Vêtue d’une longue robe noire, épaules nues, Parastoo Ahmadi se tient parmi ses quatre musiciens dans la lumière tamisée d’un caravansérail, au cœur de l’Iran, mercredi 11 décembre. Cheveux au vent, la chanteuse iranienne interprète le titre symbolique « From le sang de la jeunesse de la patrie » (le titre original est « Az Khoon e Javanan e Vatan »). Le concert improvisé a un goût de résistance dans un pays où les femmes doivent se couvrir les cheveux et ne peuvent pas chanter seules en public depuis 1979. Leurs voix sont également interdites à la télévision et à la radio.
« Un concert pour vous, mon cher peuple, dans des conditions difficiles et sous haute tension, mais avec l’amour que j’ai pour vous […]. J’espère que vous apprécierez la performance”, a-t-elle écrit sur Instagram. Le concert – d’une durée de 30 minutes – a été diffusé sur YouTube. La représentation est un « événement sans précédent dans les quarante-cinq ans de la République islamique », souligne le journaliste Divan Shirazi dans « Libération ».
Parastoo Ahmadi, 27 ans, n’en est pas à son premier engagement. « Je suis Parastoo, la fille qui ne peut rester silencieuse et refuse d’arrêter de chanter pour le pays qu’elle aime. Écoutez ma voix dans ce concert imaginaire et rêvez d’une nation libre et belle », clame-t-elle en introduction de la vidéo.
Symbole de désobéissance
Après des études de cinéma, la chanteuse s’est fait connaître en postant des chansons de soutien lors des manifestations de 2022 pour le mouvement « Femme, Vie, Liberté ». « Parallèlement à ses études, elle suit des cours de solfège et de chant dès l’âge de 14 ans. Elle avait débuté son activité de chanteuse de manière officieuse », informe Reihaneh Noveir, membre du collectif Femme Azadi.
» En mai 2023, elle poste la chanson « Air de liberté », toujours pour les Iraniens, toujours pour le mouvement « Femmes, vie, liberté ». En septembre, la République islamique a confisqué ses biens personnels et musicaux et sa page Instagram a été supprimée », poursuit Reihaneh Noveir. Parastoo Ahmadi revient sur les réseaux sociaux quatre mois plus tard et continue de publier ses chansons.
La chanteuse est désormais suivie par près de 485 000 personnes sur Instagram. Son concert de mercredi a été visionné plus de 800 000 fois sur YouTube. En quelques heures, sa prestation est devenue un symbole de la résistance en Iran. “Parastoo est la voix de millions de femmes iraniennes réduites au silence, qui réclament liberté et dignité”, témoigne Elmira, professeur de musique à Rasht, dans le nord-ouest du pays, à “Libération”.
Arrêté par les autorités
Signe du symbole qu’est devenu Parastoo Ahmadi en Iran et dans le monde, la chanteuse et deux de ses musiciens ont été arrêtés samedi 14 décembre. Sans la nommer, l’agence de presse judiciaire iranienne a dénoncé jeudi le fait qu’un « groupe dirigé par par un chanteur » avait produit « de la musique sans respecter les règles légales et religieuses ».
Les autorités avaient déjà “pris des mesures appropriées, ouvrant une procédure contre le chanteur et la production”, a précisé l’agence Mizan. Parastoo Ahmadi et ses deux chanteurs ont été libérés dans la nuit de samedi à dimanche. Ce qui n’exclut pas une nouvelle arrestation dans les prochains jours. La page Instagram de Parastoo Ahmadi est introuvable ce lundi 16 décembre.