Pourquoi l’autonomie de la Corse est plus incertaine que jamais

Pourquoi l’autonomie de la Corse est plus incertaine que jamais
Pourquoi l’autonomie de la Corse est plus incertaine que jamais

” A Revirement moins improbable, il semble que, cette fois, la messe soit dite. » Cette teneur du nationalisme corse ne cache pas son amertume. Si la dissolution surprise de l’Assemblée nationale a été un électrochoc sur la scène politique de la France entière, elle a eu l’effet d’un coup de massue sur l’île.

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Ce retour soudain aux urnes et l’issue très incertaine qu’il laisse présager dans la réorganisation du rapport de force au Palais-Bourbon comme dans un futur gouvernement donnent des sueurs froides aux partisans d’une Corse autonome.

“Nous remettons les compteurs à zéro, et rien n’indique que le processus va redémarrer”, s’inquiète Michel Castellani, député autonomiste de la Haute-Corse. Une chose est sûre : pour l’instant, la dissolution marque un coup d’arrêt sérieux à la réforme constitutionnelle promise par Emmanuel Macron à la tribune de l’Assemblée de Corse, en septembre 2023 : un statut d’autonomie accompagné d’un pouvoir normatif pour inclure la singularité de l’Etat. île dans la loi fondamentale.

Dans le camp de Gilles Simeoni, le chef de l’exécutif nationaliste, l’incertitude est plus que jamais de mise. Le patron de la communauté corse le sait : il a investi beaucoup de crédit politique dans ces négociations et sans doute une lourde part de légitimité, y compris au vu de son bilan controversé à la tête de la région.

Un vote massif pour le RN

Du côté du gouvernement, on a surtout observé un autre phénomène : si, dimanche 9 juin, le Rassemblement national de Jordan Bardella triomphait aux élections européennes avec plus de 31 % des voix – soit deux fois plus que la liste macroniste de Valérie Hayer (14 , 6%) – en Corse, la tendance a été encore plus marquée. Avec dix points de plus que la moyenne nationale, le parti de Marine Le Pen écrase la concurrence. Loin, très loin devant la liste soutenue par Emmanuel Macron (13,2%), sur fond de forte abstention, à 57%.

Ce vote massif pour le RN pourrait faire pencher la balance vers un abandon du projet. D’abord parce que le parti à la flamme a affiché ouvertement son hostilité à l’idée d’un statut autonome pour l’île. Dans les colonnes de Corse-Matinle 5 juin, Jordan Bardella craignait que cette réforme constitutionnelle ne constitue en réalité le « marchepied vers l’indépendance ».

Sa formule ne laisse aucun doute quant à la position de son parti sur ce projet : « L’autonomie qui est défendue par un certain nombre de mouvements politiques et nationalistes se traduira par la fin des garanties sociales, notamment en matière de santé, d’éducation, alors que la Corse est l’une des régions les plus pauvres de notre pays avec 75 000 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. »

Au gouvernement, on a aussi été attentif au silence assourdissant de Gilles Simeoni. Le manque de positionnement du leader de la majorité nationaliste, qui s’est bien gardé d’afficher officiellement son soutien au candidat soutenu de toutes ses forces par le camp présidentiel aux élections européennes, a fait tousser. A fortiori, car, au sommet de l’État, on voyait en ce leader autonomiste un « allié » pour maintenir les équilibres précaires et endiguer le durcissement du mouvement indépendantiste.

« Le gouvernement a fait sa part, en menant avec succès ces négociations de développement institutionnel », estime un député macroniste, qui a accès au Château. Il y a eu une dizaine de rencontres avec des élus corses, et encore davantage de face-à-face entre le président Simeoni et Gérald Darmanin. Ce manque de positionnement aux européennes est assez difficile à comprendre. »

« Il va falloir apporter des solutions à la Corse »

Après six années de relations contrastées entre l’exécutif local et Paris, l’ouverture, en mars 2022, de cette « discussion historique », censée déboucher sur l’autonomie, a marqué un tournant. Sur fond d’embrasement sur l’île, après l’attentat mortel contre l’indépendantiste Yvan Colonna par un codétenu jihadiste à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône), le ministre de l’Intérieur, dépêché en urgence par l’Élysée, avait résolu d’ouvrir “au nom de l’Etat” ces négociations délicates. Une concession inédite adressée aux nationalistes, tout comme le rapprochement sur l’île, un mois plus tard, des deux membres encore vivants du « commando d’Erignac » qui a commis l’assassinat du préfet en 1998.

Cette attitude était en rupture avec la fermeté adoptée par Emmanuel Macron qui, après avoir promis aux autonomistes un « pacte girondin » lors de sa campagne présidentielle en 2016, avait rejeté la plupart des revendications nationalistes. Depuis, la rue corse a obligé les deux partis à trouver une sorte de compromis. modus vivendi. Mais les négociations ont été lentes.

De reports en retards, sur fond de reprise des attaques clandestines et de désaccords, élus et gouvernement ont mis deux ans pour s’entendre sur un « projet de constitution », en mars dernier. Un texte audacieux, sans doute le plus ambitieux depuis la première loi de décentralisation de 1982, qui prévoit à la Collectivité territoriale de Corse « un pouvoir normatif dans les matières dans lesquelles s’exercent ses compétences ».

Ce projet avait cependant peu de chance de passer au Parlement, la droite sénatoriale, majoritaire au Palais du Luxembourg, étant clairement hostile à l’idée d’un pouvoir législatif dévolu à l’île. Pour la mener à bien, Emmanuel Macron devait soumettre cette proposition aux deux chambres, et recueillir un vote favorable dans les mêmes termes, avant de recevoir l’approbation définitive des trois cinquièmes du Parlement, réunis en Congrès.

Autant dire qu’une éventuelle majorité RN à l’Assemblée nationale pourrait enterrer définitivement cette démarche. « On ne peut pas préjuger du gouvernement qui sortira de ces élections législatives », estime Michel Castellani. Il faudra cependant apporter des solutions à la Corse, sur le plan économique, social et culturel. Si je suis réélu, je continuerai bien sûr à défendre cette voie, même si elle est étroite. » Sans doute plus que jamais.

 
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