Les instructions de vote pour le second tour servent-elles à quelque chose ? – .

Les instructions de vote pour le second tour servent-elles à quelque chose ? – .
Les instructions de vote pour le second tour servent-elles à quelque chose ? – .

La fin du premier tour de ces législatives anticipées a vu les fameuses consignes de vote pour le second tour se multiplier sur les plateaux de télévision. « Ni RN, ni LFI », « barrière républicaine »… Les électeurs suivent-ils les exigences des sièges des partis ?

Le premier tour des législatives de ce dimanche 30 juin est à peine terminé que le second est sur toutes les lèvres. Avec une expression qui monte parmi la majorité présidentielle et les partis de gauche, de manière de plus en plus pressante : la consigne de voter contre le Rassemblement national. Car le RN et ses alliés pourraient obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale, avec 255 à 295 sièges, selon notre projection Elabe pour BFMTV, RMC et La Tribune dimanche – le seuil étant fixé à 289 députés.

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Que faire dans ce contexte ? « L’extrême droite est aux portes du pouvoir », a prévenu le Premier ministre Gabriel Attal, appelant à « empêcher le Rassemblement national d’avoir la majorité absolue ». « Face au Rassemblement national, l’heure est venue d’un grand rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », a déclaré Emmanuel Macron dans une déclaration écrite envoyée aux médias à 20 heures.

Avec ou sans LFI ? Selon nos informations, le président de la République a demandé à ses équipes d’étudier chaque circonscription pour trouver des alliances, y compris avec certains candidats insoumis – même si des figures de proue de son camp semblaient jusqu’ici pencher « ni pour le RN ni pour La France insoumise ».

A gauche, l’appel au blocage face au RN fait consensus. « Jamais le Rassemblement national », scande l’union de la gauche baptisée Nouveau Front populaire. Ce dernier revient à « l’effondrement de la France », menace l’union de la droite RN, des fidèles de Marion Maréchal et des pro-Éric Ciotti. Du côté des Républicains loyalistes, la clarté n’est pas là : LR a refusé de donner des indications pour le second tour.

Des instructions obsolètes ?

Ces consignes de vote ne s’adressent pas qu’aux militants. Quelques jours avant le premier tour, la présidente des écologistes, Marine Tondelier, a écrit aux chefs de partis du camp macroniste (Horizons, Renaissance, Modem, UDI) pour les convaincre d’accepter un « retrait républicain » afin de battre le RN au second tour, en cas de course à trois.

Souvent l’œuvre de partis politiques, mais aussi de plus en plus celle de personnalités influentes de la société civile, l’instruction de vote est lancée sur les plateaux, martelée sur les réseaux sociaux. Mais en pointant trop vers le Nord, cette boussole indique-t-elle encore aujourd’hui la bonne direction aux électeurs ?

Interrogés par BFMTV.com, plusieurs électeurs admettent avoir entendu ces instructions de vote, mais n’y être pas sensibles. La période actuelle y est pour beaucoup, ne laissant que peu de place au doute tant le débat politique est polarisé.

C’est désormais l’opinion qui domine et « de moins en moins d’attachement à un parti », analyse le politologue Benjamin Morel auprès de RMC.

Vote de conviction

L’affiliation à un mouvement politique, qu’il soit militant ou de cœur, est de moins en moins développée. « Avant, quand vous étiez électeur communiste, vous suiviez les instructions du parti, et ces instructions étaient prescriptives pour le vote. Aujourd’hui, l’affiliation et le sentiment d’appartenance à un camp politique ou à un parti sont beaucoup plus faibles, et les chiffres sont largement discrédités”, explique le docteur en sciences politiques de l’université Paris Panthéon Assas.

En trente ou quarante ans, les familles politiques ont vu leurs effectifs diminuer. « Les électeurs sont moins idéologiques, moins partisans aujourd’hui. Les grands marqueurs droite/gauche s’estompant de plus en plus, les électeurs se les fabriquent désormais », observe Bruno Cautrès, analyste des attitudes et comportements politiques au Cevipof.

« Je vote souvent pour ce qui est demandé mais pas à cause de la demande du parti politique, c’est juste que nos intérêts et nos valeurs s’alignent », explique à BFMTV.com Marie, une jeune libraire, avant d’ajouter : « Je vote en fonction de mes convictions qui s’alignent souvent avec celles du parti que j’ai choisi au premier tour. »

Valérie, la cinquantaine et au chômage, se moque de qui dit quoi et refuse de faire des calculs : « Je choisis un candidat, pas un parti. Et je choisis toujours le candidat qui a les mêmes convictions que moi, le reste m’est égal. « Je ne m’intéresse pas », affirme-t-elle. Même chose pour sa fille, Dina, enseignante en collège : « Je me base uniquement sur mes convictions », assure-t-elle.

« Le barrage républicain » : un tournant après 2022

Pour remporter l’élection présidentielle de 2017 et 2022, le candidat Emmanuel Macron a pu compter sur un front républicain fort et l’engagement des électeurs de gauche face à la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen. Mais celle-ci tend à faiblir, malgré les revendications ce dimanche du camp présidentiel à l’issue du second tour des élections législatives.

« Votre vote m’oblige », a déclaré le président au soir de sa réélection en 2022. « Sauf qu’après la réforme des retraites, la loi sur l’immigration et la réforme de l’assurance chômage… Allez demander à un électeur de gauche de continuer à bloquer le RN en choisir un candidat macroniste aux législatives qui défendrait ces lois… Ça va être compliqué ! s’exclame Bruno Cautres.

Celui qui est également chercheur au CNRS constate que depuis les dernières élections législatives, l’électeur de gauche aura tendance à s’abstenir ou à voter blanc plutôt que de se référer aux consignes d’un parti macroniste ou de centre droit qu’il a souvent aidé et ce qui l’a souvent déçu.

Le dernier Enquête Elabe pour BFMTV La Tribune Dimanche publiée la veille de la période de réserve, vendredi 28 juin confirme qu’une majorité d’électeurs refusent désormais de « bloquer » : seuls 25 % des électeurs macronistes appellent au retrait de leur candidat, s’il arrive en troisième position, pour devance un adversaire de gauche, 31% pour un adversaire le Penist. Quant à ceux du RN, seuls 18 % appellent au retrait pour bloquer un candidat NFP.

Déjà en 2022, la barrière républicaine avait beaucoup moins fonctionné qu’en 2017. Contrairement au second tour de 2002 où les électeurs de gauche s’étaient massivement unis aux centristes de l’UDF et à la droite gaulliste du RPR pour réélire Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.

Les résultats du Rassemblement national aux dernières législatives et aux européennes de juin en ont fait un système stable. Devenu structurant du système politique et dédiabolisé par l’action de la fille de Le Pen, « l’injonction à faire barrage à l’extrême droite chez les centristes et la droite traditionnelle n’est plus aussi forte », observe Bruno Cautrès, professeur à Sciences Po et analyste au Cevipof.

Aujourd’hui, seuls les électeurs de gauche sont encore nombreux (40 %) à réclamer une « barrière » lorsqu’il s’agit de vaincre le Rassemblement national, selon l’enquête d’opinion Elabe du 28 juin.

L’adhésion varie en fonction des candidats et des partis.

Comme il s’agit d’élections locales, selon les candidats, la consigne peut toutefois faire mouche. « Si l’électeur a dans sa circonscription un centriste qui a fait preuve d’indépendance par rapport à la majorité ces deux dernières années, alors oui, pourquoi pas, ça peut marcher », nuance le politologue du Cevipof.

Les couleurs politiques jouent aussi : si dans une circonscription, la coalition présidentielle a investi un ancien maire local, un ancien socialiste par exemple, “il sera plus facile pour les électeurs de gauche d’adhérer à la consigne d’Ensemble plutôt que ce soit un macroniste pur jus”, poursuit Bruno Cauvrai.

Plusieurs facteurs expliquent cette diminution de l’impact des instructions de vote émises par les partis politiques. Autrefois blocs d’influence de masse, tant pour les électeurs que pour les militants – « avant qu’on puisse faire toute sa carrière dans un parti », rappelle Bruno Cautrès – les familles politiques souffrent désormais de frontières de plus en plus floues qui réduisent leur influence.

« Qu’un LR aille à Macron ou un PS à Macron, cela brouille les pistes. Et quand les pistes sont très floues et que le dilemme moral est trop grand, l’électeur s’abstient ou vote blanc », ajoute le chercheur.

Certains partis comme le RN, à la ligne politique encore très identifiée, parviennent toujours à créer un soutien aux voix de leurs électeurs. « Si on vous dit que vous êtes pro-RN, vous voterez pour le candidat du RN sans vous poser mille questions », constate Bruno Cautres.

La consigne, désormais sur les réseaux sociaux ?

Loin des postes de télévision et des cercles partisans, le bruit et l’impact des consignes de vote se multiplient sur les réseaux sociaux. Selon l’analyste du Cevipof, c’est davantage sur leur téléphone, en regardant les vidéos de leurs influenceurs préférés ou en lisant les posts de tel ou tel militant que les électeurs s’informent de plus en plus.

Outre les vidéos et images sur les réseaux sociaux, les électeurs ont accès à une multitude de canaux d’information. «Chaque électeur peut désormais jouer le rôle d’un vérificateur de faits dans son coin, affaiblissant considérablement le poids de la parole politique qui ne devient qu’une source parmi d’autres de messages”, reconnaît Bruno Cautres.

Avant de conclure : “Aujourd’hui ce sont les influenceurs et les éditorialistes qui créent le débat politique et l’indignation”. Plus les partis et leurs instructions de vote.

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