« Ce qu’il y a de bien avec les mères, c’est qu’on ne s’en lasse jamais. parler.» Près de 20 ans plus tard La reine du silenceconsacrée à la relation ratée avec son père, l’écrivain Roger Nimier décédé alors qu’elle avait cinq ans dans un accident de la route, la romancière s’empare du côté droit de son ascendance : sa mère, en Le côté obscur de la reineparu le 2 janvier dans Mercure de France. Une histoire d’une exceptionnelle justesse sur les ravages d’une relation étroite et toxique.
L’histoire : Ce livre raconte l’histoire d’un territoire occupé et le désir désespéré de le libérer. Ce territoire est celui de l’existence de Marie Nimier, littéralement squattée par la figure maternelle omniprésente. Nadine, flamboyante épouse de l’écrivain Roger Nimier, tour à tour rédacteur publicitaire dans les années 60 et journaliste radio, beauté blonde du Tout-Paris aux jambes interminables, vive, drôle, tragédienne diabolique. “Une personne fabuleux” selon certains, une diva. Pourtant, la réalité de l’enfance de Marie et de ses frères n’a pas grand-chose à voir avec la légende familiale…
Comment se construit-on au contact d’un tel personnage ? Surtout quand après la mort de son père, la petite Marie devient le centre de gravité et l’analgésique de cette maman qui veut “partagez tout » avec elle, tout en la négligeant. Qui est cette femme qui a toujours été un peu trop tendance ?pour déployer son être tragique » manutention “hyperbole douloureuse et culpabilité » de sa fille ? Comment redéfinir une frontière viable avec cette mère qu’elle n’a jamais appelée autrement que par son prénom, parfait avatar de la reine de Blanche-Neige ? “Je ne lui en veux pas, non, lui en vouloir, ce serait quand même la vouloir. Toujours accroché là. Les gestes d’apaisement dictés par la raison m’ont coûté mes nuits. On me conseille de m’armer, mais cela ne sert à rien, ou alors je ne m’armure pas correctement.
Il y a peut-être à l’origine de ce texte construit comme une enquête une volonté de «remettre les faits au clair ». Retourner sur ce qui a été vécu pour comprendre les conséquences sur son propre voyage et ses accidents en faisant exploser les mensonges d’une femme qui toute sa vie s’est présentée du point de vue d’une mère aimante. Cet ouvrage prend la forme d’une passionnante auto-analyse, la narratrice s’efforçant, à travers l’évocation de certains épisodes de sa jeunesse, de démêler inlassablement le vrai du mensonge de la rhétorique maternelle. De son écriture à la précision clinique, Marie Nimier révèle une vérité dont tout l’intérêt consiste à séparer la fille de la mère pour en finir avec ce qu’elle qualifie de «une aggravation perpétuelle ». “Acculée, oui, l’histoire de cette mère est l’histoire d’une acculée perpétuelle.
Pour accompagner ce voyage, la romancière exhume de vieilles lettres de son enfance, des photos oubliées, des écrits d’écolière ou des bribes meurtrières à la recherche du moindre indice, comme autant de preuves à charge portées à la connaissance du lecteur dans cet album intimiste. En revenant par exemple sur les détails de «histoire inaugurale » qui a marqué l’enfant avec un fer chaud. Comme le jour de sa naissance où sa mère l’a retrouvée »laid”, l’abandonne prestement à la nounou pour des semaines pour aller se reposer au bord du lac Léman, tandis que son père écrit à un ami : «Ma femme a eu une fille hier. Je l’ai immédiatement noyée dans la Seine pour ne plus entendre parler d’elle. Des micro-bombes à retardement aux effets dévastateurs. “Il arrive que la pudeur, l’humour, le mot d’esprit, appelons ça comme on veut, aient d’étranges répercussions. Vingt-quatre ans plus tard, je sauterai d’un pont, lourdement habillé.
Mais cette grande révélation passe aussi par la révélation d’un secret qui pourrait expliquer, au-delà du désenchantement familial, le malaise plus profond du narrateur.
À partir de là, quelque chose va commencer à céder. “Qu’est-ce qui nous lie à nos parents ? Une grande chaîne de phrases qui serpente autour de nos corps. Si un lien cède et c’est l’air qui nous saisit. Rien n’est gravé dans le marbre, rien. Petit à petit, l’écrivaine semble reprendre le pouvoir sur son récit, une fois les masques tombés. Son histoire se prolonge ensuite sur d’autres trajectoires familiales, comme une manière de prendre du recul, sortant de l’assignation maternelle à résidence en s’intéressant à sa grand-mère, elle-même peu aimante envers sa propre fille, ou à ce demi-frère inconnu dont l’existence lui est révélée par hasard et avec qui elle formera une fraternité salvatrice.
Il y a une sorte de mélodie durassienne dans cette histoire tissée de blessures liées à une relation mère-fille insoluble. Une attraction-répulsion tout à fait comparable à celle évoquée par Marguerite Duras dans Le Barrage contre le Pacifique. Sauf qu’il reste chez Marie Nimier une irrépressible aspiration à la lumière comme un fil invisible qui la maintient suspendue au-dessus du vide.
« La face obscure de la Reine » de Marie Nimier, éditions Mercure de France, 253 pages, 22,50 euros.
Extrait : « Ma mère m’occupe, ses lamentations m’accablent, sa mauvaise foi, son chantage, son agressivité déguisée en tendresse, sa façon de tourner le monde à son désavantage. Je sors de mes visites épuisé. Je pleure souvent, je dois travailler dur. Alors j’essaie de comprendre, pour garder la tête hors de l’eau, j’en parle à Gilles, mon frère aîné issu d’un premier mariage. Il ressent la plainte maternelle comme un bouclier contre la réalité. Il dit au passage, et je me rends compte que je ne l’ai jamais entendu aussi clairement : Se plaindre, c’est demander de l’amour de manière chronique, de manière lancinante. Un amour absolu, cet amour qui connecte. l’enfant à sa mère, la petite fille à sa mère. Tu prends les choses trop au sérieux, ma tante m’écrit. Vous devez suivre un cours Je m’en fiche ! Je dois admettre que j’ai d’énormes lacunes, je m’en fiche. (p.10)
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