obligé de vivre dans sa camionnette alors qu’il a travaillé toute sa vie

Après avoir travaillé dur toute sa vie, un Montréalais de 80 ans est désormais contraint de vivre dans son véhicule en raison de la crise du logement.

Jean-René Patry n’a peut-être presque rien, mais il porte avec lui beaucoup de bagages de la vie.

Le pétillant octogénaire nous a donné rendez-vous dans le stationnement d’une mosquée de Montréal-Nord, où il fait des « boulots » pour le propriétaire en échange de la permission d’y garer sa Ford Econoline de temps en temps. .

Malgré ses traits tirés qui trahissent un manque évident de sommeil, l’octogénaire semble en pleine forme. Sa bonne humeur contagieuse se heurte à la précarité de sa situation. Ses mains sont celles d’un ouvrier : gercées et noircies en permanence. Il semble cependant irrité par les blessures qui tapissent son corps, sa peau étant devenue si fine qu’il se blesse à la moindre égratignure.

Jean-René Patry dort sur un lit de camp, qu’il déplie au coucher du soleil. Chaque matin, il range son lit et plie ses couvertures pour avoir plus d’espace.

Ben Pelosse / JdeM

Fatigué d’être battu

Abandonné par ses parents alors qu’il n’était qu’un bébé, Jean-René Patry a grandi dans un orphelinat à Laval.

«Je me suis enfui à 12 ans, j’en avais marre d’être battu», raconte celui qui se souvient encore du prix de son billet d’autobus pour Montréal à l’époque : 90 cents.

Il trouve rapidement un emploi dans un abattoir de volailles à Montréal-Nord. Il gagnait alors 5 centimes de l’heure. Pendant ses pauses, ses employeurs lui apprenaient à lire et à écrire.

Quelques années plus tard, il est embauché dans un magasin de meubles, où il travaille le week-end. N’ayant rien de mieux à faire, il accepte alors un troisième emploi, comme livreur, dans un restaurant du Plateau-Mont-Royal.

L’Europe et le chagrin

Lorsqu’il a accumulé suffisamment de vacances, il est parti pour l’Europe, où il a visité différentes villes à moto.

“Je n’ai jamais loué de chambre d’hôtel et je l’ai fait neuf fois”, dit-il en souriant. Je me suis trouvé un agriculteur qui m’a permis de dormir sur ses terres et le lendemain matin je l’ai aidé avec le train. C’étaient des voyages beaucoup plus enrichissants, où j’ai rencontré de vraies personnes.

Jean-René Patry était travailleur, certes, mais peut-être un peu trop. Son dévouement à son travail lui a coûté l’amour de sa vie ; sa belle Jacinthe, qui l’a quitté après 20 ans de vie commune.

« Je suis revenu du travail un soir et elle était partie avec toutes ses affaires. J’ai pleuré pendant trois ans», se souvient-il, la tête baissée.

Son plus grand regret est de ne jamais avoir eu d’enfants. Même à 80 ans, il reste étonné lorsqu’il entend les rires des enfants aux abords des écoles.

Deuxième carrière à 67 ans

Après une longue carrière de plus de cinq décennies, M. Patry a pris sa retraite des abattoirs à 67 ans.

«Mais je n’étais pas capable de faire quoi que ce soit, alors j’ai lancé mon entreprise en tant que technicien», dit-il avec fierté. Pendant plusieurs années, il eut une soixantaine de clients pour lesquels il tondrait la pelouse, soufflerait la neige ou encore installerait des abris d’auto.

Mais l’année dernière, il a décidé de réduire considérablement sa clientèle, ne gardant que six résidences.

L’octogénaire fait encore pousser des pelouses pour joindre les deux bouts. Il range sa tondeuse dans un local à proximité, sinon il manquerait d’espace dans sa camionnette.

Ben Pelosse / JdeM

« Mon médecin est intelligent, elle chipote beaucoup avec moi », dit-il en riant. Elle veut que j’arrête de travailler, j’ai des problèmes cardiaques, je souffre d’asthme et je commence à être fatiguée.

Mais l’ironie est qu’au moment où il sent sa santé se dégrader plus que jamais, Jean-René Patry se retrouve désormais sans abri. Pour la première fois de sa vie.

La crise du logement frappe fort

En effet, le « militaire » vivait dans le logement depuis plusieurs années, mais un différend avec son propriétaire l’a contraint à quitter les lieux il y a deux mois. Au même moment, sa Hyundai Élantra 2001, dont il était propriétaire depuis 24 ans, est décédée.

Même s’il bénéficie d’une pension mensuelle d’un peu plus de 2 000 $, la crise du logement qui sévit actuellement dans la métropole fait que l’octogénaire ne parvient pas à trouver un appartement abordable.

“J’en ai visité quelques-uns, mais c’est terrible, les prix, ça engloutirait plus de la moitié de ma pension et je n’aurais plus de quoi vivre”, déplore-t-il.
Il aimerait voir davantage de logements sociaux construits pour des gens comme lui.
« Si j’avais un message à envoyer au gouvernement, ce serait celui-là. Des gens comme moi existent, et il existe aussi des gens plus pauvres.

En attendant, il est contraint de vivre dans sa camionnette Ford.

“J’ai trouvé un sacrément bon accord avec cette camionnette, dit-il en flattant le volant de sa maison sur roues. C’était une vieille camionnette de Bell Canada, elle est un peu rouillée, mais elle fonctionne très bien. J’ai même la climatisation !


Récemment, nous lui avons fait une bonne affaire pour cette Ford Econoline 2011. Jean-René Patry a pu l’acquérir pour 2 000 $, ce qui tombait à point puisqu’il se retrouvait sans abri.

Ben Pelosse / JdeM

Fier malgré tout

Malgré sa situation difficile, Jean-René Patry refuse de porter plainte. Son plus grand atout est son réseau, il possède des connaissances dans toute la ville. C’est ainsi qu’il parvient à faire sa lessive chez des amis et à joindre les deux bouts avec de petits services ici et là.
Contrairement à de nombreuses personnes âgées, dit-il, il ne souffre heureusement pas d’isolement.

De plus, il est globalement bien installé et fait visiblement des efforts pour bien entretenir son petit espace ; rien ne traîne par terre, ses vêtements souillés sont déposés dans un panier jusqu’au prochain passage à la buanderie, ses couvertures et son lit sont pliés et rangés pendant la journée et ses plus gros biens sont en sécurité dans un lieu de stockage.


Jean-René Patry

Jean-René Patry possède très peu de choses ; il n’a ni photos ni souvenirs. « Tout est là », dit-il en désignant sa tête.

Ben Pelosse / JdeM

La nuit, il laisse une porte arrière et une fenêtre ouvertes pour créer un courant d’air.

“Tu n’as pas peur ?”

“Et bien non!” il répond spontanément. Qui aurait envie de voler un homme de 80 ans qui n’a rien ?

De plus en plus de seniors en situation difficile

Les aînés en situation précaire sont de plus en plus nombreux depuis deux ans et plusieurs d’entre eux se retrouvent à la rue pour la première fois de leur vie, déplore l’un des organismes d’aide les plus populaires de Montréal.

«C’est triste de voir ce qui arrive», déclare Fiona Crossling, directrice générale de l’Accueil Bonneau, qui soutient les personnes à risque ou en situation d’itinérance dans le Vieux-Montréal.


Jean-René Patry

Fiona Crossling, directrice générale de l’Accueil Bonneau, située dans le Vieux-Montréal.

Ben Pelosse / JdeM

Selon les constatations des collaborateurs sur place et sur le terrain, entre 25 et 30 % des clients sont désormais âgés de 65 ans et plus, ce qui représente une nette augmentation.

Et les seniors se trouvent souvent dans des situations particulièrement précaires, principalement en raison de problèmes de santé.

« Avec l’âge s’ajoutent souvent des besoins de santé accrus et il y a des carences à ce niveau aussi », explique M.moi Traversée. Il y a encore tellement de gens qui n’ont pas accès à un médecin.»

L’Accueil Bonneau offre une clinique de soins l’École de sciences infirmières de l’Université McGill, mais elle peine à répondre à la demande.

De plus, de plus en plus de personnes âgées se retrouvent à la rue pour la première fois de leur vie, explique M.moi Crossling, ce qui les rend encore plus vulnérables.

“C’est dangereux pour tout le monde, mais encore plus pour les personnes âgées qui n’ont jamais vécu cela de leur vie”, a-t-elle déclaré. Les risques de vols et de violences sont très présents. Ce matin même, j’ai vu un homme âgé à qui on avait volé son argent. Se faire voler son argent en début de mois peut être très grave.

Pas seulement à Montréal

Mais le problème ne se limite pas à Montréal. Les intervenants des banlieues nord et sud constatent que de plus en plus de personnes dorment dans leur voiture.

«On en a aussi», observe le directeur général de la table d’itinérance de la Rive-Sud, Gilles Beauregard. On s’en rend compte quand on discute avec eux. C’est difficile à documenter. On voit les tentes, mais les voitures sont partout.

À Saint-Jérôme, la présidente du Livre Humanitaire, Rachel Lapierre, a rencontré plusieurs personnes âgées dans cette situation.

«Je n’avais pas vu ça il y a cinq ans», dit-elle.

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