L’écriture inclusive gagne en popularité, mais on sait peu de choses sur son application dans les écoles

L’écriture inclusive gagne en popularité, mais on sait peu de choses sur son application dans les écoles
L’écriture inclusive gagne en popularité, mais on sait peu de choses sur son application dans les écoles

L’écriture inclusive devrait-elle avoir sa place à l’école ? On sait qu’il est utilisé dans les universités, mais on en sait moins sur les niveaux primaire et secondaire. À notre connaissance, dans le monde francophone, il n’existe aucune directive officielle en la matière.

Cette question, comme d’autres touchant à l’évolution du langage, suscite souvent de vifs débats parmi les scientifiques et les francophiles.

Nous préparons actuellement des recherches visant non pas à commenter ce qu’il faut (ou ne doit pas) faire, mais à consulter les enseignants qui sont sur le terrain, jour après jour, auprès des jeunes. La collecte de données, présentement en préparation, sera réalisée auprès d’enseignants de différentes disciplines aux niveaux primaire et secondaire, partout au Québec.

Quelles sont leurs pratiques et représentations par rapport à l’écriture inclusive ? C’est la question à laquelle répondra notre recherche.

L’écriture inclusive, un mouvement bien établi

L’écriture inclusive consiste à utiliser diverses stratégies visant à rendre le langage moins discriminatoire à l’égard des femmes ou des personnes non binaires, que le masculin générique aurait tendance à rendre invisibles dans le langage et, par extension, dans la pensée.

Par exemple, dans une écriture inclusive en français, nous utiliserons des stratégies de féminisation, comme « les enseignants », ou de neutralisation de genre, comme « le personnel enseignant », plutôt que le masculin générique « les enseignants ».

Au Québec, les débuts du mouvement en faveur de l’écriture inclusive remontent aux années 1970. Il ne s’agit donc pas d’un phénomène émergent ou exclusif aux milieux activistes et académiques, mais plutôt d’un mouvement socialement significatif, reconnu et bien implanté dans le temps. Aujourd’hui, l’écriture inclusive est utilisée et valorisée dans différentes zones géographiques et catégories sociales, et dans des domaines variés (politique, artistique, médiatique, scientifique, professionnel, institutionnel…).

En revanche, dans le domaine de l’éducation, il est difficile de dire si elle a progressé.

La situation actuelle du milieu éducatif

À mesure que la société évolue, la langue et l’éducation évoluent également.

L’école, et plus particulièrement l’enseignement des langues et les pratiques linguistiques en classe, sont d’importants vecteurs de changement social, notamment en matière d’inégalités entre les sexes.

En encadrant les savoirs à enseigner, les programmes scolaires traduisent une certaine conception de la langue et de l’histoire et influencent les pratiques pédagogiques, qui ont un impact sur la socialisation genrée des élèves.

De nombreuses universités ont mis en œuvre des politiques, des guides, des réglementations ou des manuels d’écriture inclusive depuis les années 1990, dans une volonté de promouvoir l’égalité des sexes. Dans la francophonie, les universités québécoises ont également joué un rôle de premier plan en matière de féminisation.


Expertise académique, normes journalistiques.

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Aujourd’hui, plusieurs universités québécoises, suisses et belges ont leur propre politique d’écriture inclusive, et les universités françaises l’utilisent, même sans avoir officiellement adopté une telle politique.

Au primaire et au secondaire, on sait que certains enseignants utilisent ou même enseignent l’écriture inclusive, mais il semble que les pratiques varient grandement et que des réticences ou des craintes les retiennent.

Le Québec plus ouvert

Le secteur de l’éducation au Québec serait parmi les plus ouverts à l’écriture inclusive, et les enseignants y seraient majoritairement favorables.

Le système éducatif québécois met fortement l’accent sur la responsabilité du personnel enseignant de promouvoir l’égalité des genres ainsi que l’inclusion, l’acceptation et le respect de la diversité des expériences individuelles de développement de l’identité de genre.

Programmes récents Culture et citoyenneté québécoises mettre particulièrement l’accent sur la sensibilisation aux différentes manières dont les inégalités et les discriminations liées à l’expression de genre peuvent se manifester. Puisque l’écriture inclusive se veut un outil pour atteindre l’égalité des genres, on peut donc penser qu’elle aurait sa place dans les écoles primaires et secondaires du Québec, cohérente avec cette volonté clairement affichée dans le système éducatif québécois. .

Des difficultés et des avantages non démontrés

Plusieurs, notamment en , ont tenté d’interdire l’écriture inclusive dans les écoles, généralement en invoquant les potentielles difficultés d’enseignement-apprentissage qu’elle poserait. L’argument très souvent relayé dans les médias est qu’il serait « exclusif et excluant », notamment pour les élèves en difficulté d’apprentissage.

Cependant, jusqu’à présent, aucune étude n’a démontré empiriquement ces difficultés. Au contraire, les recherches sur ce sujet montrent qu’on s’habitue vite à une écriture inclusive, qu’elle n’aurait pas d’effet significatif sur la lisibilité et ne ralentirait pas la lecture.

Par ailleurs, certaines associations ont dénoncé l’instrumentalisation du handicap dans le débat sur l’écriture inclusive, compte tenu du manque de données en la matière.

D’autres voient des avantages potentiels à utiliser et à enseigner l’écriture inclusive dans les écoles primaires et secondaires. Outre son influence positive, amplement démontrée par la recherche, sur les représentations mentales des jeunes, qui deviennent plus égalitaires, sur leur sentiment d’efficacité personnelle et sur leur motivation à l’égard des différents métiers, elle favoriserait une meilleure inclusion non binaire. élèves, qui souffrent souvent de stigmatisation, voire de violence à l’école.

L’écriture inclusive offrirait également plusieurs potentiels d’apprentissage. Cela permettrait par exemple de nourrir la réflexion sur les tensions entre usages et normes linguistiques dans une perspective historique, et d’engager les étudiants dans des discussions critiques sur des questions de société et d’autres débats publics sur l’évolution de la langue. Elle pourrait également faire l’objet d’un travail sur le genre grammatical dans le cadre d’exercices d’écriture (écriture contrainte, exercice de réécriture, etc.).

Bien entendu, son utilisation et son enseignement, s’il a lieu, doivent être adaptés à l’âge et au niveau des élèves, mais également au contexte de la classe.

Cependant, compte tenu du manque de données sur ce sujet, des études sont nécessaires pour prendre le pouls de la situation actuelle.

Pourquoi enquêter sur le personnel enseignant ?

La question de l’écriture inclusive a été largement explorée par la recherche en psycholinguistique, mais encore peu en éducation. Pourtant, les systèmes éducatifs sont des domaines pertinents pour l’étude des pratiques linguistiques et des tensions entre normes officielles et usages réels dans une société. Plus encore, les personnels enseignants constituent un groupe intéressant à sonder, puisqu’ils reçoivent, réinterprètent et parfois rejettent le curriculum prescrit.

Les tentatives de régulation de l’écriture inclusive en milieu éducatif prennent rarement (voire jamais) en compte les conditions des contextes locaux et encore moins les pratiques existantes ou les représentations du personnel enseignant à son sujet dans une perspective idéologique.

Cependant, comme nous le rappelle Fullan, expert en réformes éducatives, « le changement éducatif dépend de ce que font et pensent les enseignants – c’est aussi simple et aussi complexe que cela ».

 
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