80 ans de mémoire à préserver à Oradour-sur-Glane

80 ans de mémoire à préserver à Oradour-sur-Glane
80 ans de mémoire à préserver à Oradour-sur-Glane

C’était le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane, en Haute-Vienne (Nouvelle-Aquitaine), à ​​une vingtaine de kilomètres au nord de Limoges. Une partie de la division Waffen SS Das Reich massacra, en représailles, plus de 200 hommes à la mitrailleuse, puis quelque 450 femmes et enfants dans l’église, avant d’incendier le village. Au total, cet acte barbare fera 643 victimes. Laissé en l’état depuis cet événement tragique, le village martyr est devenu, avec la loi du 10 mai 1946, propriété de l’État, qui s’est engagé, dans le cadre de son classement aux monuments historiques, à le protéger et à le restaurer. ” Alors que les témoins du massacre d’Oradour-sur-Glane ont aujourd’hui disparu, les ruines du village constituent le moyen le plus sûr d’entretenir leur mémoire. », assurait, en avril dernier, la ministre de la Culture Rachida Dati.

Chaque année, près de 300 000 visiteurs viennent découvrir les ruines de ce village martyr, devenu l’un des hauts lieux de la mémoire nationale. ” Ce qui est important, c’est l’impact que le village a sur le visiteur. C’est un outil pédagogique incontournable qui représente l’intime, la sensibilité, l’humain, confie Agathe Hébras, petite-fille de Robert Hébras, l’un des rares survivants du massacre, décédé l’année dernière. Le site compte des centaines de bâtiments qui permettent d’imaginer les maisons telles qu’elles étaient à l’époque, et la vie des familles qui les habitaient. Cela nous permet de nous accrocher à la réalité. »

Conserver sans rien supprimer

ROMAIN LONGIERAS / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP

Aujourd’hui, les ruines d’Oradour-sur-Glane, qui subissent depuis plusieurs décennies l’érosion du temps et l’impact de diverses tempêtes, nécessitent une attention accrue. ” Nous constatons des pertes de matériel et de volume de maisons. Certains ont par exemple perdu un étage, d’autant que les bâtiments sont de qualités différentes. », note Lætitia Morellet, directrice régionale adjointe au patrimoine et à l’architecture à la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de Nouvelle-Aquitaine. ” Sur les lieux du massacre et notamment l’îlot Grange Laudy, de nombreux murs se sont effondrés, confirme Agathe Hébras. Cela rend plus difficile l’explication de ce qui s’est passé, d’où l’importance de la conservation. Si l’on laisse l’architecture se désagréger, on ne pourra plus lire les façades par exemple, qui permettent au visiteur de se projeter. »

Chaque année, les travaux d’entretien de ce site d’une dizaine d’hectares, réalisés par les services de la DRAC, représentent un coût fixe d’environ 200 000 euros par an. A cette somme s’ajoutent des investissements ponctuels comme la rénovation de l’église l’année dernière pour 480 000 euros ou cette année de quatre maisons en danger pour 755 000 euros. En décembre 2023, un schéma directeur a été établi avec l’architecte en chef des monuments historiques Pascal Prunet et validé par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA). Ce document, dont l’ambition est, selon Lætitia Morellet, de « revoir la doctrine de la conservation et intensifier les travaux de restauration », détermine, pour la période 2024-2039 – sous la forme de trois phases quinquennales – la politique de conservation du site.

Le village est désormais en grand danger, note également Benoît Sadry, président de l’Association des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane, l’un des quatre acteurs qui ont contribué à l’élaboration de ce schéma directeur avec l’État (via la DRAC Nouvelle Aquitaine), la Ville et le Département, qui gère le Centre Mémoire ouvert en 1999. La préparation de ce rapport a été un travail constructif et collaboratif qui a permis d’identifier des bâtiments en dérive plus importante que d’autres. Pour nous, l’idée dès le départ était de préserver l’intégralité du site car c’est avec son étendue que l’on se rend compte que l’ensemble du village a été le lieu d’un véritable massacre de masse. Mais il faut aussi garder le village dans ses trois dimensions car il existe encore de nombreuses maisons à étages. Il ne s’agit pas de reconstruire mais de préserver au maximum ce que l’on peut garder. »

Le principal défi donc : restaurer, mais sans effacer, les traces originelles, témoignages du massacre et témoins de la portée historique et symbolique des lieux. ” Après guerre, le général de Gaulle souhaita faire de ce village martyr un monument historique afin de garder un témoignage de la barbarie nazie sur la population civile, poursuit Lætitia Morellet. Lors de chaque restauration, notamment celle de l’église, qui est le lieu le plus chargé d’histoire, nous veillons à ne détruire aucune trace de balles ou d’incendie par exemple. »

Collecte de dons

Gabrielle Cézard/MC/SIPA PRESS

En septembre 2023, le ministère de la Culture et la Fondation du Patrimoine ont lancé une collecte de dons pour la préservation et la transmission de ce lieu de mémoire. ” C’est un site que vous pouvez visiter gratuitement, cet appel aux dons est donc un engagement citoyen, une manière pour chacun de contribuer selon ses moyens. », estime Benoît Sadry. Un premier niveau de financement a été fixé à 2 millions d’euros, sur les 19 millions prévus par le schéma directeur sur quinze ans. L’objectif est d’atteindre 5,9 millions d’ici la fin de la première phase quinquennale, en 2029.

Parmi les donateurs, le site bénéficie également, depuis avril dernier, du soutien du mécène Dassault Histoire et Patrimoine, qui consacre un million d’euros sur quatre ans pour la restauration du village martyr. En janvier dernier, un autre don exceptionnel a été fait à la Fondation du Patrimoine : celui de 500 000 euros par une bienfaitrice alsacienne qui a souhaité garder l’anonymat.

 
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