Une vie à jouer, une autre à entraîner et un rappel de l’histoire de Montpellier. Pascal Baills (59 ans) revient sur ses huit premières saisons au poste de latéral droit de Montpellier-Hérault. Huit de ses trente-six années au club.
Un numéro spécial Midi Libre de 84 pages
Condenser un demi-siècle d’histoire en 84 pages. C’est le défi relevé par la rédaction sportive de Midi Libre dans ce numéro spécial sur les 50 ans du MHSC. Disponible en kiosque dès le 11 décembre pour seulement 5 euros, ce magazine sur papier glacé vous fera revivre les grands moments de l’histoire du club montpelliérain à travers nos “50” qui ont créé le MHSC. Joueurs, entraîneurs, mais aussi bâtisseurs, à partir de cette “Saga Nicollin”, racontée par Laurent et Colette, épouse de feu Loulou. Un magazine rempli d’anecdotes et de photos inédites avec une interview exclusive d’Olivier Giroud.
Quand commence la première de vos 36 saisons à Montpellier ?
Pascal Baills : Tout a commencé avec mon arrivée au centre de formation à 18 ans et demi. Des jeunes joueurs émergent, ils nous ont lancés en équipe première en 83. Nous sommes impressionnés par les grandes personnalités qui nous entourent, comme Jean-Louis Gasset, Bernard Ducuing… C’est La Paillade. A l’époque j’avais essayé pour Toulouse (Soler, Lopez…), qui étaient en D1. Je choisis Montpellier pour l’ambiance. J’ai d’abord travaillé trois ans comme plombier, puis un an dans un magasin d’articles de sport. Avant, je m’entraînais deux fois par semaine, maintenant je fais trois séances par jour.
Vous vous lancez rapidement chez les pros ?
Mon oncle, policier montpelliérain, habitait La Paillade. Une fois par semaine, il m’invitait à manger et venait me chercher dans la voiture de police à Grammont. Une semaine, le personnel s’y est opposé. Je ne comprends pas. Je suis convoqué pour mon premier match avec les professionnels à Grenoble. Si j’avais joué 15 matchs dans la saison, je serais devenu professionnel. J’ai 14 ans. Je serai professionnel la saison prochaine. Fin 1984, nous avons perdu la finale de la Gambardella aux tirs au but contre Laval.
La mentalité catalane correspond-elle à celle de La Paillade ?
C’est tout. A Perpignan on est dans un pays de rugby, mais aussi dans une région qui travaille, où il faut se battre. Je retrouve cet état d’esprit à Montpellier, mais dans le Football. J’habitais à Aimé-Giral, où mon père était portier de stade. Le dimanche après-midi, quand je ne jouais pas, il me donnait cinq francs. Quand les ballons finissaient dans les tribunes, ma mission était de les récupérer. Un dimanche j’ai suivi l’USAP, l’autre j’ai été voir le XIII Catalano au Bruto.
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Pour revenir en D1, Montpellier mise-t-il tout sur les jeunes ?
Quand on monte, on a une colonne vertébrale de jeunes encadrés par des joueurs expérimentés : Lemoult, Bernardet, Stojkovic et l’emblématique Roger (Milla). C’est un monstre au caractère bien trempé, avec une dimension planétaire. Ce grand joueur n’a pas eu la carrière qu’il aurait dû avoir. Il est arrivé en 1986. Nous sommes à l’entraînement, nous avons repris il y a 15 jours. Mézy demande au kiné (Eric Perraux) de le remettre sur pied pour une semaine. Au bout d’une journée, il dit à Mézy : « Tu ne me feras pas courir toute la semaine. » Nous habitions le même quartier (Croix d’Argent), je suis venu le chercher. Parfois, nous nous arrêtions à la gare. Le pompiste lisait France Football, le prêta à Roger et repartit avec.
A l’époque on parlait beaucoup de la Paillade, de la Mosson qui faisait peur ?
Nous nous sommes échauffés dans un terrain latéral, avec des lumières tamisées. A La Mosson, pour le match contre l’équipe de jeunes de Lyon (Genesio, Garde), il y avait un « comité d’accueil » spécial, avec Marcel Touchat, Jeannot Pascal… A Ajaccio, on s’échauffait sur le parking, où ils se garaient parfois les voitures avec le frein à main. En entendant que la Mosson est un bastion on finit par le croire. Avec Franck Lucchesi on savait faire. Sur le premier ballon, il fallait y aller fort. Certains adversaires se sont présentés, d’autres non.
La montée au 87 est-elle plus excitante que votre première saison en première division ?
Je ne peux pas choisir un moment, mais je me souviens de tout. Quand on monte, le club recrute beaucoup de joueurs. Notamment un autre monstre : Jules César. Quand je le vois, je lui dis : « Que fais-tu de nous ? Il faut jouer pour le Real Madrid.” Il part trois ans plus tard pour la Juventus. Il adorait la fête. Nous sommes également sortis. Le lendemain, pendant le ménage, nous avons mis le Kway. C’était comme ça. J’évolue aux côtés d’un international brésilien et d’un international yougoslave, alors que quatre ans plus tôt j’étais plombier à Perpignan. Montpellier ne peut plus avoir une équipe comme celle-là.
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Avez-vous l’impression d’écrire l’histoire de Montpellier ?
On a des résultats, on est insouciant, on s’amuse, on vit une histoire magnifique. On monte, on arrive à la 3ème place pour notre première saison en D1, on participe à la Coupe des Champions, on gagne la Coupe de France, on vit beaucoup de belles choses en seulement quelques saisons, dans un recueil de bonheur. Ce n’est pas un rêve, c’est juste naturel. On se dit que ça va continuer. Quand on gagne la Coupe de France, on voit que la Comédie est à son meilleur. On sent la fierté de la ville. Montpellier est en construction, le club grandit.
Comment se comporte Louis Nicollin, le président qui incarne le club ?
Loulou ne nous gronde pas trop. Il avait un rêve : gagner la Coupe de France, nous l’avons réalisé. Avec des aventures. Notamment lorsqu’il a viré Cantona suite au “clash” avec Lemoult. Elle lui dit qu’elle ne jouera plus chez lui. Puis il admet qu’il a perdu patience. La saison se termine de façon magnifique après un mauvais départ.
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Après le succès en Coupe, au départ, Mézy vous invite tous à déjeuner ?
Nous mangeons au Copacabana à La Grande-Motte avec Mézy. Loulou le prend très mal. Ils sont confus, mais nous ne sommes du côté de personne. Nous sommes pris entre deux feux. Ils formaient un couple, avec leurs accès de jalousie. Nous ne nous souciions pas de savoir qui avait raison ou tort car très vite, ils sont redevenus amis. Il faisait partie du club.
Comment se sont passés vos débuts en Coupe d’Europe en 1987 contre le Benfica Lisbonne ?
C’est la première fois en Champions Cup. L’entraîneur (Pierre) Mosca les encadrera. A son retour il nous dit : « c’est Vendargues ». Ils ont un gardien, pouf, ils ont une fermeture éclair, pouf, c’est ce qu’ils ont dit. A la Mosson on découvre devant nous : Bento, dans le but, Ricardo-Mozer au centre de la défense. Et puis Veloso, Valdo… 3-0 à l’aller, 3-1 au retour. Cette journée de Champions Cup a été une parenthèse enchantée. Loulou était content d’avoir joué avec. Ainsi, à son retour à Lisbonne, il a invité tous les joueurs et leurs épouses pendant trois jours.
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Alors vivez-vous une belle épopée en Coupe des Coupes ?
Devant Eindhoven nous sommes solides à la Mosson, où nous gagnons (1-0). Au retour, nous avons joué un match héroïque, où nous avons terminé à dix. Ils étaient arrogants. Mais nous n’avions pas peur d’eux. Cela faisait partie de l’ADN du club et de son état d’esprit. Eindhoven (Romario, Popescu, Gerets…) a été plus fort que Manchester. Ensuite, nous jouons devant Bucarest. Sous la pluie, nous gagnons 5-0. Au match retour, nous avons fait ce qu’il fallait (victoire 3-0). Le retour est vraiment spécial. Peu après la chute de Ceaucescu, les rayons des magasins étaient vides. Il y a des impacts de balles partout sur les façades. A l’hôtel, les serveurs finissent nos plats. Il y a beaucoup de militaires dans le stade. Contre Manchester United, ça ne se passe pas très bien… Nous sommes dans le match aller. Ils me mettent dehors. C’est des conneries. Hughes, un vrai buffle, crache sur Lemoult. J’interviens, je le frappe à la poitrine. Et il s’effondre, les mains sur le visage. J’ai pris trois matchs. On perd Der Zakarian, qui se coupe le genou. Au retour, nous avons été éliminés à cause d’un handball de Barrabé. Montpellier sort renforcé de ce déplacement européen. Cela me permet d’expérimenter la sélection en équipe de France. La veille du match contre l’Albanie, à l’entraînement, Platini (entraîneur) a tenu une séance avec les gardiens Bruno Martini et Gilles Rousset. Impressionnez tout le monde.
Vous souvenez-vous de moments particuliers de ce voyage ?
On peut parler de ballons, mais il m’est arrivé deux choses dans ma vie qui laisseront un souvenir indélébile. Le drame de Furiani. Et la mort de Bruno (Martini) à Grammont. Arrivée au portail d’entrée. Je vois Jonathan (Llorente) et quelqu’un au sol. Je ne reconnais pas Bruno. Jo fait un massage cardiaque, on appelle les pompiers. Je m’occupe des massages. C’est long, c’est violent. C’est un moment qui marque une vie. C’est comme ça.