Selon l’institut de sondage russe Levada, indépendant du gouvernement, l’opposition de la population au recours à l’énergie nucléaire a diminué en six mois.
Alors que Moscou intensifie son chantage nucléaire, le nombre de Russes soutenant l’utilisation potentielle de ces armes de destruction massive en Ukraine augmente. C’est ce que montre une enquête menée par l’Institut Levada, une organisation non gouvernementale classée « agent étranger » par les autorités russes, dont les conclusions ont été dévoilées le 29 novembre, lors d’une conférence en ligne. La vidéo est accessible sur la chaîne YouTube « Pays et Monde », qui a succédé à celle du centre Sakharov, un « plateforme de débat démocratique »fermé en août 2023 par la justice russe.
Selon cette étude, le pourcentage de Russes opposés à l’usage de l’arme nucléaire contre l’Ukraine est passé de 52 % en juin 2024 – lors du dernier sondage – à 45 % en novembre. A l’inverse, le nombre de personnes interrogées estimant que cela est justifié s’élève à 39%. Dans le détail, 11% pensent que c’est « tout à fait justifié »quand 28% pensent que c’est le cas “plutôt justifié”. A titre de comparaison, les personnes estimant justifiée l’utilisation d’armes nucléaires contre l’Ukraine représentaient 34 % des personnes interrogées en juin 2024 et 29 % en avril 2023.
Selon Alexeï Levinson, responsable du département de recherche socioculturelle à Levada, intervenu lors de la conférence : «Depuis les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, l’idée selon laquelle une telle chose ne devrait plus jamais se reproduire s’est répandue dans la société russe comme une norme incontestée et incontestée. Une vision simple s’était formée : « CC’est ainsi qu’a agi notre ennemi, porteur du mal, donc nous, qui sommes du côté du bien, ne pouvons pas, ne devons pas et ne ferons pas de même.
Mais l’influence croissante dans la sphère publique d’experts militaires qui rejettent l’idée selon laquelle il n’y aurait pas de vainqueur dans une guerre aussi destructrice a contribué à faire évoluer les mentalités. La position selon laquelle il est possible de se défendre contre les armes nucléaires s’est répandue. Ainsi, l’idée de leur utilisation a fini par «ne soit plus impensable ». Et, ajoute Alexei Levinson, le gouvernement et les médias russes ont mis en œuvre une propagande efficace, qui a « érodé la“craintes liées à l’usage des armes nucléaires”.
Vladimir Poutine renforce la doctrine nucléaire russe
Dans son discours, Vladimir Poutine ne cesse en effet, depuis des mois, d’évoquer la menace de l’arme atomique, face à l’Ukraine et à l’Occident. Lors d’un sommet régional organisé jeudi 28 novembre au Kazakhstan, Vladimir Poutine a menacé de frapper les centres de commandement de Kiev avec son missile balistique de portée intermédiaire, Orechnik. Il avait utilisé ce missile hypersonique pour la première fois “invulnérable” une semaine plus tôt lors d’une grève dans la ville ukrainienne de Dnipro. Bien que ce projectile de dernière génération ne soit pas équipé d’ogives nucléaires, il est conçu pour en transporter. Vladimir Poutine a également fait savoir qu’il n’hésiterait pas à répéter ces tirs.
Mardi 19 novembre, le président russe a également signé un décret élargissant ses possibilités de recours à l’arme nucléaire. Une décision prise après l’autorisation délivrée à Kiev par les États-Unis de frapper le sol russe avec des missiles à longue portée. « Il fallait adapter nos fondations à la situation actuelle »a expliqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
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Quant au soutien global à la puissance russe, il semble encore massif. Il s’élève à 87% à la fin de l’année, selon l’enquête. Plus de vingt points il y a plus de trois ans, avant la guerre en Ukraine.