Jeune public – Comment les robots s’humanisent en s’émancipant

Comment un duo de robots mécaniques s’humanisent en s’émancipant

Sans un seul mot, « Actapalabra » de Joan Mompart, Philippe Gouin et François-Xavier Thien lance les petits en orbite dans un univers révolutionnaire et beckettien.

Publié aujourd’hui à 10h10

Abonnez-vous maintenant et profitez de la fonction de lecture audio.

BotTalk

On aimerait retourner en enfance, pendant la séance. En tout cas, à voir la joyeuse participation des 4 ans et plus qui assistent à la création de“Actapalabra”on retrouverait volontiers la spontanéité décomplexée qui les habite pendant cinquante minutes, alors qu’aucune autre voix que la leur ne résonne dans la salle. Oui, car sur la planète du système solaire qui abrite actuellement le Théâtre Am Stram Gramseul l’acte tient lieu de paroles : ses habitants ont perdu leur langue.

Joan Mompart et Philippe Gouin, les concepteurs du projet, ont également été réduits à une forme de silence. Les deux acteurs et réalisateurs rêvaient de monter le mimodrame « Acte sans mots » de Samuel Beckett (1957), mais les droits leur furent refusés. Qu’importe, le duo a immédiatement rebondi avec son propre saut périlleux, créant une valse qui a le goût loufoque du dramaturge irlandais, la drôlerie métaphysique, mais pas la lettre interdite.

Dans l'astrophysique d'Actapalabra, le grand machiniste du cosmos peut vous tenter à l'aide d'une planète comestible.

Ils sont trois à peupler le disque rotatif installé sur le tournage d’Am Stram Gram, fief de Joan Mompart depuis 2021 : deux Martiens et un deus ex machina. Les premiers répètent les gestes mécaniques qui accompagnent la gravitation des sphères, les seconds sèment des embûches tout au long de leur parcours. Sous forme de tentations, par exemple, lorsque le chef machiniste les tente avec un fruit qui descend des cintres, dont il raccourcit ou allonge la ficelle à chaque fois qu’un robot tente de l’attraper. “Prenez le plus gros!” crient les enfants lorsqu’un des clowns grimpe sur l’une des quatre échelles disponibles. “C’est trop dangereux !” Le referont-ils quand les charlots improviseront un échafaudage à l’aide d’escabeaux.

En s'affranchissant des lois physiques qui les oppriment, Philippe Gouin et Joan Mompart éprouvent une jubilation colérique.

La fable suit néanmoins sa trajectoire. Dans un spectacle de jeux de lumière, de clins d’œil musicaux et de pièces pyrotechniques enfumées, les zigotos prendront peu à peu conscience d’être transformés en imbéciles. S’ils ne parlaient pas, ne pourraient-ils pas au moins se toucher ? Au lieu de se soumettre à la turbine, n’auraient-ils pas intérêt à s’unir, pour mieux s’en libérer une bonne fois pour toutes ? Sous la gesticulation automatisée, n’auraient-ils pas une âme humaine ?

Joan Mompart finit heureuse dans les bras d'une bête humaine.

C’est alors que le duo se débarrassera, l’une après l’autre, de toutes les couches de survêtements verts qu’ils portent en uniforme. S’épluchant jusqu’à se dévoiler dans sa nudité animale, toute chaude et poilue. Réfugiez-vous ensuite dans les bras d’une grande créature à la fourrure rouge, apparue des coulisses tandis que la liberté faisait taire le cliquetis des rouages. Pour le confort de ce dernier câlin, nous serions heureux d’avoir 6 ans.

Katia Berger est journaliste à la section culturelle depuis 2012. Elle couvre l’actualité du spectacle vivant, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de la photographie, des arts visuels ou de la littérature.Plus d’informations

Avez-vous trouvé une erreur ? Merci de nous le signaler.

0 commentaires

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Opérations privées | Le ministre de la Santé au fil
NEXT L’équipe de France qualifiée pour la demi-finale de la Coupe du Monde après sa victoire face au Paraguay (2-1)