En Russie, le poids de l’inflation liée à la guerre pèse sur l’économie et les ménages

La guerre en Ukraine et la situation générale qu’elle provoque, notamment du fait des sanctions, pèsent sur l’économie russe, où l’inflation a atteint 9% cette année. Les prix de nombreux produits alimentaires de base ont grimpé en flèche.

Pour un journaliste étranger, faire parler les Russes dans un micro pour expliquer dans quelle mesure ils sont affectés par la hausse de l’inflation sur un marché est assez compliqué.

En revanche, il est beaucoup plus simple d’obtenir la description d’un repas de Nouvel An parfait : « Traditionnellement, c’est une salade Olivier (ce qu’on appellerait ici une salade russe, ndlr.), hareng dans un manteau de fourrure (un plat traditionnel servi pendant les fêtes, ndlr.) Nous avons aussi de la viande en gelée, différentes tranches de saucisson. Oranges, mandarines, fruits sont aussi traditionnellement sur la table. Et du champagne», explique la Moscovite Lydia au micro de Tout un monde mardi.

Une table russe pour les fêtes. [Photononstop via AFP – EVE MORCRETTE]

Augmentation moyenne de 9%

Mais sur un an, le prix des mandarines a augmenté de 18 %, celui du beurre de plus de 30 %, celui des pommes de terre de 64 %. De quoi faire augmenter le coût de la salade Olivier comme celui du hareng en manteau de fourrure. Sans compter la multiplication par 7 du prix du caviar rouge en 20 ans, dont le prix au kilo dépasse 55 francs.

Lydia résume modestement : « Même avec de tels prix, le Nouvel An est une fête qu’il faut célébrer pour accueillir l’année dans la bonne humeur et avec l’espoir que tout se passe bien pour nous. »

De nombreux aliments de base sont touchés par une inflation élevée. La hausse moyenne des prix est d’environ 9% malgré les efforts de la Banque centrale russe pour tenter de la contenir. La situation est sans précédent depuis 2003.

Vendeurs au marché Dorogomilovsky à Moscou. [KEYSTONE – ALEXANDER ZEMLIANICHENKO]

Pénurie de main d’œuvre

Selon les économistes, les difficultés auxquelles est confrontée l’économie russe ont plusieurs causes, mais toutes sont liées à la guerre en Ukraine. Les sanctions occidentales en sont une des raisons, mais l’autre, la pénurie de main-d’œuvre, n’est pas moins importante.

Le manque de travailleurs dans le secteur privé n’est pas une nouveauté ; il s’agit en fait d’une caractéristique de l’économie russe qui découle de ce qu’on appelle la « décennie perdue » – les années de la présidence Eltsine qui s’étendent sur les années 1990. – lorsque la natalité s’est effondrée en raison des incertitudes créées par la chute de l’Union soviétique et du capitalisme sauvage qu’elle a engendré.

Effets collatéraux de la guerre

Et depuis février 2022 et le début de la guerre en Ukraine, ce manque de main d’œuvre s’est exacerbé pour trois raisons : le départ pour le front de plusieurs centaines de milliers d’hommes, la fuite à l’étranger de quelques centaines de milliers d’ouvriers qualifiés et une concurrence exacerbée. des entreprises du complexe militaro-industriel qui ont besoin de main d’œuvre pour augmenter leur production.

Vladimir Poutine visite la plus grande usine de chars de Russie, à Uralvagonzavod, dans l’Oural. [AFP – ALEXANDER KAZAKOV]

Enfin, l’État russe dépense énormément pour soutenir son effort de guerre. Entre 2021 et 2025, les dépenses budgétisées sont en hausse de 67,5 %, ce qui contribue également à alimenter l’inflation.

Taux d’intérêt supérieur à 25 %

Même si l’on ne peut pas parler d’effondrement de la croissance russe, celle-ci pourrait néanmoins connaître un net ralentissement en 2025 – certaines prévisions font état d’une croissance d’un peu plus de 1 %. L’origine de ce fort ralentissement de la croissance vient du différentiel entre une inflation autour de 9% et des taux d’intérêt sur les prêts aux particuliers et aux entreprises oscillant entre 25 et 30%.

Le coût élevé des emprunts – et donc des investissements – devrait donc ralentir l’économie. Par exemple, les chemins de fer russes ont déjà annoncé qu’ils réduiraient leurs investissements de près de 40 % l’année prochaine. Par extension, beaucoup se demandent comment les entreprises privées qui n’ont aucune raison de s’endetter pour investir pourront rembourser leurs prêts.

Peur d’une « stagflation »

Pour mettre fin à ces difficultés économiques, la Russie ferait bien de mettre fin à la guerre en Ukraine l’année prochaine. Mais une réalité économique n’est pas nécessairement une réalité politique. Si les élites économiques sont inquiètes et craignent une « stagflation » – une inflation élevée couplée à une faible croissance économique – l’exécutif reste optimiste.

Le président Vladimir Poutine estime que l’économie russe peut encore résister, pour trois raisons : le déficit budgétaire fédéral est très faible, les revenus non pétroliers et gaziers augmentent et les investisseurs chinois arrivent en masse pour remplacer les Occidentaux. . Malgré cela, c’est l’issue du conflit en Ukraine qui déterminera l’avenir de l’économie russe.

>> Lire aussi : Vladimir Poutine estime que la Russie aurait dû attaquer l’Ukraine “plus tôt”

Sujet et reportage radio : Jean-Didier Revoin

Site d’adaptation : Katharina Kubicek

 
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