Cette mesure RN est-elle applicable ? – .

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Cette mesure RN est-elle applicable ? – .

Le Rassemblement national souhaite « empêcher » les personnes ayant la double nationalité d’occuper des « métiers extrêmement sensibles » dont la liste sera définie « par décret ». Cette mesure est-elle vraiment applicable ?

Interdire l’accès aux métiers dits de « souveraineté » aux Français possédant la double nationalité. Dans ses projets s’il arrivait au pouvoir, le Rassemblement national a remis cette proposition au goût du jour. Il vise les 3,3 millions de Français possédant la double nationalité et pourrait concerner des domaines comme la diplomatie, la défense, le budget ou encore le nucléaire.

L’idée n’est pas nouvelle. Il faisait partie d’un projet de loi constitutionnelle déposé par Marine Le Pen en janvier dernier et présenté lors de la campagne présidentielle de 2022 dans le volet « la protection de la nationalité française et de l’identité de la France ».

« La loi organique peut interdire l’accès aux emplois dans les administrations, les entreprises publiques et les personnes morales chargées d’une mission de service public aux personnes qui ont la nationalité d’un autre Etat.

Si son parti remporte les élections législatives (30 juin et 7 juillet) et s’il est nommé Premier ministre, le président du RN entend faire adopter cette mesure par « une loi organique et un décret ». Jordan Bardella assure ne pas « remettre en question la double nationalité », même si sa suppression fait depuis longtemps partie du programme du RN.

Ce projet abandonné réapparaît plus subtilement avec cette interdiction d’accès à certaines fonctions, révélant la crainte d’une double allégeance entraînant le risque d’un manque de loyauté envers l’État dont ils sont également ressortissants. C’était d’ailleurs le sujet d’une question posée en 1989 à Lionel Stoleru par Jean-Marie Le Pen lors d’une émission télévisée.

“Avez-vous la double nationalité ?”, a demandé le président du Front national au secrétaire d’Etat au Plan, visant notamment, selon lui, une éventuelle nationalité israélienne.

« Risques d’interférences »

Quelles professions seraient concernées par la mesure du RN ? Aucune liste n’a été dévoilée. Selon Jordan Bardella, « très très peu de personnes » seraient concernées, a-t-il précisé lors de sa conférence de presse du 24 juin. Lesquelles ? Il ne le dit pas.

Lors du débat télévisé du 25 juin sur TF1 l’opposant à Gabriel Attal et Manuel Bompard, Jordan Bardella a pris en exemple le poste de directeur d’une centrale nucléaire : “Vous mettriez un Franco-Russe à la tête d’une centrale nucléaire”. ? Cela ne vous pose-t-il pas un sujet d’intérêt national ?», a-t-il lancé à l’actuel Premier ministre pour justifier sa mesure.

Sur BFMTV, Roger Chudeau, député RN sortant du Loir-et-Cher, donne quelques pistes.

«Je pense que ce sont des emplois ministériels et puis probablement des emplois qui sont définis dans la Constitution comme étant à la disposition du gouvernement, c’est-à-dire ambassadeur, préfet, général, inspecteur général…», précise Roger Chudeau.

« Tout ce qui touche à la souveraineté nationale ne peut être exercé que par les citoyens français, cela me paraît élémentaire », ajoute le député sortant.

C’est d’ailleurs ce que dit la loi, précisant qu’un « Français binational ou plurinational » n’est pas moins français qu’un autre.

« Il a tous les droits et obligations attachés à la nationalité française. Cette règle s’applique de la même manière à un Français ayant acquis une autre nationalité ou à un étranger devenu Français”, peut-on lire sur le site du Service Public.

« Totalement anticonstitutionnel »

D’ailleurs, comme le rappelle la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina sur BFM Business, le droit français – et même le droit européen – a déjà prévu cette situation.

«Tous nos métiers dits de souveraineté, et la Cour de justice de l’Union européenne en convient, sont réservés aux Français. Même un ressortissant d’autres pays de l’Union européenne ne peut accéder à ces emplois car ils sont réservés aux Français pour des raisons stratégiques», précise Anne-Charlène Bezzina.

Elle rappelle le processus de recrutement pour ces postes. Les candidats doivent passer par des enquêtes sur les conflits d’intérêts personnels et professionnels, rappelle Anne-Charlène Bezzina, soulignant également les liens qui existent avec les Etats sur lesquels repose la binationalité.

« Le risque d’ingérence étrangère est donc assez limité [voire] impossible », estime le constitutionnaliste qui considère que la proposition du RN est « totalement anticonstitutionnelle ».

Un RN franco-russe au Parlement européen

Ce risque, c’est justement l’argument du RN, explique Sébastien Chenu, député RN et porte-parole du mouvement.

« Aujourd’hui, peut-on imaginer un Franco-Russe travaillant au ministère des Armées ? Jordan Bardella s’est même justifié.

Cet exemple a été évoqué par Gabriel Attal lors du débat législatif sur TF1 le 25 juin. Le Premier ministre a pointé du doigt une contradiction en citant le cas de Tamara Volokhova. « Pouvez-vous dire aux Français qui nous regardent qui est Mme Tamara Volokhova ? » a demandé Gabriel Attal au président du Rassemblement national.

“Elle est votre conseillère auprès du groupe ID (Identité et Démocratie) au Parlement européen, qui vous représente à la commission des Affaires étrangères sur les questions de sécurité et de défense”, a-t-il indiqué sans attendre de réponse.

“Il s’avère qu’elle est franco-russe, qu’elle assiste à des réunions à huis clos avec des informations confidentielles sur la guerre en Ukraine”, a précisé Gabriel Attal.

Roger Chudeau n’a pas évoqué cette affaire sur BFMTV, mais assure que pour lui, c’est “une question symbolique”. « Il faut savoir choisir. Nous ne sommes pas au supermarché ici. Quand on sert l’État au plus haut niveau, il faut être citoyen français, c’est le strict minimum », assène le député de Loir-et-Dear.

Doubles nationaux de la DGSE

Il n’en reste pas moins que les personnes qui ont une autre nationalité que la nationalité française sont des Français comme les autres. Et comme tous les candidats à des postes dits sensibles, que ce soit dans des ministères (Armées ou Affaires étrangères) ou des administrations comme la Direction générale de l’armement (DGA), des enquêtes administratives approfondies sont menées.

“On peut avoir une, deux ou trois autres nationalités, ce n’est pas l’affaire du droit français”, confirme à l’AFP Gwénaële Calvès, professeur de droit public à l’université de Cergy Paris.

Nous avons demandé à différents services liés à la défense s’ils savaient combien de binationaux ils emploient et s’il leur était interdit d’occuper certains postes. Aucun d’eux ne nous a répondu, pour ne pas prendre part à un dossier politique qui arrive en pleine période électorale. Sur la page internet de recrutement de la DGSE (Direction générale des services extérieurs), la réponse est claire.

Pour postuler à la DGSE, il faut avoir la nationalité française, mais « on peut toutefois avoir la double nationalité à condition d’avoir la nationalité française ».

Là encore, chaque candidat fait l’objet d’une enquête, même pour des postes administratifs ou de service général. Quant à ceux communément appelés espions, les binationaux peuvent devenir, selon les crises ou les situations géopolitiques, des recrues de choix.

Par ailleurs, l’annonce de vouloir interdire l’accès à certains postes sensibles a fait réagir Olivier Mas, ex-agent de la DGSE et ancien officier des forces spéciales. Retiré de ces fonctions, il anime désormais la chaîne YouTube « Talks with a Spy ».

« Au début des années 2000, (…) la DGSE a décidé de recruter de manière significative des Français d’origine maghrébine (…) pour contribuer à infiltrer des groupes terroristes. Cette mesure a été très efficace », rappelle Olivier Mas.

Carrière militaire ?

En effet, l’accès aux postes de la fonction publique est autorisé non seulement aux binationaux, mais également aux ressortissants des pays membres de l’UE qui peuvent passer des concours et devenir fonctionnaires.

Les non-Européens peuvent également être recrutés dans la fonction publique, mais uniquement en tant que contractuels. Dans le domaine de la défense, rien n’empêche un double national de poursuivre une carrière dans l’armée, ni de devenir réserviste. Sur X, Alexis Karklins-Marchay, Franco-Américain et officier de la Marine nationale, se prononce contre cette proposition du RN.

“Lire que certains postes, certains emplois (y compris ceux de diplomates ou de ministres) me seraient fermés à cause de cela est une insulte de la part de nationalistes rances et aux petits pieds.”

Les emplois dans les grandes industries de la défense ou du nucléaire seront-ils affectés ? Comme le souligne l’AFP, la décision de classer un poste parmi les emplois régaliens est laissée à la discrétion non seulement du gouvernement, mais aussi de l’employeur. Les conditions d’accès à ces entreprises sensibles sont déjà strictes. En pleine crise de recrutement, ces entreprises seraient confrontées à des difficultés supplémentaires pour attirer des talents pour des postes clés.

Bref, il n’existe actuellement aucune restriction pour les doubles nationaux, selon des experts en droit du travail interrogés par l’AFP. Ceci « en vertu du principe d’interdiction de toute discrimination à l’embauche posé par l’article L1132-1 du Code du travail », explique Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail. Mais, dit-il, « ce que le législateur d’hier a fait, celui de demain pourra l’annuler ou le restreindre ».

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