« Il y a beaucoup plus de femmes qui s’écoutent et c’est tant mieux »

« Il y a beaucoup plus de femmes qui s’écoutent et c’est tant mieux »
« Il y a beaucoup plus de femmes qui s’écoutent et c’est tant mieux »

La sexualité française a connu des « changements majeurs » au cours de la dernière décennie. C’est la conclusion de vaste enquête publiée hier par l’Inserm (Institut Supérieur de la Santé et de la Recherche Médicale) et l’ANRS Maladies Infectieuses Emergentes. Analyse avec l’invitée de 7h45 de Bleu La Rochelle – ICI Matin de ce jeudi, Chloé Loiacono, sexologue et thérapeute de couple à La Rochelle.

France Bleu – ICI Matin – Cette étude montre une évolution importante de la sexualité française, une évolution des pratiques liée notamment à une plus grande prise en compte des désirs des femmes. Peut-on dire que beaucoup d’hommes sont un peu perdus face à ces évolutions ?

Chloé Loiacono – Oui, c’est tout à fait normal, car cela va avec l’évolution de notre société. Le problème est quand on redistribue les cartes, comment on les distribue, comment on aborde cette nouvelle sexualité. Et nous devons également nous éloigner de ce qu’on nous a enseigné. Mais il y a beaucoup d’hommes qui sont perdus parce qu’ils ont été élevés comme ça, élevés avec le porno par exemple, en termes d’amour, de sexualité, de plaisir, alors que ça ne se passe pas comme ça au départ. C’est donc problématique.

“Les hommes naissent pour jouir tandis que les femmes naissent anorgasmiques”

Par exemple, il est très à la mode de remettre en question la pénétration. Y a-t-il quelque chose qui déstabilise les hommes ?

Chloé Loiacono – Oui, car en fait en sexologie il y a deux invariants. Il y a le fait que les hommes naissent avec un orgasme tandis que les femmes naissent anorgasmiques. Ainsi, les hommes, leur tâche sera de retarder le plaisir. Ils l’apprendront dès leur plus jeune âge en découvrant leur corps. Alors que pour les femmes, il s’agira justement d’apprendre le plaisir. Et le masculin est programmé pour pénétrer. Si vous regardez les mammifères, ils ne pensent pas, c’est inné, ils savent le faire. Sauf que la pénétration, le vagin, n’est pas une zone très bien aménagée pour le plaisir des femmes, c’est quelque chose qui s’acquiert de plus en plus avec le temps et la pratique. Ce n’est donc pas un domaine où il y a forcément du plaisir. On parle souvent d’orgasme vaginal et clitoridien, sachez que ça n’existe pas et c’est pour cela que les femmes le remettent en question. Parce que la pénétration, pour beaucoup, soit ne ressent rien, soit ne procure pas de plaisir orgasmique, elle a du plaisir, mais de toute façon il n’y a pas d’orgasme.

Dans cette étude, nous constatons que les femmes sont plus audacieuses lorsqu’elles disent non lorsqu’elles ne veulent pas avoir de relations sexuelles.

Chloé Loiacono – OUI! Ensuite, vous pouvez dire non si vous ne le souhaitez pas. C’est pourquoi les relations entre couples diminuent également, car nombreuses sont les femmes qui y voient un peu comme un devoir conjugal. Le devoir conjugal n’existe pas, c’est si tu veux, tu peux. Ensuite, nous pouvons nous donner l’opportunité de ressentir cela. Parce que croire qu’on le veut tous les deux en même temps n’existe pas, ça n’existe que dans les films, donc on peut s’en donner l’opportunité. Le problème c’est qu’il y a beaucoup d’hommes qui ont peur d’avoir ce rejet et qui ne proposent pas, ils ont peur de modifier le consensus en proposant. Donc proposer, ce n’est pas forcer. Nous pouvons proposer et nous avons le droit de dire non. COMME. Mais en réalité il y a beaucoup plus de femmes qui s’écoutent et c’est tant mieux. Mais il faut désormais réfléchir à la manière de l’intégrer dans la sexualité du couple. Comment faire ?

Un thérapeute comme vous dira-t-il toujours que la communication est la clé dans un couple ?

Chloé Loiacono – C’est de la communication, oui, et cela intègre aussi le fait que nous avons tous des différences de libido. C’est dans tous les couples, on ne peut pas avoir le même désir en même temps et aussi en terme de fréquence. Il est donc important de pouvoir communiquer cela et d’en parler entre nous.

“Il est important de laisser place à l’érotisme, à la complicité, à la sensualité, à tout âge”

Un autre élément qui ressort de cette étude est que la vie sexuelle ne s’arrête pas avec l’âge.

Chloé Loiacono – Les personnes âgées ont encore une sexualité. Nous n’en avons tout simplement pas parlé auparavant. Souvent, ils ont même une sexualité bien plus épanouie que celle des jeunes. J’ai beaucoup de jeunes qui me disent “oui mais on ne veut pas avoir la sexualité des 60 ans”… Ils vont bien, ne t’inquiète pas ! Et maintenant, on en parle un peu plus et c’est tant mieux. Et ça commence à être un peu plus représenté, du moins au cinéma.

Ce qui est important dans la sexualité des personnes âgées, c’est que lorsque les gens vont en maison de retraite, ils sont parfois placés par deux et ces couples perdent leur intimité car ils ne sont pas placés dans les mêmes chambres. Il faut savoir que ces couples, s’ils n’ont pas d’intimité sexuelle avec pénétration, ont quand même une intimité érotique. Cela peut impliquer des caresses et des câlins. Et il est important de laisser place à l’érotisme, à la complicité, à la sensualité, à tout âge. Car c’est aussi ce qui unit le couple, ce qui unit l’humain, le contact, le contact social et amoureux. C’est donc important.

Dans cette étude se pose la question de la prévention : l’utilisation du préservatif est moindre que dans les années 80 et 90. Cependant, il n’y a pas de risque mineur.

Chloé Loiacono – Il n’y a pas moins de risque. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, du moins en France, on ne meurt plus du sida parce qu’il existe des traitements très avancés. Attention, ce sera un traitement très lourd, ce ne sera pas très amusant. Par ailleurs, il existe désormais la PrEP, qui est un traitement de prévention destiné aux personnes à risque, aux prostituées, etc. Nous n’avons donc plus peur du SIDA. Mais il y a toutes les autres maladies sexuellement transmissibles qui sont en augmentation en ce moment, la chlamydia par exemple, qui touche beaucoup de jeunes. Il y a aussi tout ce qui sera la syphilis, l’hépatite, etc. Cela aussi ne doit pas être négligé, il faut se protéger. Il est donc recommandé de faire un test tous les trois mois si vous avez une relation avec plusieurs partenaires, et une fois par an si vous êtes en couple établi, car on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Il est important de se tester régulièrement.

Écoutez-le en intégralité en cliquant ci-dessus.

 
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