ce qui pourrait changer dans le pays – .

ce qui pourrait changer dans le pays – .
ce qui pourrait changer dans le pays – .

Le Sénégal est devenu officiellement un pays producteur de pétrole, mardi 11 juin 2024, avec l’annonce de l’extraction du premier baril de pétrole par une entreprise étrangère dans le champ de Sangomar (Projet Sangomar). L’opérateur Woodside, une entreprise australienne basée à Perth, détient 82% des parts et la Société des Pétroles et du Sénégal (Petrosen) 18%. Selon le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2025-2027 publié en juin 2024 par le ministère des Finances et du Budget, le gouvernement du Sénégal prévoit une croissance économique rapide en 2024, qui pourrait atteindre 7,3%, grâce à la production pétrolière du champ de Sangomar, situé à environ 100 km des côtes de Dakar. Le pays espère gagner 30 milliards de dollars américains sur 30 ans grâce à l’exploitation des gisements d’hydrocarbures.

Bertrand Tchanche a étudié le système énergétique et la consommation énergétique du Sénégal. Il explique à The Conversation Africa les bénéfices et les risques de l’exploitation pétrolière pour le Sénégal et les moyens de les atténuer.

Selon vous, quels bénéfices le Sénégal devrait-il tirer de l’exploitation de ses ressources pétrolières et gazières ? Pourriez-vous les ventiler en termes d’économie globale (PIB), de recettes publiques (impôts) et d’emplois ?

Il y a forcément des avantages à exploiter ses ressources naturelles pour un pays, mais tout dépend de la gouvernance en place et des forces en présence. Le contexte géopolitique a aussi son importance. Les découvertes ont été nombreuses ces dernières années en Afrique : au Niger, en Ouganda, au Mozambique, en Côte d’Ivoire… le continent africain est très riche.

Or, ces découvertes coïncident avec « la transition énergétique » que les pays développés tentent de impulser ou d’imposer au reste du monde. Une transition qui n’en est pas une dans la réalité car les chiffres montrent le contraire… Les énergies fossiles progressent toujours et auront encore de beaux jours devant elles. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie basée à Paris, en France, nous constatons que la demande en combustibles fossiles continue de croître. La demande de pétrole est passée de 70 millions de barils par jour en 2000 à environ 100 millions de barils par jour en 2023. La même tendance à la hausse est observée pour le gaz (2 600 à 4 200 milliards de mètres cubes) et le charbon (3 200 à 5 600 mégatonnes d’équivalent charbon (Mtce) ).

En termes de revenus, c’est environ 700 milliards de FCFA par an (près de 1,147 milliard de dollars américains) annoncés. Le gouvernement a annoncé à court terme des recettes de l’ordre de 576,3 milliards FCFA sur la période 2025-2027, réparties comme suit pour les trois prochaines années : 127,7 milliards FCFA en 2025, 205,4 milliards FCFA en 2026 et 243,2 milliards FCFA pour 2027.

L’un des avantages sera probablement le rééquilibrage à long terme de la balance commerciale et du budget qui sont déficitaires avec de nouvelles recettes provenant de l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole. Mais il apparaît que le déficit budgétaire est très élevé, près de 800 milliards de FCFA (3% du PIB). Le démarrage de l’exploitation pétrolière coïncide avec la pression du Fonds monétaire international (FMI) qui exhorte les gouvernements africains à éliminer les subventions sur les hydrocarbures.

Il faut noter qu’une partie du déficit budgétaire est due à ces subventions qui contribuent à maintenir une certaine justice sociale. Obéir aux injonctions du FMI reviendrait à donner la priorité au service de la dette et à accroître l’inflation avec pour corollaire un coût de la vie élevé avec ses effets néfastes sur la population et les tensions sociales qui en découleraient. Le Nigéria est actuellement plongé dans une crise économique sans précédent à cause d’une mesure similaire adoptée par le nouveau président Bola Tinubu élu en mars 2023. La majorité des Nigérians ont plongé dans la pauvreté avec un taux d’inflation supérieur à 30%.

Il y aura un petit effet sur les emplois directs où quelques milliers de personnes seront recrutées, mais c’est une goutte d’eau dans l’océan. A noter que le taux de chômage de la population est de 22% mais bien au-dessus lorsqu’il s’agit de l’emploi des jeunes.

On peut s’attendre à des investissements dans différents secteurs, notamment ceux jugés prioritaires tels que la santé, l’éducation, l’énergie, l’assainissement. Cependant, le nouveau gouvernement doit encore travailler à la définition des projets et à leur inscription dans une programmation pluriannuelle. Il existe un déficit d’investissement visible dans des secteurs tels que la santé, les transports et l’éducation.

Quels sont les autres avantages ?

Les avantages politiques sont nombreux : nouveaux partenaires, davantage de moyens pour sa politique étrangère, attractivité accrue du pays. La géopolitique régionale est en train de se modifier du fait du partage de certains gisements avec des pays voisins comme la Mauritanie. Dans la perspective de la vente de gaz naturel liquéfié à l’international et du raccordement possible à un potentiel gazoduc vers l’Europe depuis le Nigeria, le Sénégal aura un rôle à jouer.

L’exploitation du pétrole et du gaz peut aussi être un véritable motif de revendication ou d’affirmation de souveraineté. C’est à travers ce prisme qu’il faut appréhender la renégociation des contrats souhaitée par les nouveaux dirigeants. En toile de fond, la question du franc CFA intervient car sans banque centrale, il est difficile de mettre en œuvre une quelconque politique. Vous devez avoir la clé du coffre-fort.

Question importante : comment un pays peut-il s’en sortir économiquement dans un contexte d’absence de souveraineté monétaire ? Rappelons la dévaluation du franc CFA en 1994. Du jour au lendemain, une dévaluation a été imposée, et depuis lors, les économies des pays des deux zones ont été fragilisées. Le déficit commercial s’est creusé partout. Ce fut un frein au développement économique de ces pays qui venaient de subir le programme d’ajustement structurel (PAS).

Combien de temps faudra-t-il pour que ces avantages se concrétisent pleinement ? Et pourquoi cela prendra-t-il autant de temps ?

Les bénéfices peuvent être rapides. Tout dépend de la politique du gouvernement. Si on demande d’attendre alors que les premiers barils sont déjà là, c’est comme si on demandait aux Sénégalais de ne pas compter sur le pétrole. Il ne faut pas attendre, les urgences sont nombreuses. Il faut mettre en place des mécanismes qui permettent de réinvestir les profits dans l’économie et la modernisation du pays.

Il convient toutefois de noter que la production pétrolière démarre dans un pays qui présente un déficit budgétaire important, de l’ordre de 1,2 milliard d’euros. Le gouvernement a déjà prévu d’emprunter jusqu’à 3,5 milliards d’euros par an au cours des trois prochaines années. Dans ce contexte, il existe un risque que les recettes attendues soient orientées vers le service de la dette au détriment des investissements.

Quels sont les risques économiques auxquels le Sénégal est susceptible d’être confronté en tant qu’exportateur de pétrole et de gaz ?

Il n’y a pas de risque ! Vous faites allusion à la théorie de la malédiction des ressources. Mais voyez-vous, dans les pays du Golfe, en Norvège, en Russie, on ne peut pas dire qu’il y ait vraiment un risque à exploiter leur pétrole. C’est la malédiction qu’on veut mettre dans la tête des Africains. Il faut comprendre une chose, la vie est un combat et il n’y a pas de jour de repos. Il faut apprendre d’une part à bien gérer nos ressources et d’autre part à défendre nos intérêts. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas.

Que pensez-vous de la gestion de la richesse pétrolière par des pays comme le Gabon ou le Congo-Brazzaville ?

Les pays africains ne tirent pas le plus grand profit de leurs ressources naturelles. Les exemples sont partout. En parlant de pétrole, on peut citer les cas de la Libye, du Nigeria ou du Congo. Il en est de même pour l’uranium comme c’est le cas au Niger ou l’or au Mali ou au Burkina Faso. L’Afrique dans l’architecture économique mondiale, et les pays du Sud en général, ont un rôle qui leur est dévolu, celui de fournir des matières premières aux usines des pays développés qui se sont donnés le rôle de fabricant. Dès lors, tout est réuni pour que ce déséquilibre perdure, et c’est à ce prix que le capitalisme survit.

Quelles mesures politiques le Sénégal peut-il mettre en œuvre pour gérer ou atténuer ces risques ?

Si l’on parle de risque de guerre, de tensions politiques en interne ou avec les pays voisins, ou de détournement de revenus, cela ne doit pas surprendre. Car il y a une manne de taille en jeu et les protagonistes vont se battre pour prendre ce qu’ils veulent. Il appartient aux politiques et à toutes les forces internes de faire passer l’intérêt du pays avant tout. C’est dans la cohésion et l’unité que les Sénégalais pourront profiter des ressources de leur sous-sol.

Compte tenu des intérêts supérieurs de la nation, les acteurs internes doivent être capables de comprendre les enjeux et de se rassembler. C’est dans l’unité qu’une nation peut affronter ses ennemis et aucune force extérieure ne peut s’imposer sans complicité interne. De nombreux conflits pour le contrôle des ressources sont provoqués par des acteurs extérieurs qui agissent en groupes intermédiaires pour déstabiliser et piller les territoires.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Décès de l’ex-agent pionnier de Magic Johnson et Isiah Thomas • Basket USA – .
NEXT Vous ne croirez jamais ce qui est arrivé à cette jeune femme à Toulouse – .