Le RN est-il victime du « système » ? – Pivoter

Le RN est-il victime du « système » ? – Pivoter
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Capture d’écran de l’émission Face à Bock-Côté sur CNews | Support pivotant

Dans le premier éditorial de son émission Facing Bock-Côtédiffusée samedi dernier sur la chaîne française CNews, la chroniqueuse a évoqué la volonté du « système » de « décapiter l’opposition » en poursuivant Marine Le Pen et plusieurs autres membres de son parti pour détournement de fonds publics. Ce faisant, il retrace une histoire de « diabolisation » du Front national, mais il omet certains aspects de l’histoire du parti d’extrême droite.

Mathieu Bock-Côté commence son histoire de ce qu’il décrit comme une tentative d’exclure le « camp national » de la vie politique française par une phrase en apparence anodine, mais qui en dit long.

« Revenons à l’émergence, pas la créationmais l’émergence du FN [Front National, devenu le Rassemblement National] au début des années 1980 », a-t-il déclaré.

Pourquoi distinguer « l’émergence » de la « création » du FN ?

Une explication possible est que cela nous permet de ne pas mentionner que le Front National a été fondé, en 1972, à l’initiative d’un petit groupe fasciste, Ordre Nouvel, qui cherchait à redorer son image et à participer aux élections.

Parmi les membres fondateurs, on retrouve Jean-Marie Le Pen, père de Marine. On retrouve également des néo-nazis comme François Duprat et d’anciens soldats de la Waffen-SS – la branche militaire du parti national-socialiste d’Adolf Hitler – comme Pierre Bousquet et Léon Gaultier. Ces deux derniers étaient membres de la division Charlemagne, une unité composée principalement de volontaires français enrôlés pour combattre aux côtés d’Hitler.

A l’origine du FN, on retrouve aussi des nostalgiques du colonialisme français, comme Roger Holeign, ancien membre de l’Organisation de l’armée secrète (OEA), une organisation terroriste qui milite contre l’indépendance de l’Algérie.

Jean-Marie Le Pen prend les commandes du parti un an plus tard. Le groupe Ordre Nouvel, dissous par le gouvernement en 1973, fut chassé et ses dirigeants fondèrent un autre parti appelé Parti des Forces Nouvelles.

Les premiers véritables succès électoraux du Front national surviennent lors des élections européennes de 1984. Le parti obtient alors près de 11 % des voix. Le FN est entré à l’Assemblée nationale en 1986 en élisant 35 députés.

En 2002, Jean-Marie Le Pen atteint le second tour de l’élection présidentielle. Il n’a cependant obtenu que 18 % des voix, un front s’étant constitué pour faire barrage à l’extrême droite.

Cette distinction entre la création et les succès électoraux du Front National permet alors à Mathieu Bock-Côté d’affirmer que « la diabolisation commence à partir de ce moment », c’est-à-dire dès l’émergence électorale du parti dans les années 1980. « La diabolisation du FN est antérieure aux déclarations et aux excès historiques de Jean-Marie Le Pen. La diabolisation du FN est antérieure aux mots que nous avons utilisés pour justifier sa diabolisation », insiste Bock-Côté.

Ces fameux propos « scandaleux » ont été tenus en 1987, à la télévision française. Jean-Marie Le Pen a été interrogé sur les thèses de deux négationnistes réfutant l’existence de chambres à gaz dans les camps de concentration nazis. Il a répondu qu’il n’avait pas étudié la question et qu’il s’agissait « d’un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Cette déclaration désinvolte sur les horreurs de l’Holocauste l’a suivi pendant longtemps.

« Décapitation de l’opposition » ou fin d’un stratagème frauduleux ?

Pour Mathieu Bock-Côté, les problèmes juridiques actuels du parti désormais rebaptisé Rassemblement National s’inscrivent dans la continuité de cet effort de « diabolisation ».

« Nous devons décapiter l’opposition, nous devons détruire son chef, nous devons ruiner le parti. De quelle manière ? En manipulant, en réinterprétant les règles du Parlement européen pour évacuer une fois pour toutes la figure principale, Marine Le Pen”, analyse l’éditorialiste.

Le Rassemblement national et sa leader Marine Le Pen sont dans une situation délicate. Après neuf ans d’enquête, un procès s’ouvre en septembre 2024. Marine Le Pen est accusée d’être au « centre » d’un « système organisé » de détournement de fonds publics. Selon le procès, le parti a utilisé un programme d’emploi fictif pour se financer sur le budget du Parlement européen.

Le procès devrait se dérouler jusqu’au 27 novembre et une décision est attendue début 2025.

La saga a commencé en 2014 lorsque le Parlement européen a reçu un courrier électronique anonyme dénonçant de prétendus emplois fictifs et de « possibles fraudes ». L’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ouvre une enquête et constate que la chef de cabinet de Marine Le Pen n’a passé que douze heures au Parlement européen au cours des dix mois où elle était censée être assistante parlementaire. Le travail d’assistant parlementaire du garde du corps de Marine Le Pen a également été qualifié de fictif. Or, ces emplois sont financés avec des fonds publics de l’Union européenne.

Cette histoire s’est développée au fil des années. L’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales mène une enquête et procède à des perquisitions à la comptabilité du parti et au siège du FN.

Ce sont actuellement 27 dirigeants et salariés du Rassemblement national qui sont mis en examen. Marine Le Pen est accusée de détournement de fonds publics. Le parti d’extrême droite est accusé d’utiliser le Parlement européen comme une vache à lait pour financer ses activités politiques, ce qui est illégal.

Le parquet estime qu’entre 2004 et 2016, 6,8 millions d’euros (10,1 millions de dollars) ont été détournés grâce à ce système d’emploi fictif.

Mathieu Bock-Côté accuse le Parlement européen de « réinterpréter les règles ». Marine Le Pen affirme également qu’elle n’a rien fait d’illégal et que les assistants parlementaires ont le droit de faire campagne dans leur parti.

Les règles régissant le travail de ces assistants datent de 2004. Les assistants parlementaires doivent aider les députés européens à accomplir leur travail, mais ne peuvent pas participer aux activités politiques nationales des partis. Les règles ont été durcies en 2009 pour préciser que « seuls les frais correspondant à l’assistance nécessaire et directement liée à l’exercice du mandat parlementaire des députés doivent être pris en charge ».

La semaine dernière, le parquet a annoncé qu’il réclamait cinq ans de prison, dont deux peines de prison, et cinq ans d’inéligibilité à l’encontre de Marine Le Pen. Il ajoute également que cette inéligibilité doit être appliquée immédiatement, et non au terme d’éventuels recours. Cela signifie que Marine Le Pen ne pourrait pas se présenter aux prochaines élections présidentielles de 2027.

Marine Le Pen se défend en affirmant qu’il s’agit d’un procès politique visant à nier son pouvoir. L’hôte de Facing Bock-CôtéEliot Deval et le chroniqueur québécois utilisent les termes de Le Pen lorsqu’ils parlent de « tuerie politique ».

Mathieu Bock-Côté se dit inquiet de la supériorité du droit sur le pouvoir politique, thème commun de l’extrême droite française, qui estime que la justice ainsi que le respect des lois, voire de la constitution, entravent la volonté populaire. Bock-Côté juge que « l’arme offensive de l’oligarchie, c’est l’Etat de droit », affirmant que cette oligarchie « va vous détruire politiquement au nom de l’Etat de droit – et puis on redistribue les places délivrées de l’adversaire qui a été monter trop longtemps.

« L’autre scénario, évidemment, est une révolte populaire. […] Il ne faut jamais sous-estimer que le peuple, en étant piétiné, peut se révolter », poursuit Bock-Côté.

 
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