Zourabichvili, le président sortant pro-européen qui défie le gouvernement

Zourabichvili, le président sortant pro-européen qui défie le gouvernement
Zourabichvili, le président sortant pro-européen qui défie le gouvernement

Le mandat de Mme Zourabichvili a expiré dimanche matin après la prestation de serment de son successeur, l’ex-footballeur Mikheïl Kavelashvili, fidèle au parti au pouvoir, le Rêve géorgien.

Après avoir laissé entendre qu’elle pourrait rester au palais présidentiel, cette femme brune de 72 ans a finalement annoncé qu’elle quittait les lieux, tout en se qualifiant de « seule présidente légitime » du pays, et en promettant de rejoindre les manifestants qui pour semaines de manifestations quotidiennes dans les rues de Tbilissi.

“Je quitterai le palais présidentiel pour me tenir à vos côtés, emportant avec moi la légitimité, le drapeau et votre confiance”, a-t-elle déclaré devant une foule de quelques milliers de partisans, dont certains se disaient déçus de sa décision de quitter le siège de la présidence.

Mme Zourabichvili conteste la nomination de M. Kavelashvili à la tête de l’Etat par un collège d’électeurs contrôlé par le Rêve géorgien. Elle réclame également de nouvelles élections législatives, après celles jugées truquées en octobre.

Elle est devenue en 2018 la première femme présidente de Géorgie – un poste dont les pouvoirs venaient d’être réduits – avec alors le soutien de Bidzina Ivanishvili, l’homme le plus riche du pays et fondateur du Rêve géorgien.

Ce même parti est aujourd’hui honni par les manifestants pro-européens qui manifestent sans relâche depuis des semaines à Tbilissi, avec le soutien de Mme Zourabichvili.

Car lorsque le gouvernement a commencé à s’éloigner des ambitions d’adhésion de ce pays du Caucase à l’UE, Salomé Zourabichvili a rejoint les rangs des critiques du gouvernement.

Elle a opposé son veto, sans succès, à plusieurs lois jugées répressives visant la société civile, les médias et les personnes LGBT+.

Après les élections législatives du 26 octobre, remportées par le Rêve géorgien mais dénoncées par l’opposition, elle a pris fait et cause pour le mouvement de contestation pro-européen, se présentant comme « la seule institution légitime » du pays.

“Faites des affaires avec nous, nous représentons la population géorgienne”, argumentait début décembre dans un entretien à l’AFP, qui accuse ses adversaires politiques de faire le jeu de la Russie, puissance régionale historique.

La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili (c) devant le Parlement géorgien à Tbilissi, le 14 décembre 2024 PHOTO AFP / Giorgi ARJEVANIDZE

Défiant le rêve géorgien, Mme Zourabichvili a participé à plusieurs reprises à des manifestations à Tbilissi, sous les applaudissements de la foule qui scandait son nom.

À l’étranger, elle s’est imposée ces derniers mois comme l’interlocutrice privilégiée des Occidentaux. Elle était présente début décembre à la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, disant avoir évoqué à cette occasion « l’élection volée » avec Donald Trump et Emmanuel Macron.

Elle est née à Paris dans une famille de réfugiés géorgiens ayant fui les bolcheviks. L’un de ses ancêtres, Niko Nikoladze, était un éminent écrivain libéral et membre d’un mouvement prônant l’indépendance de la Géorgie vis-à-vis de l’Empire russe.

Après des études de sciences politiques, Salomé Zourabichvili a choisi une carrière diplomatique qu’elle a suivie pendant près de 30 ans avec des postes aux Nations Unies, à Washington et au Tchad. Elle termine cette carrière comme ambassadrice de à Tbilissi en 2004.

Nouvelle journée de manifestation contre le report par le gouvernement géorgien des négociations d’adhésion à l’Union européenne à 2028, au centre de Tbilissi, le 13 décembre 2024 PHOTO AFP / Giorgi ARJEVANIDZE

Après la Révolution des roses de novembre 2003 en Géorgie, qui a provoqué la chute du président Edouard Chevardnadze, elle est nommée ministre des Affaires étrangères du nouveau dirigeant du pays, le réformateur pro-occidental Mikheïl Saakachvili, aujourd’hui un opposant controversé actuellement en prison.

Elle se fait rapidement des ennemis dans les rangs du nouveau pouvoir, qu’elle accuse de dérive autoritaire.

Elle a été licenciée en 2005, malgré des manifestations de soutien. Elle a rejoint l’opposition en tant que députée et est devenue l’une des critiques les plus féroces de M. Saakachvili.

Elle a quitté la politique en 2010 pour travailler pendant cinq ans pour le groupe d’experts des Nations Unies chargé de surveiller l’Iran, désillusionnée par la situation dans son pays.

Elle a ensuite publiquement soutenu le rêve géorgien et est revenue au Parlement en 2016 en tant qu’indépendante. Après avoir renoncé à sa nationalité française, elle est élue présidente en 2018.

“Je dois m’engager dans un combat politique qui ne m’a jamais séduit, que je n’ai jamais pratiqué, et qui m’est imposé”, écrit-elle dans son livre “Une femme pour deux pays”, paru en France en 2006.

 
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