Au lendemain du premier débat présidentiel entre le président Joe Biden et son prédécesseur Donald Trump, le camp démocrate se sent en froid, face aux contre-performances de son candidat. Joe Biden en ressort extrêmement affaibli, au point que se pose la question de savoir s’il continuera à briguer un second mandat. Entretien avec Romuald Sciora, directeur de l’Observatoire politique et géostratégique Iris des États-Unis.
Comment évaluez-vous le débat ?
J’ai été surpris de voir combien de démocrates proches de Biden ou membres du parti étaient étonnés par la très mauvaise performance de leur champion et paniqués. C’était plus que prévisible. Des démocrates de haut rang se doutaient de ce qui allait se passer. Depuis des années, certains pointent du doigt une forme d’Alzheimer chez Biden. Cela fait maintenant trois ou quatre ans qu’il a présenté sa petite-fille aux caméras du monde entier comme étant son fils Beau, décédé depuis plusieurs années. Biden a toujours ses facultés intellectuelles, mais elles sont fortement diminuées. Décider de le laisser courir est pour moi une hérésie.
Après ce sévère revers, est-ce sans espoir pour les démocrates ?
C’est là que Trump a commis une erreur. En décidant de faire un débat si tôt dans la campagne alors qu’il n’y avait aucune obligation de le faire, Trump a pris un risque considérable. Dans ce débat, il n’est pas question que Trump ait complètement supplanté Biden, peut-être qu’il a perdu beaucoup aussi. Si le débat avait eu lieu en septembre, comme c’était prévu, il aurait été absolument trop tard pour que les démocrates choisissent un autre candidat. Cela aurait été trop chaotique. En revanche, aujourd’hui, s’il y a une prise de conscience autour de Biden de la nécessité d’un autre candidat, alors les choses pourraient être différentes. Trump pourrait se retrouver face à un adversaire jeune, professionnel, charismatique, plus compétent, qui deviendrait le chouchou des médias américains et du public, surtout s’il s’agit d’une femme. Il y aurait une chance que Trump soit battu. Si Biden reste dans la course, il ne fait aucun doute que Trump sera réélu.
Dans quelle mesure la question du remplacement de Joe Biden parmi les démocrates est-elle sérieuse à ce stade ?
Joe Biden voulait se présenter car il ne veut pas quitter son poste. S’il ne se retire pas de la course sachant qu’il est de plus en plus malade, c’est parce que Joe Biden ne veut pas céder sa place à celle qui deviendrait logiquement la candidate, sa vice-présidente, Kamala Harris. Joe Biden et son entourage détestent Kamala Harris. Ils ne peuvent pas se sentir. Jamais un vice-président n’a été aussi marginalisé dans l’histoire récente des États-Unis. Alors que Kamala Harris est une femme très compétente.
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Est-il possible de changer de candidat à ce stade de la campagne ?
Le premier scénario est que Biden dispose encore de suffisamment de force et de pouvoir pour s’imposer auprès de son entourage immédiat, mais aussi de son parti. Si les démocrates veulent pousser Joe Biden à se retirer de la course, ils devront prouver qu’il n’est pas apte à être président l’année prochaine, mais cela impliquerait qu’il n’était pas apte à être président à ce moment-là. C’est donc assez complexe. Les démocrates devraient proposer une mise en accusation (impeachment) pour raisons de santé pour le contraindre à se retirer… Cela n’arrivera pas.
Le plus probable serait que les démocrates parviennent à convaincre Joe Biden de se retirer de la course. Kamala Harris concourt alors à sa place, et cela pourrait créer une « Kamala mania ». Mais le meilleur scénario serait que Joe Biden se retire purement et simplement de la présidence des États-Unis. On aurait alors Kamala Harris devenant automatiquement présidente, et aucun autre démocrate n’oserait se présenter contre elle. On aurait une femme présidente des États-Unis du jour au lendemain, ce qui créerait un grand élan dans sa ferveur. Elle pourrait être portée par une vague qui lui donnerait de bonnes chances de battre Donald Trump. Car si elle ne devait concourir qu’en tant que candidate, avec Joe Biden à la tête du pays, elle risquerait de voir d’autres démocrates décider d’entrer dans la course contre elle. Et de nombreux démocrates dans l’entourage de Joe Biden feraient tout pour barrer la route à Kamala Harris avant la convention (censée désigner officiellement le candidat démocrate dans environ six semaines).
