COP29 à Bakou : quels résultats ?

COP29 à Bakou : quels résultats ?
COP29 à Bakou : quels résultats ?

Entretien

28 novembre 2024

La COP29 (Conférence des Parties), organisée sous l’égide de l’ONU, s’est tenue du 11 au 23 novembre à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, pays producteur d’hydrocarbures. Après la COP28 à Dubaï, cette grande rencontre internationale visait notamment à définir les modalités de financement de la lutte contre le changement climatique et la répartition des efforts entre les pays dits du « Nord » et ceux du « Sud ». Quels étaient les sujets à l’ordre du jour ? Quelles ont été les décisions prises lors de la COP29 ? Quelles sont les perspectives pour la prochaine COP au Brésil ? Entretien avec Mathilde Jourde, chercheuse à l’IRIS au sein du Programme Climat, Énergie et Sécurité.

Dans quel contexte géopolitique s’est déroulée la COP29 ? Quels ont été les principaux sujets de discussion ?

Selon Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat, “le multilatéralisme n’est plus ce qu’il était en 2015”. La COP29, organisée à Bakou du 11 au 22 novembre, s’est déroulée dans un climat international particulièrement tendu, marqué par la fragmentation des États, la résurgence des conflits en Europe et au Moyen-Orient et la montée des discours populistes et climato-sceptiques. notamment aux États-Unis et en Argentine. Ces tensions se sont traduites par l’absence notable de plusieurs dirigeants, comme Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Joe Biden, Xi Jinping ou encore Lula da Silva. En comparaison, la COP28 de Dubaï avait suscité des espoirs grâce à des progrès historiques, notamment un accord historique sur la « transition vers l’abandon des combustibles fossiles » et la création d’un fonds « pertes et dommages » pour aider les pays les plus vulnérables à faire face aux impacts climatiques. À l’avenir, la COP29, souvent appelée la « COP financière », visait à concrétiser les engagements financiers associés à ces accords.

Deux accords importants ont émergé. La première, adoptée au départ, concerne la création d’un nouveau marché du carbone, débloquant ainsi les négociations sur l’article 6 de l’Accord de Paris, restées en suspens depuis près d’une décennie. L’objectif de cet accord est notamment d’établir un nouveau système, plus efficace que le marché volontaire actuellement en vigueur, qui facilite les abus liés au marché du carbone. Ce nouveau cadre impose aux porteurs de projets d’évaluer et d’atténuer les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités et de démontrer leur contribution aux objectifs de développement durable. Cependant, cet accord a été critiqué par plusieurs ONG pour le manque de transparence quant à son adoption et pour les nombreuses questions encore en suspens.

Le deuxième accord, conclu après une prolongation des discussions, concerne le « nouvel objectif collectif chiffré » (NCQG), destiné à renforcer la solidarité financière du « Nord », de l’Annexe I, vers les nations du « Sud ». . Si en 2009 à Copenhague les pays riches s’étaient engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement, cet objectif, atteint avec deux ans de retard, nécessitait une révision avant 2025 dans le cadre de l’Accord de Paris. Les négociations autour de ce montant, dit « quantique », constituaient l’un des principaux enjeux de cette COP29. Alors que les pays du Sud demandaient 1 300 milliards de dollars, les participants à la conférence se sont finalement mis d’accord sur la somme de 300 milliards de dollars. Les détails de ce financement, tant sa forme (prêt ou don) que son origine (publique, privée, multilatérale, bilatérale), devront être précisés lors des prochaines négociations intérimaires.

Quel bilan tirer de cette COP, notamment en matière de financement de la lutte contre le changement climatique ?

Pour Wopke Hoekstra, commissaire au climat de l’Union européenne (UE), la COP29 « restera dans les mémoires comme le début d’une nouvelle ère dans le financement de la lutte contre le changement climatique ». Ce constat n’est cependant pas partagé par les pays du « Sud du monde » qui trouvent ce chiffre « insignifiant » selon Chandni Raina, délégué de la délégation indienne.

D’autres Etats, comme la , ont également déploré cet accord, le jugeant “pas à la hauteur des enjeux”. Selon les membres du groupe africain, corrigés de l’inflation, les 300 milliards de dollars équivaut quasiment aux 100 milliards de dollars promis en 2009. Plusieurs États ont également critiqué la nature de ce financement, notamment l’apport partiel sous forme de prêts, qui risque exacerbant la crise de la dette qui touche les économies du « Sud ». Pour manifester leur mécontentement, les pays les plus vulnérables ont rapidement quitté les négociations pendant la prolongation de la COP, en signe de protestation contre l’accord proposé, qui était bien en deçà de leur demande d’aide financière. Par ailleurs, les discussions sur le NCQG (nouvel objectif quantifié collectif) ont monopolisé la première semaine de négociations sans que le G20 ne parvienne à sortir de l’impasse, se contentant de réitérer l’importance de fixer un objectif financier à Bakou.

Même l’Union européenne, malgré ses ambitions, a exprimé sa déception face à l’échec de l’élargissement de la liste des contribuables, établie en 1992. Les pays occidentaux voulaient inclure d’autres puissances économiques, comme la Chine, Singapour, la Corée du Sud ou encore certains États du Golfe, en raison de à leurs importantes émissions de gaz à effet de serre. Cependant, ces États ont refusé de rejoindre le groupe des contribuables, se limitant à une participation volontaire.

L’absence de mention explicite de l’abandon des combustibles fossiles, bien qu’il s’agisse d’un résultat important de la COP28, a également provoqué la frustration de certains groupes, notamment des pays de l’Union européenne. Cette omission s’explique en partie par la position exprimée à l’ouverture de la conférence par le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, qui a déclaré que « le pétrole et le gaz sont un don de Dieu ». Le document final publié dimanche dans le cadre de la plénière souligne également que « les carburants de transition peuvent jouer un rôle pour faciliter la transition énergétique tout en assurant la sécurité énergétique ». Pourtant, les scientifiques du GIEC rappellent régulièrement l’importance de mettre un terme à tout investissement dans ces sources d’énergie, responsables de plus de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. L’Arabie saoudite s’est activement efforcée d’exclure toute référence explicite aux engagements de la COP28 dans les nouveaux accords, un effort soutenu par les 1 700 lobbyistes des combustibles fossiles à Bakou. Ces derniers, selon un rapport d’InfluenceMap, ont notamment utilisé des discours visant à bloquer les discussions, comme les discours sur le « scepticisme envers les solutions » et « l’accessibilité et la sécurité énergétiques », selon un rapport d’InfluenceMap.

Enfin, la COP29 a été d’autant plus décevante que l’accent mis sur les négociations du NCGQ a éclipsé d’autres questions cruciales, telles que celles liées à l’atténuation, à l’adaptation, au budget mondial et au genre.
Quelles perspectives s’ouvrent pour la COP 30, prévue dans un an à Belém, au Brésil ?

Au terme d’une COP29 au bilan mitigé, la COP30, prévue en 2025 à Belém, au Brésil, abordera des questions cruciales. Les discussions entamées à Bakou seront approfondies, notamment sur les modalités de financement du NCQG, tandis que des sujets reportés, comme l’adoption du texte sur l’atténuation et le fonds « pertes et dommages », figureront à l’ordre du jour.

En vertu de l’Accord de Paris, les États devront mettre à jour leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) avant février 2025. Cette date coïncide avec le dixième anniversaire de l’Accord de Paris, marquant un nouveau cycle d’ambition climatique. Certains pays ont déjà dévoilé leurs CDN, comme le Royaume-Uni, le Brésil ou les Émirats arabes unis, mettant ainsi en lumière certaines disparités. Le Royaume-Uni a revu à la hausse ses engagements et s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’« au moins 81 % » d’ici 2035, un engagement salué pour ses objectifs ambitieux. Le Brésil a également augmenté son objectif de réduction des gaz à effet de serre de 59% à 67% d’ici 2035. Enfin, les Émirats arabes unis visent une réduction de 47% d’ici 2035, ce qui est jugé insuffisant pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris par l’Action Climat. Localisateur.

La COP30 mettra également en lumière des questions restées secondaires lors de la COP29, comme la déforestation, question particulièrement symbolique dans le contexte amazonien qui accueillera les négociations. Face aux critiques et à la déception suscitées par la précédente édition, le Brésil a annoncé son ambition de faire de cette conférence un véritable tournant. Marina Silva, ministre de l’Environnement, a qualifié la COP30 de « COP des COP ».

 
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