L’élection de Donald Trump à la Maison Blanche fait débat partout. Avec des interrogations chez de nombreux alliés des Etats-Unis : en Europe mais aussi en Asie-Pacifique, en raison du caractère et de la vision jugée isolationniste, transactionnelle, voire mercantile, du nouvel élu.
Le retour de Donald Trump suscite diverses réactions dans la région Asie-Pacifique. Anthony Albanese, le Premier ministre australien, se dit confiant dans le maintien de l’alliance AUKUS qui unit Canberra à Londres et Washington. Il est vrai que cette alliance militaire s’accompagne d’un important contrat d’armement, dont les États-Unis sont l’un des plus gros fournisseurs. Car tout comme en matière de relations économiques, le 47e président américain, considéré comme isolationniste, aurait pour le moins une vision très transactionnelle des alliances.
Comme dans le cas de l’OTAN et de l’Europe, dans ce cas également, le parapluie américain ne serait pas libre dans la région. Paul Nadeau, professeur adjoint d’affaires internationales et de sciences politiques au campus japonais de l’Université Temple à Tokyo, met en garde : «Cela ne signifie pas nécessairement qu’il abandonnera les alliés de l’Amérique en Asie. Mais il en voudra encore [ndlr : de la part des partenaires en matière de financement militaire] et voudra bousculer la situation dans l’espoir d’obtenir de nouvelles concessions… Il ne s’agira pas d’un cadre multilatéral, comme celui de l’administration Biden et de l’administration Harris. Il s’agira d’une série de conversations en tête-à-tête avec différents pays partenaires : « Que pouvez-vous faire pour nous ? » Voyez ce que nous faisons déjà pour vous. Payez ou nous partons. Et je pense que c’est ce principe fondamental qui guidera ses relations, que ce soit en Ukraine, à Taiwan ou en Chine – à vous de choisir. »
Taïwan, à qui Donald Trump a demandé de payer davantage pour sa protection par les États-Unis contre la Chine. Sur le terrain, certains experts se veulent optimistes mais réalistes, à l’image de George Yin, professeur à l’université nationale Chengchi : « Par rapport à la Chine, la puissance américaine est relativement en déclin. Je ne dis pas que les États-Unis ne sont pas une superpuissance, mais la Chine devient de plus en plus puissante. Par conséquent, à travers cet aspect de la compétition de puissance, la compétition entre les États-Unis et la Chine ne porte pas sur les valeurs démocratiques. Ce sera plutôt une compétition pour le pouvoir. Pour remporter la compétition, Taiwan devra gagner. Par conséquent, ils réduiront leur soutien à l’Ukraine et apporteront leur soutien à Taïwan. Mais d’un autre côté, ils calculent aussi pour Taiwan. Si Taiwan leur est très précieux, ils le soutiendront encore plus. Mais si, après calculs, la valeur de Taiwan n’était pas aussi attractive, ils ajusteraient leur soutien à Taiwan.»
Taïwan parie sur la poursuite du conflit commercial entre Pékin et Washington. Avec un Trump agacé qui veut taxer davantage les importations en provenance de l’Empire du Milieu.
Certains craignent cependant que l’île paie le prix d’un accord économique entre les deux grandes puissances.
L’Empire du Milieu semble plutôt garder un œil sur le 47e président américain, selon les mots de Shu Jueting, porte-parole du ministère chinois du Commerce : « La Chine est prête à renforcer la communication, à élargir la coopération et à résoudre les différends avec les États-Unis, sur la base des principes de respect mutuel, de coexistence pacifique et de coopération gagnant-gagnant. Nous espérons promouvoir le développement stable, sain et durable des relations économiques et commerciales entre la Chine et les États-Unis, au bénéfice des deux pays et du monde. »
En attendant et plus généralement, le protectionnisme de Donald Trump inquiète un peu partout dans la zone Asie-Pacifique, y compris au Japon qui entretient des liens étroits avec les États-Unis. Seita Hakoda, étudiante sur le campus japonais de l’université Temple, ne cache pas son inquiétude : «Trump a déclaré qu’il imposerait des droits de douane très élevés sur les produits en provenance de pays étrangers et sur les importations. Je pense donc que les industries japonaises axées sur l’exportation seront probablement confrontées à une situation très difficile. »
Les orientations politiques de Donald Trump ne sont pas les seules en cause. Outre son isolationnisme, son mercantilisme, les observateurs et responsables des pays de la région Asie-Pacifique craignent son caractère colérique. Paul Nadeau revient ainsi sur la question très délicate de Taiwan : « Ce qui me rend nerveux à propos de Trump dans le détroit de Taiwan, c’est sa tendance à l’imprévisibilité, sa tendance à être une sorte d’acteur chaotique dans une situation délicatement équilibrée, ce qui nécessite une lecture approfondie des signaux très subtils entre Taiwan et les États-Unis. États-Unis et Chine… Il s’agit d’une forme de communication très subtile entre les parties impliquées. Et je ne sais pas si Donald Trump peut comprendre le dialogue qui a lieu. Et s’il voulait avoir un dialogue totalement différent, je pense que cela pourrait avoir des conséquences vraiment désastreuses. »
Bref, la peur d’un Trump imprévisible, voire volatile ou irrationnel, qui pourrait se comporter comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. Les 4 prochaines années s’annoncent donc, pour l’instant, marquées par de grandes incertitudes dans la zone Asie-Pacifique. Comme ailleurs dans le monde…