La méthodologie de l’étude sur les femmes musulmanes qui souhaiteraient quitter le Québec remise en question

La méthodologie de l’étude sur les femmes musulmanes qui souhaiteraient quitter le Québec remise en question
La méthodologie de l’étude sur les femmes musulmanes qui souhaiteraient quitter le Québec remise en question

Les propos d’un chercheur, qui affirmait lundi que 73 % des femmes musulmanes aimeraient quitter le Québec, ont fait grand bruit. Mais l’étude, publiée ce jeudi, est désapprouvée par les experts, qui estiment que la méthodologie est « problématique ».

Les histoires de racisme ou de désir de quitter le Québec décrites dans l’étude «sont des phénomènes qui existent», précise d’emblée Claire Durand, professeure de méthodologie au Département de sociologie de l’Université de Montréal. « Ils n’ont pas inventé leurs interviews, ils n’ont pas inventé leurs sondages. Mais on ne peut pas dire que cela représente la situation des femmes musulmanes actuellement au Québec. »

Plus tôt cette semaine, Le devoir a rapporté des propos tenus par Nadia Hasan, professeure adjointe à l’École d’études sur le genre, la sexualité et les femmes de l’Université de York, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. « Mes études démontrent que plus de 73 % des femmes musulmanes du Québec envisagent de quitter la province », a-t-elle déclaré.

Maintenant, M.moi Hasan aurait dû préciser que ce pourcentage ne concernait que les femmes musulmanes qui ont été consultées par les trois cosignataires de l’étude, indique M.moi Durand. Bruno Marien, qui enseigne la statistique et la méthodologie au Département de science politique de l’Université du Québec à Montréal, est du même avis.

Une sélection « militante »

Les deux experts sont catégoriques, l’échantillon n’est pas représentatif. Pas nécessairement en raison du nombre de personnes interrogées (411 femmes musulmanes), mais plutôt en raison du « mode de recrutement de la population cible », qui s’est fait « dans des milieux plutôt militants », explique M.moi Durand.

Les femmes musulmanes qui ont répondu à l’enquête ont été recrutées de trois manières. La société Abacus Data s’est appuyée « sur un bassin existant de participants à l’enquête [comparatif] au Québec », à laquelle ont répondu 750 personnes de la population générale, dont 48,7 % d’hommes. Le Conseil national des musulmans canadiens (NCMC) a lancé un appel à participation sur les réseaux sociaux, et l’équipe de recherche a mené une « stratégie de recrutement en personne » avec « plus de 20 organisations ». Des « isoloirs » ont également été installés lors des « événements communautaires », tels que « les rassemblements religieux et les activités sociales ».

« Il peut être assez difficile de dresser un échantillon représentatif des femmes musulmanes au Québec. Mais il ne peut pas être recruté dans les mosquées et les organisations communautaires musulmanes », soutient M.moi Durand.

« Concernant l’intégrité de la méthodologie et de notre approche communautaire, je suis totalement confiant dans la manière dont nous avons procédé », rétorque M.moi Hasan, précisant que l’équipe de recherche ne s’est pas rendue dans « des espaces militants en tant que tels, mais des lieux où l’on pouvait trouver des femmes musulmanes ». Il n’en demeure pas moins que des photos de femmes brandissant des pancartes contre la loi sur la laïcité de l’État (loi 21) figurent sur une affiche destinée à « promouvoir les études ».

“Lorsque des femmes musulmanes font des recherches sur les femmes musulmanes, nous appelons cela de l’idéologie, mais lorsque des non-musulmans font des recherches sur les femmes musulmanes, en utilisant souvent les mêmes méthodes, nous considérons que cela est légitime”, ajoute M.moi Hassan.

Le fait que Mmoi Hasan a été, jusqu’en juillet 2023, chef des opérations de la CNMC, cela ne l’empêche pas « de faire les choses correctement » [son] travail », nuance M. Marien. Celui qui a été chef de projet à Statistique Canada souligne que les chercheurs ont clairement indiqué qui avait financé et commandé l’étude. «On voit qu’ils ont essayé de faire attention à certaines choses», raconte M.moi Durand. « Ce que nous ne devrions pas faire, c’est faire du sensationnalisme. »

Un vague lien avec la loi 21

Selon les deux professeurs, l’étude ne permet pas non plus de démontrer un lien « clair » entre les agressions subies par les femmes musulmanes et la Loi 21, du moins, sans avoir accès au questionnaire, qui n’a pas été intégré à l’étude. . “Le processus est-il déjà entamé avec la Charte des valeurs, voire avec la crise des accommodements raisonnables”, s’interroge M.moi Durand.

Elle estime également que certaines questions sont « biaisées », comme l’une d’entre elles demandant si les femmes musulmanes ont « subi davantage de microagressions à cause de la loi 21 ». « Nous appelons cela demander aux répondants de répondre à notre question de recherche. Il y a une idéologie [derrière]c’est clair, ce n’est pas caché”, dit Mmoi Durand.

De son côté, Mmoi Hasan affirme ne pas avoir rendu public le questionnaire, qu’elle qualifie de « complexe », afin de ne pas « confondre » les lecteurs. Il indique également que toutes les questions étaient enracinées dans la période d’adoption de la loi 21, mais ont été « simplifiées » dans le rapport.

« Je supervise les recherches avant publication et avant présentation aux commissions. Je n’aurais pas signé. Je ne voudrais pas que mon nom soit associé à cela », déclare M. Marien.

Ce rapport est soutenu par l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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