Décès de Lucien Francoeur, le “Montreal Freak” et chanteur des Aut’Chose

Décès de Lucien Francoeur, le “Montreal Freak” et chanteur des Aut’Chose
Décès de Lucien Francoeur, le “Montreal Freak” et chanteur des Aut’Chose

Le « Montreal Freak » n’existe plus. Lucien Francoeur, d’abord poète, puis musicien devenu professeur de lettres et animateur de radio et de télévision, est décédé mardi soir à l’âge de 76 ans. Devoir sa fille, Virginie Francoeur.

“Mon père rockeur, mon héros, est parti à 76 ans pour un long voyage”, a écrit sa fille dans un message posté sur Facebook. « La création était le centre de son univers. […] Pour lui, l’écriture manuscrite était le souffle de vie, le cœur battant du Montreal Freak. Ses cahiers noircis sont les témoins silencieux de sa solitude et de sa marginalité. La poésie était sa manière de défier la mort, c’était une forme d’oxygène. »

Lucien Francoeur était hospitalisé depuis le 22 octobre, après avoir été victime d’un arrêt cardiaque. Il laisse également dans le deuil son épouse Claudine Bertrand, sa sœur Carole et ses frères Louis et Donald.

“Les Rolling Stones de l’époque”

L’artiste hors du commun, dont la plume innovatrice a souligné le caractère américain de la culture québécoise, nous a offert des œuvres, littéraires et musicales, si importantes que ses nombreux amis et admirateurs pleureront aujourd’hui une icône de la contre-culture. Grâce au groupe mythique Aut’Chose, dont il fut le chanteur et l’un des fondateurs, Francoeur a donné vie à une véritable scène rock. métropolitain de nous.

Lucien Francoeur n’avait que 26 ans au lancement d’Aut’Chose Tente ta chance avec moien février 1975, sur le label américain CBS. L’album, qui divise la critique à l’époque, connaît un succès surprenant grâce aux chansons Je t’aime et je le veux, Hé toi, femme (reprise d’un hit de Polnareff), Bar-BQ Madame et Le monstre de Montréal. Mené par un chanteur qui agissait et criait plus qu’il ne chantait, soutenu par un orchestre qui ne cachait pas ses influences musicales anglo-saxonnes, et spécifiquement new-yorkaises, Aut’Chose raconte l’autre côté, glauque, rugueux, mais poétique. de la vie montréalaise présenté par Beau Dommage, dont le premier album était sorti six mois plus tôt.

« Comment décrire Aut’Chose ? C’étaient les Rolling Stones de l’époque», répondait Lucien Francoeur au micro de Marie-Louise Arsenault (ICI Première) en décembre 2023, à l’occasion de la sortie du beau documentaire Francoeur. Finissons bien les rockersco-réalisé par sa fille unique, Virginie Francoeur, et Robbie Hart. “À l’heure actuelle, [on était branchés sur] le Velvet Underground, Zappa, les New York Dolls, la scène new-yorkaise. » Et il a pris pour modèles les poètes rock Jim Morrison et Lou Reed.

«Je n’ai jamais eu de plan de carrière», a déclaré Francoeur au journaliste Devoir Sylvain Cormier en 2014. C’était un coup de tête. Le premier Aut’Chose était déjà un exploit pour moi, c’était une chose incroyable de me retrouver sur un disque. On ne peut pas imaginer aujourd’hui ce que c’était de se retrouver « signé » par une multinationale, d’être sur un documentation. IL alto ce qui était, Homme ! »

Aut’Chose sera lancé quelques mois plus tard Une nuit comme tant d’autres (contenant les chansons Nancy Beaudoin et des couvertures de Jean bleu sur la plage et Comme à la radiocelui-ci de Brigitte Fontaine), donc Le cauchemar américain l’année suivante : ces trois albums en deux ans, dessinant les contours du punk et du métal québécois, transforment la scène musicale locale.

Et elle lui en est reconnaissante : pour un 19e année 1ET En décembre prochain, les artisans du Gala des musiques indépendantes alternatives du Québec (GAMIQ) remettront leurs prix Lucien, un honneur dont Francoeur était très fier, comme en témoigne le film coréalisé par sa fille.

« Chaque édition du gala est un peu un hommage à son esprit depuis 2015, année où nous avons rebaptisé Prix Lucien », raconte Pat K., organisateur du GAMIQ et ami de Francoeur. «Lucien a donné [à la scène musicale québécoise] une urbanité qu’elle n’avait pas auparavant, dit-il. Beaucoup de jeunes se reconnaissaient dans l’attitude de Lucien Francoeur : il incarnait quelque chose qui ressemblait à la musique qu’ils écoutaient, pas nécessairement québécoise. [La musique d’Aut’Chose] cela était en phase avec ce qui se faisait aux États-Unis et en Angleterre. La rencontre entre la joie et la littérature, ce mélange entre clochard par Lane et l’érudit, était extrêmement riche et continue de résonner aujourd’hui. Son œuvre est intemporelle, on peut encore s’identifier à ses paroles car elles n’incarnent pas une époque, mais une ambiance, une attitude, une américanité francophone. »

Le rockeur lettré

Lucien Francoeur s’est imposé comme poète sur la vibrante scène culturelle montréalaise au début des années 1970 — « Ce fut le début de la débâcle, de la grande liberté », rappelle-t-il à ICI Première —, lui qui avait passé son adolescence à errer à New York. (où il se promène à l’âge de 14 ans), puis à la Nouvelle-Orléans, où il termine ses études secondaires, au cours desquelles il découvre Rimbaud, sa première inspiration littéraire. Paralysé par La Notte della Poesia, à laquelle il assiste le 27 mars 1970 au théâtre Gesù, il se consacre sérieusement à l’écriture. Gaston Miron sortira sa première collection, Le Mini Brix a réagipublié aux Editions de l’Hexagone, en 1972.

«Lucien a apporté un souffle américain à la poésie québécoise», dit le poète Jean-Paul Daoust. « Lucien et moi lisions alors [William S.] Burroughs, [Lawrence] Ferlinghetti, [John] Day, Kerouak : c’était l’Amérique deSur la route qui nous a stimulé, ayant vécu longtemps aux Etats-Unis, comme lui. Nous avions des affinités, musicales et littéraires. »

« Dans sa poésie, Lucien ne revendiquait pas quelque chose de politique, comme on le faisait souvent à l’époque, notamment dans la poésie de Miron », explique Jean-Paul Daoust. Il s’agissait plutôt de la vie quotidienne et du matériel des images américaines : le drive-inpar exemple, qui nous habitent tous. Il s’en est excusé, alors que dans la littérature québécoise, ce n’était pas un sujet considéré comme sérieux ou important. Cela l’a affirmé, car cela faisait partie de l’ADN de qui nous sommes. »

A côté de sa carrière musicale solo, débutée en 1978, on retiendra son succès surprise Rap-A-Billy (extrait de l’album Jour et nuit1983) et Les gitans reviennent toujours (1987), album réalisé par Gerry Boulet, qui écrit de la musique avec Jean Millaire (de Corbeau, complice de Marjo), le poète obtient une maîtrise à l’Université du Québec à Trois-Rivières et enseigne la littérature au cégep de Rosemont et à Collège John Abbott. Il continue également de publier : son recueil Les saints rockers. Manie d’exploration impériale et pyramidalepublié par l’Hexagone, il lui vaut le prix Émile-Nelligan en 1983.

À la fin des années 80, il se réinvente comme animateur radio sur CKOI FM, tenant le micro de Spettacolo Francoeur jusqu’en 1996, et a également brièvement animé une émission sur la chaîne de télévision TQS. Ces années seront presque aussi agitées que les nuits blanches à La Casanous, rue Sherbrooke, « le bar du monstres » dans les années 70 L’alcool et la cocaïne le séparaient de sa fille et de sa compagne, la poète Claudine Bertrand, l’avoue-t-il encore dans le récent documentaire qui lui est consacré.

Le retour d’Aut’Chose

Il y a une vingtaine d’années, il renouait avec son ancien complice, le guitariste Jacques Racine. (décédé le 18 septembre dernier), pour former une nouvelle version plus métal d’Aut’Chose, complétée par le bassiste Vincent Peake (de Groovy Aardvark), Joe Evil (claviers, Grimskunk), Alex Crow (guitare, arrivé après le départ de Denis D’Amour) et le batteur Michel « Away » Langevin (du Voïvod). « Sa poésie rock a influencé de nombreux musiciens qui lui ont succédé », raconte Michel Langevin, qui a découvert les chansons de Francoeur lorsqu’il fréquentait l’école secondaire de Jonquière. ” [La musique d’Aut’Chose] c’était du proto-punk, du proto-métal, avec un petit côté progressif, mais Lucien n’aimait pas trop le rock progressif, m’a-t-il dit un jour. Ce que je trouvais particulier, c’était le côté « beatnik » avec les poèmes jouals, il n’y avait pas beaucoup de choses comme ça dans le rock à l’époque. »

«Quand j’ai vu l’enregistrement du concert Aut’Chose au Jardin des Étoiles [en juin 1975]«Ça m’a ouvert les yeux» sur son importance, raconte Alex Crow, guitariste et ami de Lucien.

Sur scène avec le groupe réformé, il raconte : « Lucien a alimenté une grande partie de l’énergie du public. Il aimait parler au public, être proche d’eux, c’était un leader attachant qui aimait faire chanter les gens. Il s’éclairait sur scène : on le trouvait sur le point de s’endormir en coulisses cinq minutes avant de monter sur scène, mais quand les lumières s’allumaient et qu’il prenait le micro, c’était comme si une étincelle l’enflammait ! » ajoute Alex Crow, qui confie que Lucien Francoeur caressait le projet d’enregistrer un dernier album « sachant que ce serait son dernier hourra. Il voulait faire un double album, qu’il appelait son «Exil sur la rue principale» [en référence au classique des Rolling Stones]. Il se portait bien ces derniers temps : il consommait moins et se sentait moins mal dans la vie.

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