Et si la Tour Eiffel se transformait en un tas de ferraille et que la pyramide du Louvre s’effondrait sous le poids du temps ? Non, ce n’est pas un scénario de film catastrophe, mais l’univers créé par Yves Marchand et Romain Meffre dans Les ruines de Paris. En parallèle de leur livre photo (sorti en novembre chez Albin Michel), le duo revient avec une exposition gratuite qui plonge la capitale dans un Paris post-apocalyptique, vidé de ses habitants et consumé par le chaos. Une vision dystopique qui nous effraie autant qu’elle fascine.
Marchand et Meffre, explorateurs de friches urbaines et autres joyeux décors abandonnés, ont décidé de jouer les architectes de l’apocalypse. Cette fois, ils laissent leurs caméras se mêler aux circuits du logiciel d’intelligence artificielle Midjourney pour pousser Paris dans un futur carrément effrayant : un Centre Pompidou aux canalisations rouillées, une Galerie de l’Évolution transformée en jungle digne d’une arche de Noé, et bien plus encore. des endroits banals comme une laverie automatique ou un dépôt de bus qui crient à la désolation. Ambiance fin du monde garantie.
Plus de 52 000 images, soit une moyenne de 650 générations pour obtenir une image
Mais spoiler : pour obtenir ce résultat, il ne suffit pas de taper trois mots magiques dans un logiciel. Pour créer leurs 80 images ultra-lisses, le duo a dû en générer plus de 52 000 – oui, vous avez bien lu – et affiner chaque détail avec des invites et des retouches. Les parties intéressées demandent : « Lorsque nous sommes tombés sur les premières images convaincantes générées par l’IA, fin 2022, nous avons été un moment incrédules. Suffit-il de « souffler » quelques mots pour obtenir des images plus vraies que nature ? Le problème est que l’imagination nous mène souvent au même endroit. Et cette génération par l’IA nous expose à une infinité de choix qui doivent être contraints… Il faut savoir précisément où l’on va, tout en le cherchant avec flexibilité. » Entre IA capricieuse et créativité humaine, il leur a fallu apprivoiser la machine pour obtenir ces visions parfois récalcitrantes. Et vu le résultat, on peut dire que le jeu en valait la peine.
Ce n’est pas seulement un voyage technologique pour les geeks en quête de buzz. Ce projet est aussi une réflexion sur ce qui nous obsède tous : les ruines et ce qu’elles disent de nos vies et de nos fins. « Les ruines racontent l’histoire de civilisations passées, mais avec l’IA, on peut imaginer celles d’un futur qui pourrait devenir réalité », résument Marchand et Meffre. Au fond, c’est une prospective-passé bien ficelée, entre nostalgie et dystopie.
Et comme si cela ne suffisait pas, l’écrivain Nathan Devers en ajoute une couche dans une postface qui explore notre fascination pour ce qui est en train de disparaître et les limites effrayantes de l’intelligence artificielle. Bref, ce n’est pas seulement beau, c’est aussi méchamment profond. Gratuite, immersive et un peu glauque, cette exposition vous plonge dans un Paris à la mode jeu terminéentre art contemporain et vision futuriste. Mais ne tardez pas : ces visions disparaîtront dans quelques jours. Tic-tac.
Ou ? Tribunal de Venise, 12 Rue Saint-Gilles, 75003 Paris
Quand ? Jusqu’au 18 janvier 2025
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