À qui profite la flambée des prix du cacao ? – .

À qui profite la flambée des prix du cacao ? – .
À qui profite la flambée des prix du cacao ? – .

(Paris) La flambée des prix du cacao sur les marchés financiers fait frissonner l’ensemble du secteur, mais profite inégalement aux producteurs de cacao, aux transformateurs de fèves, aux spéculateurs et aux chocolatiers.


Publié à 8h21



Juliette MICHEL

Agence France-Presse

Les prix ont explosé en mars à plus de 10 000 dollars la tonne à New York après une mauvaise récolte en Afrique de l’Ouest, due à une combinaison de conditions météorologiques défavorables et de maladies dévastatrices dans les plantations vieillissantes. Ils ont de nouveau baissé depuis, mais restent trois fois plus élevés que l’an dernier.

De grandes différences entre les producteurs

En Côte d’Ivoire et au Ghana, premiers producteurs mondiaux de cacao, les prix sont fixés par les autorités en octobre “sur la base des prix des mois précédents”, mais les récoltes “sont alors déjà largement pré-vendues”, explique Tancrède Voituriez, du Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD).

Cela réduit l’impact des fluctuations de prix, à la hausse comme à la baisse. Les petits producteurs, qui gagnent généralement à peine de quoi vivre, n’ont donc pas immédiatement profité de cette hausse.

En avril, les autorités ont néanmoins augmenté de 50% le prix de la récolte intermédiaire, entre 2.300 et 2.500 dollars la tonne payée au producteur.

Dans d’autres pays où le système est libéralisé, comme le Cameroun, le Nigeria, l’Équateur ou le Brésil, les producteurs en ont davantage profité, vendant leurs grains à des acheteurs prêts à se rapprocher des prix des marchés financiers.

Mais attention aux réactions négatives. “La flambée des prix a rendu cette production plus attractive”, explique à l’AFP David Gonzales, coordinateur de la Chambre péruvienne du café et du cacao. Au risque d’une offre excédentaire d’ici 3 à 5 ans, du temps pour de nouveaux arbres de pousser et d’une chute brutale des prix.

Les intermédiaires à l’affût

Les grands transformateurs qui broient les fèves en beurre, en liqueur ou en poudre (le Suisse Barry Callebaut, l’Américain Cargill, le Singapourien Olam) ont généralement négocié à l’avance une grande partie de leur approvisionnement. Mais certains contrats n’ont pas été honorés, les obligeant à trouver en urgence des fèves à des prix élevés, et parfois à ralentir leurs usines.

Barry Callebaut a indiqué début avril qu’il avait puisé plus que d’habitude dans sa trésorerie pour financer ses achats, mais qu’il disposait de suffisamment de cacao pour répondre à la demande.

D’autres petits intermédiaires pourraient avoir des difficultés à avancer les fonds nécessaires pour s’adapter au nouvel environnement.

“Les contrebandiers peuvent probablement se frotter les mains” en achetant légèrement au-dessus des prix fixés en Côte d’Ivoire et au Ghana et en revendant aux prix du marché au Togo, en Guinée, au Libéria ou en Sierra Leone, note Steve Wateridge, de Tropical Research Services.

Des fortunes diverses sur les marchés

Si les prix du cacao ont bondi, c’est parce que l’offre est inférieure à la demande pour la troisième année consécutive, selon l’Organisation internationale du cacao. Les fonds d’investissement ont senti le vent venir et ont parié sur une hausse des prix, engrangeant ainsi des bénéfices.

Mais à partir de janvier, les prix sont devenus très irréguliers, même pour les fonds spéculatifs, et beaucoup se sont retirés des marchés : le nombre de contrats négociés est passé de 334 000 mi-janvier à 146 000 en avril, explique Ole Hansen de Sax Bank. «On ne peut pas accuser les spéculateurs d’avoir artificiellement gonflé les prix», estime Steve Wateridge.

Les maisons de négoce et les chocolatiers, quant à eux, se protègent généralement des retournements de prix en pariant sur la tendance inverse des marchés financiers, en l’occurrence en pariant sur une baisse. Avec l’épidémie, certains ont dû déposer des fonds supplémentaires auprès de leurs banquiers pour couvrir leurs pertes potentielles. D’autres ont dû abandonner leurs paris, ce qui les oblige techniquement à racheter des contrats sur le marché, et fait mécaniquement monter les prix.

Les chocolatiers s’adaptent

Compte tenu du décalage entre l’achat des matières premières et la production, le coût des tablettes de chocolat et des biscuits actuellement en rayon n’aurait théoriquement pas dû monter en flèche pour les géants du secteur Mars, Mondelez, Nestlé, Hershey’s et Ferrero.

“Nous sommes largement couverts par nos prochains contrats pour le reste de l’année”, confirmait en avril le patron de Nestlé, Ulf Schneider.

Cela devrait évoluer au fil des mois. Pour ne pas rebuter les consommateurs déjà épuisés par l’inflation, les fabricants pourraient augmenter la proportion de noisettes ou en réduire les portions.

Même chez les chocolatiers, artisans et franchisés, la matière première ne représente qu’une petite partie du produit fini, sur lequel “il y a beaucoup de marge”, estime Sébastien Langlois, co-fondateur de la Société française du cacao. Son entreprise, qui vend des produits biologiques et équitables, n’a pas encore augmenté ses prix, assure-t-il.

 
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