Est-il vraiment possible d’être l’auteur de son existence ? Dans quelle mesure est-il possible d’écrire sa vie comme on l’entend ? Pouvons-nous vraiment diriger notre propre bateau selon notre libre arbitre ? Quel est le poids des déterminismes dans le long fleuve tranquille qu’est la vie ? Comment ne pas continuer à regretter ce que nous aurions pu faire ?
Ali Rebeihi et ses invités, philosophes et journalistes, se demanderont ce qui nous empêche d’exister véritablement.
Avec :
- Marianne Challan est professeur de philosophie, auteur de Écrivez votre vie published by Éditions de l’Observatoire, 2024.
- Laurence Devillairs est docteur et professeur agrégé de philosophie, habilité à diriger des recherches à Sorbonne Université. News : « Une touche de philosophie au musée. Visite philosophique » au musée d’Orsay, du 10 octobre 2024 au 16 janvier 2025.
- Mathilde Serrell, journaliste à France Inter, et co-réalisateur du documentaire « Taylor Swift, la première puissance américaine » disponible sur Francetv.fr
Essayez de vivre votre vie comme vous le souhaitez
Marianne Chaillon est professeur de philosophie, elle demande en tout début d’année à ses élèves “quelle sera votre rime ?”, une réponse au poème de Warl Whitmann qu’on entend aussi dans les mots du professeur du Cercle des Disparus. Poètes, le fameux « Ô capitaine, mon capitaine !
En ce sens, l’enseignante propose à ses élèves de se demander comment ils seront l’auteur de leur vie ? Puis, les premières semaines passent et le professeur se demande encore si cette affirmation n’est pas un faux espoir, êtes-vous vraiment acteurs ? Ou sommes-nous imprégnés de déterminismes qui ne font de nous que des spectateurs ?
La philosophe met en lumière ce poids mais met aussi le doigt sur cet éclair de lucidité qui est que nous n’avons qu’une vie, et qu’il faut, en quelque sorte, en profiter, et la relativiser. “Ce qui compte, c’est d’essayer de vivre votre vie autant que vous le pouvez comme vous le souhaitez.« Laurence Devillairs pense à cette affirmation de son confrère, au cogito de Descartes, non pas qu’il soit écrit ce fameux « cogito ergo sum » qui est en réalité une interprétation, mais Descartes a écrit : « ego sum, ego existo ». Elle traduit cette pensée ainsi : «Écrire sa vie est une des modalités, une des manières de ne pas se contenter d’être mais de faire de son être une existence : je suis, j’existe.“
Saisissez l’opportunité de vivre votre propre vie
Jankelevitch a dit à ses étudiants : «ne manquez pas votre matinée de printemps unique», une injonction dite comme ça qui ne manque pas d’inquiétude. Mais en réalité, il faut passer par là. Laurence Devillairs nous éclaire : «Il y a deux dangers possibles, le premier est que le sens doit être quelque chose d’extraordinaire. On peut donner du sens, mais il peut rester modeste ; il ne faut pas faire cette confusion. Et l’autre chose, c’est que nous écrivons notre vie sur la base de matériaux qui peuvent être pénibles. Ce que nous vivons n’arrive qu’une seule fois.« Tout cela signifie finalement que nous improvisons constamment.
Marianne Chaillon ajoute : «le fardeau d’exister peut être vertigineux, mais ne serait-il pas pire de se rendre compte trop tard que l’on n’a pas assez vécu ?« .
Vient ensuite le rôle des déterminismes, à travers l’éducation, la culture, la famille, et au fond peut-on vraiment écrire sa vie ? Est-ce que c’est un peu la voix off d’Antigone : «pour chacun des personnages c’est déjà fait» résume Marianne Chaillon ?
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Dans le même temps, l’idée de changer de classe sociale à mesure que l’on avance dans la vie est également fondée, ce qui n’est pas une seule force de volonté personnelle. « Quand nous voulons, nous pouvons » est une fausse vérité, voire un cliché.
Mais alors que penser des injonctions à devenir soi, promises en 5 leçons, 1 livre ou 10 vidéos par des coachs en développement personnel ?
“Il y a une autre voie, plus austère, qui nous vend moins du rêve, c’est la philosophie», répond non sans humour Marianne Chaillon.
Réponses et suite de la discussion à écouter ici…