Les petits producteurs protégés des prix négatifs

Les petits producteurs protégés des prix négatifs
Les petits producteurs protégés des prix négatifs

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Conséquence du vote sur l’approvisionnement en électricité : la reprise du courant injecté dans le réseau sera remodelée. Mais le prix ne sera jamais négatif, contrairement à ce que Groupe E a suggéré par erreur aux entreprises.

Le prix de reprise, sauf accord, sera trimestriel, national et garanti positif ou nul, grâce à des minima encore indicatifs. © Alain Wicht

Le prix de reprise, sauf accord, sera trimestriel, national et garanti positif ou nul, grâce à des minima encore indicatifs. © Alain Wicht

Publié le 16/06/2024

Temps de lecture estimé : 5 minutes

Un salarié d’une entreprise fribourgeoise a failli échouer lorsqu’il a reçu cette semaine un courrier du Groupe E. L’énergéticien a prévenu l’entreprise qui a investi plus d’un million de francs dans son installation solaire. Le message : les tarifs de reprise de l’électricité injectée dans le réseau vont évoluer, à la suite du vote du 9 juin sur l’approvisionnement en électricité. Les prescriptions seront adaptées. Il y aurait « un risque » : « un prix négatif pendant la période estivale », lit-on dans cette lettre.

“Le nerf! Les gens vont installer des panneaux solaires et en plus ils devront payer l’électricité qu’ils remettent dans le circuit ! s’étouffe l’employé de cette entreprise. Contacté par LibertéLe groupe E fait son mea-culpa et affirme devoir « corriger le contenu de cette lettre » adressée à douze propriétaires de grandes installations.

“On ne s’attend pas à ce que ce tarif soit négatif”
Nathalie Salamin

“Le prix de reprise sera basé sur les prix du marché, avec un prix plancher ou minimum fixé par ordre, corrige Nathalie Salamin, responsable de la communication du Groupe E. A notre connaissance, il n’est pas prévu que ce prix soit négatif.”

Un prix saisonnier

Nous ne disposons pour l’instant que de documents mis en consultation en février dernier. Notamment un projet de révision de l’ordonnance sur l’énergie (OEne). Pas de changement de fond : le prix de reprise dépend avant tout des accords que les producteurs concluent avec leur gestionnaire de réseau. A défaut d’accord, le montant du kWh qu’ils recevront sera fixé selon un prix de marché de référence, calculé selon une échelle trimestrielle – c’est la principale nouveauté. Ce prix sera uniforme en Suisse. Il sera établi en fonction du prix de la bourse de l’électricité jour à l’avance (du jour, pour livraison le lendemain) observés sur le marché national, indique le rapport explicatif qui accompagne la commande.

Le prix jour à l’avance est très variable et parfois négatif. Il a par exemple atteint – 9,1 centimes/kWh le 14 avril, ou – 14,5 centimes le 12 mai (en centimes d’euro), mais pendant quelques heures seulement. “Il est vraiment très difficile d’imaginer un prix qui resterait négatif pendant cent jours”, assure Wieland Hintz, responsable de l’énergie solaire à l’Office fédéral de l’énergie. Le tarif trimestriel, qui devrait prévaloir la plupart du temps, protège donc les producteurs de ce risque et de ces fluctuations. L’Office fédéral de l’énergie a calculé le prix trimestriel moyen des six dernières années : s’il avait été appliqué, les opérateurs auraient perçu 10,3 centimes/kWh, hors TVA.

Minimum garanti

Mais le Conseil fédéral a également prévu une rémunération minimale. Ils protègent les producteurs « en cas de prix de marché bas » (ou négatifs), car ils sont suffisamment élevés pour permettre la dépréciation des installations de référence (15 et 90 kW de puissance) sur leur durée de vie, estimée à 25 ans.

En dessous de 30 kW de puissance, le tarif minimum prévu à ce stade de l’arrêté est de 4,6 centimes/kWh HT. Cette catégorie de puissance comprend les maisons individuelles. Entre 30 et 150 kW (soit entre 150 et 750 m environ2 panneaux), on parle plutôt d’installations exploitées par des entreprises. Axé sur l’autoconsommation, le rapport explicatif estime que « l’investissement peut être amorti en huit ans ». Le tarif minimum est ainsi fixé à 0 centime/kWh. En revanche, si l’entreprise injecte la totalité de sa production dans le réseau, le prix minimum de récupération est actuellement fixé à 6,7 centimes/kWh HT.

Qu’en est-il des installations de plus de 150 kW et jusqu’à 3 MW ? “Pour cette catégorie, les gestionnaires de réseaux restent responsables de la reprise”, précise Wieland Hintz. Sans accord, le prix moyen trimestriel s’applique, sans prix minimum de reprise. Mais les deux parties seront plus enclines à s’entendre sur un prix stable et prévisible. »

Dans le système qui prévalait jusqu’à présent, les gestionnaires de réseaux fixaient eux-mêmes leur tarif pour la récupération de l’électricité injectée par les particuliers (sauf accord spécifique).

Pas définitif

La consultation est close depuis mai. Conclusion : « En gros, les gestionnaires de réseaux estiment que ces tarifs minimaux ne devraient pas être modifiés. Les associations vertes ou de gauche en veulent plus. Swissolar et l’Association des entreprises suisses d’électricité sont entre les deux», note le spécialiste, soulignant qu’il faudra attendre la version définitive de l’ordonnance pour connaître les tarifs définitifs.

L’adoption de cette ordonnance devrait intervenir cet automne. Son entrée en vigueur est prévue le 1euh Janvier 2025. « Mais c’est un sujet de discussion », tempère Wieland Hintz.

Des hypothèses contestées

Le calcul des prix minimaux de récupération envisagés par la Confédération, basés sur un amortissement sur 25 ans, inclut les aides (le versement unique), ainsi que les déductions fiscales ou les frais d’entretien. Il prend également en compte des hypothèses que Swissolar, l’association suisse des professionnels de l’énergie solaire, remet en question.

Le prix de l’électricité tirée du réseau est ainsi estimé à 29 centimes/kWh pour les particuliers (TVA incluse) et à 23,6 centimes/kWh pour les entreprises (hors TVA). Ces chiffres sont calculés sur plusieurs années, y compris lors des « pics Poutine » : « Il est évident que les prix sur le marché européen vont bientôt baisser. Et les économies réalisées grâce à l’autoconsommation aussi ! note David Stickelberger, directeur adjoint de Swissolar.

L’association juge également que la part de l’autoconsommation retenue (40 % pour les particuliers et 60 % pour les entreprises) est trop élevée. De ce fait, les prix minimaux proposés poussent les installations à être conçues pour l’autoconsommation plutôt que pour l’injection, et donc l’approvisionnement général. En bref, Swissolar recommande un tarif minimum de récupération de 8 centimes/kWh, 4 centimes/kWh et 7 centimes/kWh, au lieu des 4,6 centimes/kWh, 0 centimes/kWh et 6,7 centimes/kWh proposés en consultation.

Wieland Hintz, responsable de l’énergie solaire à l’Office fédéral de l’énergie, constate cependant que les gestionnaires versent également des garanties d’origine aux producteurs. Le Conseil fédéral les estime à 2,4 centimes/kWh pour les particuliers et à 1,7 centimes/kWh pour les entreprises. Ces montants s’ajoutent aux taux minimaux de recouvrement. «On se rapproche alors des montants proposés par Swissolar», constate le spécialiste.

 
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