« Quand j’avais 11 ans, mon père m’a emmené voir des bénévoles de Charpentiers Sans Frontières restaurer une grange aux dîmes*. J’ai été frappé par l’odeur des tanins de chêne mêlés à celle du charbon de bois de forge, le bruit des haches, les rires des artisans, le toucher des irrégularités des poutres… J’ai compris que c’était le métier que je voulais faire. et je passais mon temps libre à travailler avec mon père dans l’entreprise qu’il a créée en 2007.
Après un BTS construction bois qui m’a initié au calcul de structures et un CAP pour approfondir ma pratique, j’ai rejoint l’entreprise familiale. Nous utilisons toujours des techniques traditionnelles, notamment l’équarrissage à la hache. Nous partons d’arbres en forêt et les transformons manuellement pour obtenir des cadres comme le faisaient nos prédécesseurs. Et tandis que les robots standardisent la coupe du bois sec et gaspillent la matière, avec les outils traditionnels, au contraire, on suit la fibre du bois encore vert, qui ne se déformera que très peu.
Nous avons ainsi apporté une solution technique aux architectes chargés de reconstruire Notre-Dame « à l’identique » qui n’ont pas eu le temps de laisser sécher le bois. Ils nous ont choisi pour reconstruire les charpentes médiévales. Aujourd’hui, je suis fier de voir cette nouvelle charpente vibrer comme celle du XIIIème siècle de la beauté imparfaite que donne la taille manuelle. On retrouve, dans ses fermes, la trace du geste de chaque menuisier qui a contribué !
En mai 2023, à l’âge de 24 ans, je prends les rênes des ateliers Desmonts et je constate que ce projet hors du commun influence déjà d’autres restaurations de monuments historiques. Nous avons doublé nos effectifs et je suis heureux de voir que ce savoir-faire se transmet à nouveau. »
* Avant la Révolution, le clergé entreposait dans ces granges le dixième de la récolte reçue en impôt, la dîme.