 députés ont finalement participé au vote du 7 décembre et Yoon Suk-yeol a échappé à la motion de destitution. Le chef de l’opposition annonce une nouvelle tentative le 14 décembre de destituer le chef de l’Etat.
► Du 8 au 9 décembre : l’étau se resserre
Tandis que le président résistait et s’accrochait au pouvoir, la police sud-coréenne a arrêté le 8 décembre l’ancien ministre de la Défense, Kim Yong-hyun, en poste pendant l’éphémère loi martiale. Le ministre de l’Intérieur, Lee Sang-min, également mis en examen, a démissionné à son tour.
Le 9 décembre, Yoon Suk-yeol s’est vu interdire de quitter le pays. Le dirigeant impopulaire devient le premier président sud-coréen en exercice à faire face à cette sanction. Son ancien ministre de la Défense et des responsables de la police sont également contraints de rester en Corée du Sud.
Deux jours plus tard, la police sud-coréenne perquisitionnait le bureau présidentiel, tandis que l’ancien ministre de la Défense tentait de se suicider en détention. Yoon Suk-yeol dit qu’il veut se battre “jusqu’à la dernière minute”.
► 14 décembre : le Parlement destitue le président
Au onzième jour de chaos politique, le 14 décembre, le Parlement sud-coréen a adopté une motion de destitution déposée par l’opposition contre le président avec 204 voix pour et 85 contre. Yoon Suk-yeol est donc suspendu, dans l’attente de la validation de sa révocation par la Cour constitutionnelle dans un délai de cent quatre-vingts jours. Le Premier ministre Han Duck-soo doit assurer l’intérim.
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Si la Cour confirme la mise en accusation, une nouvelle élection présidentielle sera organisée dans les deux mois suivants. Yoon Suk-yeol deviendra également le deuxième président de l’histoire de la Corée du Sud à être destitué, après Park Geun-hye en 2017. Mais il existe aussi un précédent de destitution votée par le Parlement puis invalidée deux mois plus tard par la Cour constitutionnelle : celle de Roh Moo-hyun en 2004.
La Cour constitutionnelle entame le 16 décembre une procédure contre le président déchu.
► 18 décembre : le président déchu continue de résister
Les enquêteurs de l’agence anti-corruption ont convoqué Yoon Suk-yeol le 18 décembre pour l’interroger sur des accusations de rébellion et d’abus de pouvoir, mais le président déchu ne s’est pas présenté. Il a de nouveau refusé le 25 décembre de se présenter à son interrogatoire.
► 27 décembre : deuxième licenciement
Le Premier ministre Han Duck-soo, désormais président par intérim, refuse de promulguer deux lois visant à enquêter sur Yoon Suk-yeol. En réponse, le principal parti d’opposition a déposé une motion de censure contre lui, l’accusant d’avoir « participé activement à l’insurrection » après la tentative avortée de son prédécesseur début décembre.
Han Duck-soo a à son tour été limogé par les députés le 27 décembre, une première pour un président par intérim. Choi Sang-mok, jusqu’ici ministre des Finances, devient le nouveau chef de l’Etat par intérim.
► 3 janvier 2025 : tentative d’arrestation ratée
Yoon Suk-yeol, le premier président déchu, se réfugie dans sa résidence de Séoul. Le 3 janvier 2025, les procureurs et les agents du Corruption Investigation Office (CIO), qui mènent l’enquête pour “rébellion” séjournez six heures dans la résidence située dans le quartier huppé de Hannam. Ils repartent finalement sans avoir atteint leurs objectifs, empêchés par les gardes du corps de Yoon Suk-yeol.
Toujours devant la résidence de l’ancien président, des heurts ont eu lieu dans la nuit entre ses partisans et ses détracteurs.