(Kiev) Le réseau énergétique ukrainien, déjà très fragile, a fait face dimanche à l’une des attaques russes les plus importantes de ces derniers mois, des frappes faisant 10 morts et une vingtaine de blessés à travers le pays, selon les autorités.
Publié à 7h49
Mis à jour à 10h00
Stanislav DOSHCHITSYN et Sergii VOLSKYI
Agence France-Presse
Ces frappes interviennent au moment où l’Ukraine, en difficulté sur le front, craint de perdre le soutien américain avec le retour imminent de Donald Trump à la Maison Blanche.
Ils arrivent également deux jours après un appel entre le chancelier allemand Olaf Scholz et le président russe Vladimir Poutine, une reprise de contact jugée dangereuse par Kiev.
« Une attaque combinée massive a visé toutes les régions de l’Ukraine » et ciblé « nos infrastructures énergétiques », a déclaré le président Volodymyr Zelensky, faisant état de 120 missiles et 90 drones lancés.
Ce fut une « nuit d’enfer », a déclaré le porte-parole de l’armée de l’air ukrainienne, Yurii Ignat, selon lequel les défenses anti-aériennes ont abattu 144 de ces cibles.
Le ministre des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, a dénoncé « l’une des plus grandes attaques aériennes » lancées par la Russie.
Le ministère russe de la Défense a de son côté affirmé avoir touché « toutes » ses cibles lors d’une attaque massive contre des « infrastructures énergétiques essentielles ».
Moscou, en multipliant ses attaques de drones et de missiles, a déjà détruit la moitié de la capacité énergétique de l’Ukraine, selon Kiev.
L’opérateur énergétique ukrainien DTEK a déclaré dimanche que certaines de ses centrales thermiques avaient été « gravement endommagées ».
Des pannes de courant ont touché la région de Kiev ainsi que plusieurs régions de l’ouest, du sud et de l’est, comme Odessa et Dnipropetrovsk.
Le courant commençait à être rétabli à midi dans certaines régions, selon le DTEK.
Il s’agit de la dixième attaque majeure contre le réseau énergétique ukrainien depuis le début de l’année, selon l’opérateur Ukrenergo.
avions polonais
Au total, le bilan humain de la nuit et du jour atteint dix morts et une vingtaine de blessés, selon les autorités ukrainiennes.
Parmi eux, deux employés des chemins de fer d’Ukrzaliznytsia ont été tués et trois blessés lors du bombardement d’un dépôt à Nikopol (Sud), a annoncé la compagnie publique.
Une femme a été tuée et deux personnes ont été blessées par une attaque de missile dans la région de Lviv (Ouest), plus rarement ciblée, a indiqué le chef de l’administration militaire, Maksym Kozytsky.
Dans le sud, deux employés d’Ukrenergo ont été tués dans la région d’Odessa, a annoncé l’opérateur DTEK.
L’un d’eux avait servi dans l’armée ukrainienne au début de l’invasion, avant d’être démobilisé au printemps 2023 et de reprendre son métier d’électricien, selon la même Source.
Deux personnes ont été tuées à Kherson et deux autres à Mykolaïv, dans d’autres villes du sud, selon les autorités locales.
Plusieurs personnes ont également été blessées lors d’attaques distinctes à Kiev, Dnipro (est) et dans les régions de Poltava (centre), Zaporizhia et Kherson (sud).
Des missiles et drones russes ont même atteint la Transcarpatie, une région très rarement ciblée de l’extrême ouest du pays, éloignée du front et frontalière de la Pologne et de la Hongrie.
L’armée polonaise a annoncé dimanche avoir fait décoller des avions de combat et mobilisé des forces pour défendre son territoire, une procédure habituelle en cas de danger à proximité de ses frontières.
Du côté russe, une journaliste locale, Ioulia Kouznetsova, a été tuée par une attaque de drone ukrainien dans la région de Koursk, selon le gouverneur Alexeï Smirnov.
Cette région a été attaquée début août par l’armée ukrainienne, qui en contrôle encore une petite partie.
Un civil a été tué par un drone ukrainien dans la région russe de Belgorod, également frontalière avec l’Ukraine, selon son gouverneur Viatcheslav Gladkov.
La « réponse » de Poutine
Kiev exhorte ses partenaires occidentaux à l’aider à reconstruire son réseau électrique et à lui fournir davantage d’équipements et d’armes de défense aérienne.
Mais la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine relance le débat sur d’éventuelles négociations, et Kiev craint d’être contrainte à des concessions.
L’Ukraine s’est agacée vendredi d’un appel téléphonique entre Olaf Scholz et Vladimir Poutine, le premier depuis décembre 2022, le président Zelensky accusant la chancelière allemande d’avoir ouvert « la boîte de Pandore ».
Ce dernier a réaffirmé dimanche son soutien à l’Ukraine et assuré qu'”aucune décision” ne serait prise sans elle.
Le ministre ukrainien Andriï Sybiga a estimé que les attentats de dimanche constituaient la « véritable réponse » du président russe Vladimir Poutine aux dirigeants qui l’avaient « appelé ou rendu visite » ces derniers temps.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré que les frappes prouvaient qu’aucun appel téléphonique ne pouvait « remplacer un réel soutien de l’ensemble de l’Occident ».
Volodymyr Zelensky, qui a longtemps écarté l’idée de pourparlers, a déclaré samedi vouloir parvenir à mettre un terme à la guerre dans son pays en 2025 par des « moyens diplomatiques ».
Les positions russe et ukrainienne restent néanmoins opposées : Kiev exclut la cession des territoires occupés par l’armée russe, tandis que Moscou la pose comme condition.