la mémoire n’a pas de prix mais elle a un coût

Cela fait quatre-vingts ans qu’Oradour-sur-Glane n’est plus un village comme les autres et il ne le sera plus jamais. Le 10 juin 1944, quatre jours après le débarquement de Normandie, les Waffen-SS de la sinistre division Das Reich – l’adjectif s’avère trop faible pour qualifier son inhumanité et sa barbarie – s’arrêtent dans cette ville de Haute-Vienne, non loin de là. de Limoges. La veille, elle est passée par Tulle et y a pendu 99 hommes, âgés de 16 à 60 ans. À Oradour, elle a massacré 643 habitants : 190 hommes, 248 femmes, 205 enfants. La plupart d’entre eux ont été enfermés dans l’église qui a ensuite incendié, comme le reste du village, plus de 320 maisons sans oublier l’école ou les différents commerces.

Une femme, Marguerite Rouffanche, échappe à l’horreur en sautant à travers un vitrail brisé. Son témoignage sera précieux pour établir les faits lors du procès qui aura lieu à Bordeaux en 1953. Bien que sa vie soit sauvée, elle perd son mari, son fils, ses deux filles et son petit-fils de 7 mois. Avec Robert Hébras, dernier survivant, décédé le 11 février 2023 à l’âge de 97 ans, il symbolisera la mémoire endommagée d’Oradour-sur-Glane et la transmission aux jeunes générations des atrocités dont l’être humain est capable.

La restauration de l’église

Un autre Oradour-sur-Glane a certainement été reconstruit en 1947. A côté des ruines du village martyr et surtout pas sur place. Dans les semaines qui suivent le massacre, le général de Gaulle décide que les restes doivent être conservés tels quels. Oradour est érigée comme une incarnation des souffrances des Français durant les quatre années d’occupation et, selon certains historiens, sert également de preuve au procès de Nuremberg où seront condamnés les principaux dirigeants nazis en octobre 1946.


Benoît Sadry, président de l’Association nationale des familles de victimes d’Oradour-sur-Glane, dans l’église du village, aujourd’hui restaurée et où l’on peut voir les traces de balles tirées par les SS, 10 juin 1944

BL/Sud Ouest

Un message que le Général réitéra le 5 mars 1945, à Oradour même, alors que les Allemands n’avaient pas encore capitulé. Le village martyr est classé Monument historique en mai 1946. « C’est le paradoxe d’Oradour-sur-Glane », explique Agathe Hébras, la petite-fille de Robert Hébras dont elle a repris le flambeau. Ici, les ruines doivent être conservées telles quelles alors que l’objectif habituel est de les restaurer. » Agathe Hébras se souvient des promenades qu’elle faisait avec son grand-père parmi les dépouilles. « Il était triste de voir la détérioration des bâtiments mais, heureusement, avant de disparaître, il a eu le temps d’assister à la restauration de l’église, où s’était produit le pire, où avaient péri sa mère et ses sœurs. »

Emmanuel Macron, sept ans après

On ne garde pas l’église du village comme un autre édifice religieux, souligne Benoît Sadry, adjoint à la mairie et surtout président de l’Association nationale des familles des martyrs d’Oradour. Il faut par exemple conserver les traces des balles qui ont transpercé les murs. “C’est la preuve que les SS sont entrés dans l’église et ont tiré sur les femmes et les enfants avant de les brûler”, explique-t-il. Certaines pierres ont également pris une teinte rose en raison de la température, d’au moins 1 500 degrés. Impossible de gratter ces pierres comme on le ferait sur un chantier habituel.

Après ces travaux coûtant 500 000 euros, l’église est sécurisée pour plusieurs années mais le reste du village ? En janvier 2022, alors qu’Emmanuel Macron venait à Oradour pour lui remettre ses insignes de Commandeur de l’Ordre national du Mérite, Robert Hébras en profitait pour rappeler au chef de l’État son engagement en faveur du maintien des murs menacés du village.


La première rencontre entre le dernier survivant, Robert Hébras, et Emmanuel Macron, juste avant sa première élection à l’Élysée, en 2017

Archives Stéphane Mahé/AFP

Ce 10 juin, Emmanuel Macron revient dans la ville de Haute-Vienne, sept ans après sa première visite, entre les deux tours de l’élection de 2017. Est-ce qu’il vient avec de bonnes nouvelles ? Personne ne sait. « Nous l’espérons, répond Agathe Hébras, mais la commémoration du 80e anniversaire du massacre est un événement suffisant pour sa suppression. » 80, un chiffre rond. La première sans Robert Hébras. « Chiffre rond ou pas, mon grand-père vivait chaque 10 juin avec les mêmes douleurs », explique sa petite-fille.

Les plus optimistes assurent que le président ne reviendra pas les mains vides. « Le projet de maintenance est estimé à près de 20 millions d’euros », explique Benoît Sadry. L’essentiel viendra de l’État puisqu’Oradour est classé Monument Historique mais des mécènes privés se sont manifestés, comme le groupe Dassault qui apporte 1 million d’euros. Nous lançons également une souscription, comme cela a été fait pour Notre-Dame-de-Paris. »

Vent, pluie, végétation

En cet anniversaire, Emmanuel Macron pourrait donc révéler officiellement que l’État donnera satisfaction, même à titre posthume, à Robert Hébras. La campagne de travaux s’étendrait sur quinze ans. Il s’appuiera sur le diagnostic exceptionnel réalisé par l’architecte en chef des Monuments historiques, Pascal Prunet, qui a examiné les maisons une à une, pierre par pierre. Sachant qu’il n’est pas question de figer Oradour dans le passé, comme un décor de cinéma désastreux ou, pire encore, un Disneyland des atrocités nazies.


Le village de 2024 n’a déjà plus rien à voir avec celui du 11 juin 1944

Archives AFP

« Le village d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le village du 11 juin 1944 », assurent ensemble Agathe Hébras et Benoît Sadry. Il a déjà été modifié pour répondre aux intempéries, vent, pluie, neige et canicule qui assèchent les sols et les font bouger. « La végétation est l’un des plus redoutables ennemis des pierres, explique Benoît Sadry. Elle pousse très vite et les produits phytosanitaires sont désormais interdits. » Cet entretien coûte à lui seul à l’État 300 000 euros annuels.

Nul ne peut savoir à quoi ressemblera Oradour le 10 juin 2044 et si elle accueillera encore plus de 300 000 visiteurs par an, dont un tiers d’écoliers, qui ne sortent jamais indemnes d’un tel lieu. « Au-delà de l’acte de terrorisme commis ce jour-là par la division Das Reich, Oradour est devenu un symbole mondial des violences subies par les populations civiles lors des guerres », estime Benoît Sadry. C’est ce qui compte, avant une reconstruction à l’identique du village d’antan. »

En début d’année, la commune d’Oradour-sur-Glane vient de signer un pacte d’amitié avec la commune allemande de Hersbruck, elle aussi meurtrie par le nihilisme nazi. Les pierres ont beau vaciller, l’esprit de réconciliation et de pardon incarné par Robert Hébras souffle dans les rues du village.

Tout ce que vous devez savoir sur Oradour

Ancien grand reporter du journal « Sud Ouest » et lui-même né à quelques kilomètres d’Oradour, Jean-Paul Vigneaud publie aux Éditions Sud Ouest « Le Journal d’Oradour-sur-Glane », un récit documenté et illustré sur quatre vingt ans en le village, du massacre du 10 juin 1944 à aujourd’hui, avec la nécessité d’en préserver les vestiges menacés. Le travail d’un journaliste passionné par son sujet. 140 pages, 20 €.

 
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