(Deir el-Balah) Devant sa tente au coeur de la bande de Gaza, Yahya al-Batran allume un feu pour tenter de se réchauffer avec ses enfants et sa femme, quelques jours après la mort de leur nourrisson due à la froid selon les rapports des médecins.
Joumaa est décédée dans la tente familiale à Deir el-Balah vingt jours seulement après sa naissance. Ali, son jumeau, est hospitalisé dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Nasser, dans le sud du territoire assiégé et dévasté par la guerre entre Israël et le Hamas palestinien.
Complètement démunie, la famille Batran, déplacée par la guerre, vit dans une tente de fortune à Deir al-Balah, faite de couvertures et de tissus usés. Ces dernières semaines, les températures sont tombées à 8 degrés Celsius accompagnées de fortes pluies.
« Nous n’avons pas assez de couvertures ni de vêtements adaptés. J’ai vu mon bébé commencer à geler, sa peau est devenue bleue, puis il est mort”, déplore Noura Al-Batran, 38 ans, encore en convalescence après son accouchement.
Ses jumeaux sont nés prématurément. « J’ai dit au médecin qu’il n’y avait pas de chauffage là où nous vivons, mais il a décidé de les sortir de la couveuse. »
« J’ai fui les bombardements avec mes enfants pour les protéger des bombardements et maintenant ils meurent ici de faim et de froid ? », s’exclame le père, Yahya al-Batran, 44 ans.
« Mourir sous nos yeux »
Comme des centaines de milliers d’autres Gazaouis, la famille Al-Batran a été déplacée à plusieurs reprises à cause des combats et des bombardements qui ont détruit une grande partie de la bande de Gaza.
Les déplacés vivent dans des tentes de fortune et souffrent d’un manque de nourriture, de carburant et de médicaments, l’ONU mettant en garde contre des mois de famine dans ce territoire pauvre et surpeuplé.
Yahya al-Batran, qui a fui Beit Lahia (Nord) avec sa femme, ses enfants et ses parents handicapés, affirme avoir donné aux jumeaux les noms de deux neveux tués dans les bombardements israéliens.
« Nous regardons nos enfants mourir sous nos yeux », dit-il avec amertume.
PHOTO BASHAR TALEB, AGENCE -
Des Palestiniens s’abritent de la pluie dans un camp de personnes déplacées à Khan Younes, dans la bande de Gaza, le 31 décembre 2024.
Dimanche, le ministère de la Santé du Hamas à Gaza a annoncé le « décès dû au froid » de Joumaa al-Batran, et le lendemain, sept enfants étaient morts du froid en une semaine.
Dans un coin de la tente Batran, dressée avec des centaines d’autres dans une palmeraie, Yahya embrasse trois de ses enfants sur un tapis détrempé par la pluie.
Il place ensuite une petite casserole d’eau sur le feu pour préparer du thé qu’il mélange avec du pain sec. Avec un peu de fromage et de thym, cela servira de déjeuner pour toute la famille.
« Mes enfants meurent de faim et de froid », s’écrie sa femme.
« Gelée »
A Khan Younès, plus au sud, Mahmoud Al-Fassih raconte avoir retrouvé sa petite fille Sila « gelée » dans leur tente du secteur al-Mawassi, où il s’était réfugié après avoir fui Gaza ville (Nord).
Il l’a emmenée aux urgences, mais elle avait déjà perdu la vie.
Le Dr Ahmad Al-Farra, directeur du service des urgences et de pédiatrie de l’hôpital Nasser, a déclaré à l’AFP que le bébé de trois semaines est arrivé à l’hôpital “en hypothermie sévère, sans signes vitaux, un arrêt cardiaque ayant entraîné sa mort”.
Le service de presse du gouvernement du Hamas à Gaza a mis en garde lundi contre l’impact d’une grave dépression météorologique prévue dans les prochains jours, qui constitue une « menace réelle pour deux millions de personnes déplacées ».
Le Dr Farra met en garde contre la possibilité d’une augmentation des décès chez les enfants, les nourrissons et les personnes âgées.
Aisha al-Qassas, vingt jours, est également morte de froid à al-Mawassi, selon sa famille.
« A Gaza, tout mène à la mort », déplore Mohamed al-Qassas, son oncle. « Ceux qui ne meurent pas sous les bombardements israéliens succombent à la faim ou au froid. »
