L’Olympique est-il toujours Lyon ? Le temps partagé en question

L’Olympique est-il toujours Lyon ? Le temps partagé en question
L’Olympique est-il toujours Lyon ? Le temps partagé en question

Qu’est-ce qu’un club de foot ? « Une communauté humaine et locale qui se rassemble pour jouer au »s’amuse Ronan Evain, directeur général de Football Supporters Europe (FSE), face à la force des preuves. Jean-Michel Aulas n’a pas hésité à qualifier son club d’entreprise de divertissement.

Ce dossier sur John Textor et les finances de l’OL se compose de quatre autres articles :

Embrassant cette vision américaine, la sortie au stade se retrouve en concurrence avec une soirée au cinéma ou une sortie au bowling, activités mondialisées qui n’ont pas la particularité d’être ancrées localement.

Avec le transfert du siège et du stade à Décines et du secteur jeunesse à Meyzieu, l’OL s’était déjà coupé de Lyon en 2016. Mais, racheté fin 2022 par l’entrepreneur américain John Textor, le club a pris une dimension encore plus grande. plus éloignée de sa vocation initiale : non seulement elle est aujourd’hui majoritairement étrangère, alors que ses fondateurs en 1950 puis ses présidents ultérieurs étaient des notables lyonnais – industriels, médecins, commerçants – mais elle est aussi devenue une multinationale du football.

Un sacré paradoxe pour un club qui s’est bâti une réputation de champion de la formation, transformant les joueurs de Ménival (Umtiti), Mermoz (Lacazette), la Duchère (Abidal), Bron (Benzema), Vénissieux (Caqueret), Vaulx – en -Velin (Fekir) ou Saint-Priest (Cherki) comme de grands footballeurs.

Modèle contre nature

La grande nouvelle, c’est que l’OL n’est plus véritablement souverain, baigné dans un modèle en vogue dans le football mondial : le temps partagé. Ses joueurs, ses finances, son avenir : tout dépend désormais intrinsèquement d’autres clubs (Crystal Palace en Angleterre, Botafogo au Brésil, RWD Molenbeek en Belgique et Florida FC aux Etats-Unis) réunis sous une même holding, Eagle Football Holdings. Expliqué par John Textor, le système doit permettre aux clubs de se rassembler collectivement : partage de compétences, économies d’échelle, mais aussi partage de joueurs. (voir infographie) et même des dirigeants.

Lire aussi dans la Tribune de Lyon : « Il n’y a pas assez de recettes ni assez de capital » : un économiste décrypte les comptes de l’OL

Cette organisation a été popularisée il y a une dizaine d’années par le City Football Group. Depuis, pas moins de 12 clubs ont commencé à graviter les uns après les autres autour de Manchester City, de l’Australie à l’Inde en passant par le Japon, la Turquie et même la avec l’ES Troyes AC. Le club de l’Aube a vécu une situation qui trahit l’absurdité du modèle, achetant un joueur au Brésil, puis prêté à Eindhoven et Gérone avant d’être vendu à Manchester pour un prix record… sans avoir joué un seul match sous le maillot troyen !

Pour le fan de Manchester City, pas grand chose de changement, son club est au sommet de la pyramide et il bénéficie des investissements et des joueurs arrivant d’autres clubs. Mais pour les supporters des autres clubs, cela change tout, car la vocation de son propre club devient celle de servir les intérêts d’un autre. »poursuit Ronan Evanin. Et pour cause : “Le sportif n’est plus au centre des intérêts du club mais l’achat et la vente de joueurs”il murmure.

“Il n’y a plus rien à démembrer”

La vente d’acteurs sur un grand marché ouvert donc, ou de marchandises. Ainsi l’OL s’est séparé par la suite de sa franchise américaine OL Reign, de la LDLC Arena et même de sa section féminine. “Tous les clubs du monde créent leur secteur féminin et le vendent”demande Ronan Evanin.

Or, non seulement le club ne recevra plus de subventions du théâtre – estimées entre 10 et 15 millions d’euros par an – mais il ne pourra plus se targuer de détenir le plus beau record féminin du monde. Ce manque d’ancrage local – John Textor n’habite pas Lyon et ne parle toujours pas un mot de français – et l’éloignement du lieu de décision risquent de conduire à un désintérêt pour le territoire et son avenir. Ainsi l’interlocuteur de la maire de Décines Laurence Fautra (LR) est le directeur général du club, Laurent Prud’homme, mais pas le véritable décideur : John Textor.

“Textor, je ne le vois pas”

“Je ne pense pas que je sois son sujet, observe le conseiller. Chaque fois que je le vois, il est très respectueux, mais je ne parle pas du stade avec lui. Ce n’était pas pareil avec Jean-Michel Aulas, avec qui il était plus facile de dire les choses. Bien sûr, c’était « guerre et paix », il fallait défendre nos intérêts. Mais aujourd’hui la relation est bien différente, Textor, je ne le vois pas. Je le rencontre lors des matchs importants mais il n’y a pas la même fluidité. »

Faut-il donc s’attendre à de nouvelles décisions radicales, avec un impact potentiellement tout aussi dommageable pour l’OL que pour l’Est Lyon ? “Mais il n’y a plus rien à démembrer, » ajoute un fin connaisseur de l’OL. Il a vendu tous ses biens : il ne lui reste que le stade et le centre sportif mais comme il a déjà des dettes, s’il les vend rien ne change, ça annule un peu la dette. Et qui achètera un stade ? »

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Au-delà de ces considérations économiques, c’est un héritage, qui fêtera ses 75 ans au printemps prochain, qui est en danger. Dans quelle mesure ? « Si l’OL faisait faillite demain, ce serait évidemment une catastrophe économique pour les gens qui y travaillent, pour ceux dont le business en dépend et pour les supporters ; mais le club partira dans 5 heurese ou 6e division, et conserve ses armoiries, son palmarès »rappelle Ronan Evain, également membre du secrétariat de l’Association nationale des supporters (ANS). Car la particularité du sport professionnel français consiste à soutenir une structure privée auprès d’une association, donc si la première venait à échouer, la seconde prendrait sa place.

« Cela devrait alarmer tout le monde ! » »

« Le modèle est différent en Angleterre où les clubs sont des entités privées qui peuvent faire faillite. souvenez-vous de Ronan Evain. Et c’est ainsi que le Bury FC a disparu. C’est dramatique : 120 ans d’histoire disparaissent, avec la perte du palmarès, des couleurs… Le modèle français n’est pas si mauvais étant donné que la licence du club appartient aux adhérents. Le problème c’est que ce dernier a peu d’influence sur la gestion du club et c’est En effet contrôlé par la structure professionnelle. »

La question fondamentale à se poser serait de savoir ce que Textor recherchait à Lyon, sachant que le football professionnel est un gouffre sans fond dans lequel il est quasiment impossible de s’enrichir. « Cela devrait alarmer tout le monde ! » “, Lancia Ronan Evain. “Textor est une personne très sympathique mais c’est le roi de la chevalerie, contrairement à Michèle Kang (présidente de l’OL féminin, ndlr) qui joue son argent »juge un bon connaisseur du club.

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coup de billard

A deux jours du rendez-vous crucial avec la DNCG, et alors qu’une certaine effervescence montait parmi les supporters, John Textor a pris l’avion pour les Bahamas… « Avons-nous un seul exemple dans le football français d’une personne s’installant durablement sur le territoire après avoir acquis un club de football ? demande Ronan Evain. Ou est-elle danseuse ? Mais s’il s’agissait de divertissement, investiriez-vous dans davantage de clubs ? Cela me semble assez peu probable. Il y a peut-être une forme de pari sur la déréglementation du football. Comptez-vous profiter d’une éventuelle Superligue pour en profiter ? Mais bon, c’est risqué, c’est un coup de billard à trois bandes. »

Comprendre le système économique de l’OL

En introduisant l’OL en Bourse en 2007, Jean-Michel Aulas a fait découvrir aux supporters lyonnais de nombreuses conditions financières : Osrane, Océane, DPS, Ebitda. Mais il faut désormais des notions économiques solides pour comprendre la structure qui fait vivre l’OL.

Ce qu’il faut d’abord comprendre de notre infographie, c’est que l’argent qui a permis le rachat de l’OL Groupe (aujourd’hui Eagle Football Group) par Eagle Football Holdings n’est pas uniquement venu des poches de John Textor (310 millions d’euros dont la majeure partie est sur la base des actifs de la holding) mais surtout par le fonds d’investissement Ares (405 millions), associé à un groupe d’investisseurs américains (100 millions).

Si l’entrepreneur occupe donc l’espace médiatique, il reste dépendant de la volonté des autres acteurs qui siègent également au conseil d’administration. L’autre évidence est que l’OL n’est plus qu’un des clubs détenus par la holding. Certainement le plus prestigieux des cinq, il n’est pas le plus rentable comparé à Crystal Palace, dont John Textor détient 45% des actions qu’il souhaiterait céder pour 270 millions d’euros, en plus d’une introduction à la Bourse de New York. Échangez pour apporter de nouvelles pièces dans les coffres.

Avant cela, Textor s’était séparé de l’OL Women, de la franchise américaine OL Reign et de la LDLC Arena, sans que cet argent ne réduise la dette de l’OL, dont la dette restante dépasse désormais les 500 millions d’euros.

Finalement, il semble qu’une économie interne se soit développée selon les projets du propriétaire de l’OL. Il y a des dizaines de transferts entre clubs, selon une hiérarchie qui a d’abord favorisé l’OL – qui avait racheté Ernest Nuamah à Molenbeek avant de le récupérer en prêt, puis acheté Lucas Perri pour une somme dérisoire à Botafogo – avant que le club brésilien n’atteigne la Copa Libertadores. Textor va consacrer davantage de temps et d’argent à la holding, au détriment des comptes de l’OL.


 
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