le cœur de la technologie bat à Taiwan

le cœur de la technologie bat à Taiwan
le cœur de la technologie bat à Taiwan

De chaque édition du CES de Las Vegas, le plus grand salon technologique au monde, on ne retient souvent que des téléviseurs aux dimensions improbables, des concepts automobiles qui ne verront jamais le jour et des produits stars qui finissent dans les limbes technologiques. — cette année, c’était le très inutile Rabbit R1. Hormis les grandes entreprises historiques (Sony, Samsung, Intel et autres), l’essentiel des projets présentés au CES sont portés par des entreprises qui ont des talents et des idées, mais sans armature industrielle. Comprendre sans usines, ni pour l’assemblage ni pour la production de composants.

En revanche, Computex Taipei est un salon extrêmement terre-à-terre. Ici, nous n’annonçons pas un lapin connecté ou un bandeau qui génère des ondes alpha pour vous aider à réfléchir et à dormir. Les publicités concernent des PC, des clés USB, des superprocesseurs, des racks informatiques, des technologies de stockage, des équipements réseau. Des appareils en apparence moins ludiques, mais qui sont devenus au fil des années l’épine dorsale technique de nos vies numériques.

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A Taiwan, tous les patrons sont là

Jensen Huang, fondateur et PDG de Nvidia, lors de la conférence de presse de MediaTek au Computex 2024.

© Adrian Branco for Les Numériques

Un autre indicateur de l’importance du Computex par rapport au CES est le nombre de PDG qui se déplacent pour prendre la parole lors des conférences plénières. Outre les patrons des groupes informatiques locaux, comme Asus, Acer ou SuperMicro, le salon est le lieu où se donnent en chair et en os tous les patrons des entreprises de semi-conducteurs.

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Comme Pat Gelsinger d’Intel, le duo de cousins ​​ennemis que sont Jensen Huang de Nvidia et Lisa Su d’AMD qui jouent presque chez eux puisqu’ils sont nés sur l’île, ou encore Cristiano Amon de Qualcomm. Du patron d’ARM René Haas au patron de MediaTek (qui joue vraiment à domicile), tous les géants des puces sont aujourd’hui représentés par leurs patrons, ce qui n’était pas le cas il y a même avant la pandémie.

Pat Gelsinger, lors de la keynote du 4 juin 2024 au Computex de Taipei.

© Adrian Branco for Les Numériques

Et c’est sans même parler de l’envers du décor, où l’on sait que les pontes de Google, Meta et consorts viennent faire leurs emplettes pour remplir leurs datacenters de puces pour entraîner leur IA et garnir leurs racks de pétaoctets de disques durs pour stocker chats russes et vidéos de désinformation. Si les chefs sont (presque) tous là, c’est que les enjeux de visibilité, mais aussi commerciaux, sont colossaux. On le mesure à la capitalisation boursière de Nvidia, bien sûr, dont il faut rappeler que l’intégralité de sa production de puces est confiée à TSMC.

Un acteur produit l’ensemble de ses puces de pointe dans cette petite île d’un peu plus de 20 millions d’habitants, qui tient entre ses mains tous les champions technologiques du Top 50 des cotations boursières américaines. Outre Nvidia, il faut également ajouter Apple, AMD et Qualcomm aux rangs des clients visibles des semi-conducteurs. Il y a aussi Broadcom, mais aussi Microsoft, Alphabet, Meta, Amazon et Tesla qui font tous confiance à TSMC (et à Taiwan) pour produire leurs puces.

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Une petite île, un écosystème unique

Lors de sa conférence, le PDG de Nvidia, Jensen Huang, un Américain né à Taiwan, a salué et remercié l’écosystème technologique de Taiwan.

© Adrian Branco for Les Numériques

La star de Taiwan est sans aucun doute Jensen Huang, qui y jouit du statut de dieu vivant. Le fondateur et patron de Nvidia n’est pas seulement un homme du coin, qui fait des blagues en taïwanais lors de ses conférences et arpente les marchés nocturnes à la recherche de bonnes brochettes, mais il amène aussi avec lui tout un écosystème.

Si TSMC est évidemment le champion local puisqu’il tient entre ses mains – ou plutôt dans ses usines – le destin de la moitié de l’économie américaine, il ne faut pas oublier les acteurs majeurs comme MediaTek (puces mobiles) ou Supermicro (serveurs). Des entreprises taïwanaises clés dans leur secteur qui ont toutes invité M. Huang à leur keynote. Une manière de montrer que les acteurs de l’île forment ensemble un écosystème puissamment complexe.

La révolution de l’IA est alimentée par des puces non seulement produites à Taïwan, mais également assemblées dans ses systèmes à Taïwan (ici, des serveurs ASUS équipés de puces Nvidia).

© Adrian Branco for Les Numériques

Et c’est la réalité : les puces de Nvidia, fondée par un natif taïwanais, sont produites par le taïwanais TSMC et assemblées sur des cartes mères par le taïwanais Supermicro. L’écosystème local de la petite île offre une concentration de talents informatiques (conception et production de puces, conception de systèmes) unique au monde. Le fondateur de TSMC, Morris Chang, a même affirmé que c’est cette concentration et cette proximité des sous-traitants qui est le secret du succès de TSMC. Sa relocalisation partielle serait “impossible”.

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Et tout cela sans même évoquer les acteurs de l’ombre, qu’il s’agisse de Hon Hai Precision Industry, plus connu sous le nom de Foxconn et qui fabrique la majorité des produits Apple (mais dans ses usines des sociétés chinoises), ou des moins connus comme Compal Electronics. , Quanta Computer, Wistron ou Inventec. Ces ODM (Original Design Manufacturers) conçoivent et produisent en partie la plupart des PC de marques connues.

Découplage économique presque impossible

La révolution des voitures électriques et autonomes aura besoin de puces produites à Taiwan.

© Adrian Branco for Les Numériques

Ces dernières années, Apple a progressivement réduit sa dépendance vis-à-vis des usines chinoises. Dans le contexte d’une production unique du géant, un découplage partiel pourrait encore prendre une décennie. Mais pour d’autres entreprises, quitter la Chine est désormais possible avec des alternatives comme le Vietnam ou la Malaisie. Ce découplage industriel, possible en termes d’assemblage de produits, semble quasiment impossible en termes de puces taïwanaises.

Pour cet industriel européen (qui préfère garder l’anonymat) qui exposait au pavillon INNOVEX au Computex, une section dédiée aux startups, « si on pouvait se passer des usines chinoises avec le développement de l’Inde, du Vietnam et d’autres pays asiatiques (du Sud-Est, ndlr), Je ne vois pas comment nous pourrions nous passer de Taiwan pour la production de puces. Leur avance technique, mais aussi leur capacité de production est inégalée au monde ».

Loin d’être un accident de l’histoire, cet état de fait relève d’une volonté politique. Au-delà des réussites économiques et technologiques, les acteurs taïwanais de l’informatique et des semi-conducteurs du petit pays s’inscrivent dans une… stratégie de protection.

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Du Silicon Shield au Silicon Bunker ?

Modules DRAM exposés au COMPUTEX 2024.

© Adrian Branco for Les Numériques

Théorisée par le journaliste Craig Addison en 2001 dans le livre du même nom, la stratégie Silicon Shield affirmait qu’en se rendant indispensable à la production de puces, Taïwan bénéficie de la protection des USA. Ce dernier a été leader dans les transformateurs jusque dans les années 1990, avant le passage à des modèles économiques fabless (sans usines) qui ont transféré la partie industrielle aux sous-traitants. Un modèle qui a montré ses limites durant la pandémie et que les projets de fonderie d’Intel (IFS 2.0) et du gouvernement américain (CHIP Act) tentent d’inverser.

Mais au-delà du fait que les sommes (52 milliards de dollars) dépensées par le gouvernement américain semblent n’être qu’une goutte d’eau dans l’océan comparées au coût des usines modernes (jusqu’à 30 milliards de dollars pour un gigafab ultramoderne), la réalité c’est que même si Intel mène à bien tous ses projets d’usines, la demande actuelle fait déjà exploser les capacités de production existantes. Retirez Taïwan de l’équation suite, par exemple, à une attaque étrangère, et toutes les bourses de la planète s’effondrent en quelques heures. Car Taiwan n’est pas seulement une production de produits de pointe, c’est aussi et surtout une production en volumes énormes.

La Chine menace, mais…

Couverture de l’hebdomadaire économique britannique L’économiste vous êtes le 1er mai 2021.

© L’économiste

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Décrit comme l’endroit le plus dangereux au monde par le (mais sérieux) magazine économique britannique L’économiste en 2021, la République de Chine (ROC, Republic of China, nom officiel de Taiwan) reste pour l’heure un havre de paix. Une paix fragile : plus que tout autre dirigeant chinois dans le passé, le président Xi Jinping durcit de mois en mois son discours à l’égard de Taïwan. Depuis les années 1940, la Chine continentale revendique la souveraineté sur une île qui n’a jamais été administrée par l’Empire du Milieu. Et continue de violer l’espace aérien de l’île, de s’isoler politiquement et de montrer ses muscles au sein des institutions internationales pour bannir les citoyens taïwanais des pays.

On pourrait céder aux analystes géopolitiques, stratégiques et militaires sur les différents scénarios de conquête de l’île que met en place la Chine. On pourrait admettre que la Chine pourrait – ou ne pourrait pas – atteindre ses objectifs militairement. Mais sans faire de pronostic, même à la lumière d’une potentielle réélection du très instable républicain conservateur Donald Trump à la présidence des États-Unis en novembre prochain, la plupart de ces scénarios contradictoires doivent néanmoins être soumis à la réalité. C’est que la dépendance des titans américains à l’égard de l’appareil de production taïwanais est (presque) totale. Un scénario de laissez-faire américain semble donc totalement improbable.

Car si les cerveaux de la technologie et de l’IA bouillonnent dans la Silicon Valley, le cœur en silicium des machines de notre monde numérique est forgé à Taiwan. Des forges uniques. Et surveillé de près…

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