Les naufragés du monde d’hier

Les naufragés du monde d’hier
Les naufragés du monde d’hier

Sortant de leurs cercueils ou de leurs EPAD dorés, de très vieilles créatures sont venues nous parler. Ils s’appellent Anne Sinclair, Laure Adler, Lionel Jospin… D’ici le 7 juillet, d’autres, semblables, viendront nous raconter la même histoire. Celui du mal qui vient. De la nuit à venir. De l’inconnu rempli d’horreurs sans nom.

La main sur le cœur, l’âme tremblante et le pathétique aux lèvres, ils annonceront et dénonceront la possible fin du monde. Ou plutôt la fin d’un monde. De leur monde. La fin du règne de leurs vertus. Le renversement de leurs valeurs. Et l’arrivée d’autres catastrophes grandioses.

Comme il se doit, ces prêches se termineront par un appel aux justes et courageux adjurés de préserver l’avenir de l’Homme, c’est-à-dire le leur. Il nous est demandé de ne pas sourire et de nous incliner devant l’amour immodéré que ces vieilles figures portent à l’humanité.

À l’humanité, donc à elle-même, puisqu’elle prétend être le paradigme achevé. De telles histoires sont touchantes. Hélas, ils sont aussi vieux que l’Histoire elle-même. Aussi vieilles que les paniques morales qui s’emparaient des habitants du monde d’hier, d’avant-hier… abasourdis par la perception de leur impensable disparition.

La fin de leur règne leur inflige de nombreuses blessures

On imagine le désarroi qui les saisit face à ce qu’ils pressentent être leur fin. Et on comprend alors qu’avant de nous parler du mal qui s’annonce, ces fantômes émotionnels nous parlent d’abord de leur monde décédé. De ce monde cela était, donc de ce qu’ils étaient. De ce qu’ils étaient et ne sont plus : des figures de domination guidant le peuple vers l’émancipation en lui imposant coutumes, pensées, morales et goûts.

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La fin de leur règne leur inflige de nombreuses blessures. Les réduit au déclassement. Les condamne à des absurdités. Mais surtout, à la pire dissonance cognitive : s’ils étaient la doxa d’hier, ils sont donc responsables de celle d’aujourd’hui qu’ils dénoncent. Ils sont donc la cause chérie des effets qu’ils déplorent.

Dépourvus d’outils conceptuels leur permettant de réfléchir à cette aberration, ils chancellent, impuissants dans la nuit du nouveau monde. On ne sait pas à quoi pensaient ces braves gens lorsqu’ils déclamaient « Effacons l’ardoise du passé » ou « Un passé dépassé ». En revanche, on sait à quoi ils n’ont pas pensé : que leur tour viendrait. Qu’en voulant abolir toute continuité historique, eux aussi se sont condamnés à aboutir à « la poubelle de l’histoire.

Désormais incapable d’effectuer le moindre ” réinitialiser “, Ces bipèdes éprouvés sont devenus semblables aux réactionnaires qu’ils décriaient autrefois. Comme eux, ils maudissent le présent et n’ont pour avenir que le passé. Comme eux, ils idolâtrent l’hier dont ils ne sont que les vestiges et vantent leur passé pour conjurer le pire.

 
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