Le politicien de l’ADR, Fernand Kartheiser, est récemment allé trop loin dans sa proximité avec Poutine aux yeux de son propre groupe au Parlement européen, le parti conservateur de droite ECR (Conservateurs et Réformateurs européens). La direction du groupe avait écrit à Fernand Kartheiser pour lui demander “des explications sur ses actes et ses déclarations” afin d’examiner le dossier, rapportent nos confrères de Mot luxembourgeois il y a quelques jours.
L’élément déclencheur a été une interview accordée au journal russe Izvestiasanctionné par l’UE, dans lequel Fernand Kartheiser s’est prononcé contre la politique de sanctions de l’UE dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. C’est désormais la direction du parti ADR qui réagit pour la première fois à cet incident.
Interrogé par le Mot luxembourgeoisAlexandra Schoos, présidente du parti réformateur Alternativ Demokratesch (ADR), a déclaré qu’elle n’avait pas encore vu la lettre du groupe parlementaire ECR adressée à M. Fernand Kartheiser.
“Il faut d’abord voir ce qui est écrit dedans”, a rassuré Mme Schoos. Elle a déjà eu un premier entretien avec Fernand Kartheiser, mais n’a pas encore lu la lettre d’avertissement, selon ses propres dires. Elle n’a pas non plus été contactée par ses collègues du parti à ce sujet. “C’est encore très frais”, a déclaré Alexandra Schoos, soulignant qu’elle souhaitait “aborder le sujet de manière objective”. En tout cas, son parti n’a pas l’intention de quitter l’ECR. «On s’y sent très bien.»
Alexandra Schoos
Président du parti ADR
Lorsqu’on lui a demandé ce qu’elle pensait de l’interview de son collègue du parti, Mme Schoos a répondu qu’elle voulait d’abord se faire sa propre opinion. Fernand Kartheiser lui a toutefois assuré qu’il n’avait connaissance d’aucune erreur et qu’il n’agissait en aucune manière « de manière pro-russe ». Il aurait également souligné qu’il n’avait pas l’intention de quitter le parti.
L’ECR veut participer au gouvernement en Europe
Alexandra Schoos ne veut donc pas remettre en cause l’appartenance de l’ADR à l’ECR. Pour le parti conservateur-droite-populiste luxembourgeois, représenté pour la première fois au Parlement européen depuis les élections européennes de juin, cette adhésion est considérée comme un critère de qualité. L’ECR rassemble des partis européens d’extrême droite ayant l’ambition de gouverner et qui se présentent comme des forces raisonnables à droite du Parti populaire européen (PPE) démocrate-chrétien. Il s’agit notamment de la N-VA flamande, du parti italien Fratelli d’Italia au pouvoir et du parti polonais PiS.
Une différence essentielle qui distingue le ECR des groupes les plus extrémistes du Parlement européen en termes de contenu est sa position sur la guerre en Ukraine : le ECR soutient sans équivoque l’Ukraine contre l’agresseur russe, tandis que les « Patriotes pour l’Europe » et l’« Europe des nations souveraines », dont fait également partie l’AfD allemande, font preuve d’une grande compréhension à l’égard de Vladimir Poutine, à l’instar de Fernand Kartheiser. Des concessions importantes à la Russie sans réelles garanties de sécurité pour Kiev leur sont par exemple possibles.
Kartheiser pourrait s’adapter à un changement de groupe parlementaire
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également déclaré que la position des groupes politiques du Parlement sur la guerre en Ukraine était un facteur décisif pour avoir son mot à dire à Bruxelles sous sa direction. Seuls les partis « pro-européens, pro-ukrainiens et pro-État de droit » sont éligibles comme partenaires, a-t-elle répété depuis la campagne électorale.
Selon von der Leyen, le groupe ECR remplit largement ces conditions et fait donc partie de la coalition informelle à Bruxelles, ce qui permet au groupe de participer à l’élaboration de l’agenda. Le groupe ECR est cependant divisé sur cette question : le groupe a soutenu la plupart des commissaires européens lors de leurs auditions, mais a voté principalement contre l’équipe de la Commission lors du vote décisif fin novembre.
Les opinions et les actions résolument pro-russes de Fernand Kartheiser semblent saper davantage les efforts des dirigeants du groupe pour se profiler comme une force politique responsable au niveau de l’UE. Les membres polonais du ECR, qui donnent le ton au sein du groupe, sont particulièrement gênés par les positions de Kartheiser.
L’eurodéputé ADR était clairement conscient que sa position fondamentalement pro-russe pouvait conduire à des conflits avec son groupe. Fin novembre déjà, il n’avait pas exclu un changement de groupe dans une interview à la radio 100.7 : « Si cela devait changer un jour, car ici en Europe, nous parlons de toute façon de fluctuations – par le biais de fusions de partis ou d’autres formes de collaboration – je peux aussi vivre avec ça. Mais je me sens bien au sein de l’ECR », déclarait-il alors.
La ligne de Kartheiser est majoritaire au sein de l’ADR
Il n’est cependant pas surprenant que la position de Kartheiser sur la guerre en Ukraine ne suscite pas d’étonnement au sein de l’ADR, car la position du parti luxembourgeois correspond en réalité aux opinions de groupes plus extrémistes au sein du Parlement européen. Au cœur de cette position se trouve l’exigence de cesser de soutenir l’Ukraine dans sa guerre défensive et en même temps de pousser Kiev à négocier.
Alexandra Schoos et vous a félicité Mot luxembourgeois que la position de son parti sur la guerre en Ukraine n’a pas changé : « Nous sommes pour les négociations de paix. Pour nous, le dialogue a toujours été important. Les deux parties, l’Ukraine et la Russie, doivent se parler. Elle a également exprimé son optimisme quant aux chances « réalistes » de paix lorsque Donald Trump prendra les rênes du gouvernement américain en janvier.
“C’est bien sûr l’Ukraine qui doit d’abord dire si elle est prête à entamer des pourparlers de paix”, a conclu Alexandra Schoos, relativisant ainsi les choses.
Cet article a été initialement publié sur le site du Luxemburger Wort. Adaptation: Mélodie Mouzon