Le grand blitz
Avec son documentaire opulent Ville occupée (durée 4h26), Steve McQueen a dressé un fascinant portrait de la ville d’Amsterdam tout en créant un parallèle hypnotique entre deux générations : d’une part, celle qui a subi l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale et, d’autre part, celle qui a subi l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. , celle ayant été touchée par la pandémie de Covid-19. Devant Blitz, même si ce n’est sûrement pas intentionnel – le tournage du film a terminé fin 2022 –, difficile de ne pas faire un parallèle entre ce Londres des années 40 et la Gaza contemporaine.
Blitz se déroule en septembre 1940 à Londres, période durant laquelle la capitale britannique tentait de survivre chaque nuit aux assauts des bombes nazies et où 1,25 million de personnes furent évacuées. Il suit donc une jeune maman, Rita (interprétée par la délicate et déterminée Saoirse Ronan), et son fils métis George (le premier rôle du jeune Elliot Heffernan). Pour le protéger de la guerre, elle l’envoie en sécurité à la campagne via un programme gouvernemental, mais le garçon n’est pas d’accord. Sautant du train l’éloignant du chaos, il va tout faire pour rejoindre Londres et retrouver sa mère.
Dans an adventure à la Charles Dickens, even Spielbergian (Empire du Soleil en ligne de mire), George découvre tout un univers dans une histoire d’apprentissage tumultueuse (évoquant aussi Pinocchio). Qu’il croise l’officier noir Ife (sorte de figure paternelle de substitution), d’horribles voyous (Stephen Graham terrifiant en pilleur opportuniste) ou de simples Londoniens oscillant entre racisme ordinaire et bienveillance inattendue, un long voyage commence. en place avec ce gamin d’à peine 8 ans.
Dans un geste romantique, Steve McQueen le confronte peu à peu aux mensonges des adultesà la cruauté du monde qui l’entoure et enfin à une triste vérité, où son innocence d’enfant sera impuissante face à l’horreur de la réalité. Et le film prend encore plus de force lors de la poussée chaotique qui touche Londres, lorsque George est véritablement entraîné dans une guerre insoluble dont il est une victime collatérale.
La veuve et l’enfant
Blitz Il ne faut cependant pas éviter certains écueils. En se concentrant énormément sur le parcours du jeune garçon, le film flotte par moment avec la sentimentalité des contes et certains apartés (tout ce qui tourne autour des tensions raciales) sont trop fabriqués pour s’ancrer naturellement dans l’histoire (le flashback sur Marcus, le père de George). De plus, le montage alterné entre l’épopée de George et le quotidien chargé de sa mère travaillant à l’usine pour participer à l’effort de guerre est un choix particulièrement étrange.
En 1h30 (sur les 2h du film), George vit de multiples aventures en quelques heures quand Rita semble figée depuis plusieurs jours. Leurs temporalités semblent incompatibles à l’écran et pourtant, ils vivent bien des histoires contiguës, sur le point de se confondre, lors du véritable basculement du dernier tiers. Tout ne s’assemble donc pas complètement dans Blitzdu moins au début, et l’histoire échoue parfois sur le plan narratif (qu’en est-il de l’intérêt du personnage de Harris Dickinson ?).
Steve McQueen déploie heureusement toute l’ampleur de sa mise en scène pour sublimer l’ensemble.notamment en reconstituant le Londres bombardé des années 1940. Il filme la dure bataille des pompiers pour éteindre un immeuble en feu, l’inondation angoissante d’une bouche de métro (non sans rappeler la beauté des scènes de naufrage du Titanesque de James Cameron), la chute stridente des bombes dans la Tamise (le travail sonore est fou) ou filme l’étendue des dégâts dans une magnifique prise de vue aérienne, le Britannique offre un spectacle visuel absolu.
C’est d’autant plus frappant qu’il parvient à créer des jonctions inattendues, à l’image de cet intermède festif déconcertant se transformant soudain en un spectacle macabre extrêmement évocateur. Ce mélange entre abstraction poétique, fresque socio-politique et parcours initiatique démontre toute l’ambition de Steve McQueen, mais aussi les limites de son Blitz.
Il est tellement tiraillé entre plusieurs identités, à la recherche d’un idéal intouchable (un peu à l’image de son jeune héros) entre son classicisme structurel et son imagerie plus authentique, qu’il en oublie de nous faire chavirer avant son grand final (sauf la scène d’adieu sur le former). Car même si le dernier plan est bouleversant et que Steve McQueen fait preuve d’un humanisme extrême, Blitz émeut presque plus pour sa maîtrise technique que pour son mélodrame pour enfants.
Blitz est disponible sur Apple TV+ en France depuis le 22 novembre 2024