Pas de grêle pour lui fouetter le visage, pas de spray qui lui laisse la tête pleine de sel, pas d’éclair d’adrénaline. Fin 2024, Mathieu Rivrin a scruté ses sites de référence, Windy.com et Windguru. Il est catégorique : « A priori, calme anticyclonique plat ! « . Pour une fois, les tempêtes s’apaisent pour les fêtes de fin d’année. Il se consolera avec de paisibles promenades en famille sur le rivage, comme celle de Douvez, à Guipavas.
Juste au but
En matière de prévisions météorologiques, le photographe landernois peut se targuer d’un certain savoir-faire. La tempête Ciaran, par exemple, qu’il avait aperçue venir de loin. « J’étais au Havre, sur la Transat Jacques-Vabre, le 20 octobre 2023, et j’ai réservé l’hélicoptère pour le 2 novembre. » Pleinement juste. Pourtant, ce n’est pas Ciaran qui l’a rendu célèbre mais Justine : Nous sommes désormais le 30 janvier 2021. L’heure est complètement bloquée. Mathieu Rivrin hésite à sortir, même si ses prévisions suggèrent qu’il s’agira d’une des plus grosses tempêtes de l’hiver, avec des vents de sud-ouest, ceux-là mêmes qu’il recherche.
“J’ai senti quelque chose”
Et bien il se décide : direction Lesconil, et sa pointe du Goudoul, son spot préféré du Finistère Sud. Il arrive sur zone à 12h30 « Pouah, marée basse, lumière pas géniale… » A 17h, « wow ! », changement de décor : la houle arrive en force, et prend d’assaut la digue. Mathieu met son appareil photo en mode rafale. « Je sentais, avec habitude, que quelque chose allait se passer. » La luminosité diminue à grande vitesse… « Ça me va ! » Le ciel contraste avec le blanc des vagues… » Il fige l’assaut des vagues déferlantes dans des milliers de photos. Parmi eux, une allégorie du dieu Poséidon, qu’il ne voit pas.
Huit millions de vues en trois heures
Pas pour longtemps : il poste sur les réseaux une série de cinq-six images de vagues qui frappent, déferlent et retombent. Il les trouve « cool ». L’esprit léger, il part déjeuner chez ses parents. Il n’entend pas son téléphone vibrer constamment. Lorsqu’il l’a saisi, il a été stupéfait : sa page Facebook a été vue 8 millions de fois en trois heures. Le visage mythique apparaissant dans l’écume lui avait seulement échappé. « Les gens ont vu le capitaine de « Pirates des Caraïbes », ou Poséidon, et se l’ont approprié », sourit-il. La petite agence anglaise « Solent News », avec laquelle Mathieu travaille, diffuse sa photo à l’international.
« Une photo d’aventure ! » »
Mathieu Rivrin va devenir prophète dans son pays, après qu’un journaliste du Télégramme, David Cormier, ait relayé l’information. France 3 Bretagne, BFMTV, M6… « C’est devenu un hit », résume-t-il. Il expédie 400 tirages par semaine. Son année 2021 sera consacrée à l’exécution des commandes. Sa compagne, alors enceinte, se souvient encore de l’odeur des cartons qui colonisaient leur maison. Il en vient à rejeter cette photo, avant de finalement se réconcilier avec elle, car elle a façonné son destin. En 2021, Mathieu est en congé sabbatique, hésitant entre son poste de chef de projet aéronautique chez Thalès et… l’aventure. « Parce que la photo tempête est une photo d’aventure ! »
« Cela m’a ouvert tellement de portes… »
Partez à l’aventure. Mathieu n’a raté la tempête Damien que le 23 décembre 2018. Depuis, c’est un sans-faute. Il en compte une centaine à son actif. Il a suivi le skipper Yoann Richomme dans la tempête Aitor, en septembre 2024, au large de Lorient, photographié le phare du Four dans la tempête Christine, était à Saint-Malo (35) pour Carlotta… Il a également créé la photothèque du Pays des Abers, a plongé avec des phoques en mer d’Iroise, a survolé l’Abeille Bourbon lors du Ciaran, dans le rail d’Ouessant, a travaillé avec Yann Arthus-Bertrand pour son film documentaire « Vivant »… « Cela m’a ouvert tellement de portes », dit-il.
« Mettre les humains dans les tempêtes »
Son rêve éveillé continuera. Après avoir connu Poséidon, il veut, en 2025, « mettre un élément humain » dans les tempêtes, comme lorsqu’il a embarqué avec les marins de la SNSM depuis Ploumanac’h (22), au printemps dernier. Il aimerait par exemple « travailler sur les pêcheurs du Guilvinec (29) ». Cela donnerait de nouvelles histoires à raconter à son fils Thomas, qui mange bien quand son père lui parle de bateaux et de vagues. “Terminez votre cuillère et je vais continuer”, lui dit-il. Le petit garçon de 3 ans et demi dévore.