C’est un profil particulièrement inquiétant qui a été au centre des débats, jeudi 7 novembre, au palais de justice de Bourges (Cher). Comme le raconte notre collègue Baie républicaineun jeune homme de 26 ans a comparu en audience publique devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une affaire pénale.
Il venait d’être mis en examen pour avoir tenté d’assassiner la veille une infirmière du centre hospitalier spécialisé George-Sand, dans la préfecture du Cher. Le suspect était un patient de cet établissement psychiatrique. Vers 10 heures, mercredi matin, il s’en est pris à la soignante en la poignardant à trois reprises à la gorge. Le pronostic vital de la victime n’était pas compromis ; l’infirmière a pu quitter les urgences dans l’après-midi.
“C’est comme s’il y avait quelqu’un dans ma tête”
Quant à l’agresseur, sa fuite a été de courte durée. Il a été arrêté quelques minutes plus tard dans une rue de la ville. L’arme a été retrouvée dans la bibliothèque de l’établissement où il était hospitalisé. Le parquet de Bourges a ouvert une information judiciaire pour tentative d’assassinat. Lors de sa garde à vue, le jeune homme aurait expliqué ses actes par sa volonté d’aller en prison. C’est ce qu’il a répété jeudi devant le juge des libertés et de la détention. “Ma place est en détention, pas en psychiatrie”, » a rapporté notre confrère en le citant.
Son avocat a plaidé en faveur d’un traitement psychiatrique en prison. En 2020, un précédent incident s’était déjà produit dans le même hôpital George Sand. Le jeune homme, qui a montré des signes d’impatience tout au long de l’audience, a été incarcéré au centre pénitentiaire d’Orléans-Saran.
Une histoire lourde
L’agresseur de l’infirmière berruyère avait déjà un lourd passé. Jeudi 20 juillet 2017, il a appelé la gendarmerie pour prévenir qu’il venait de tuer une femme de 78 ans à Deux. Le jeune homme avait attendu l’arrivée des policiers à proximité d’un abribus. “La dame est-elle morte?” Je ne sais pas ce que j’ai fait, c’est comme s’il y avait quelqu’un dans ma tête. » a déclaré spontanément le jeune homme à l’arrivée des gendarmes avant de les conduire au domicile de la victime.
Ce dernier avait reçu une trentaine de coups de couteau principalement à la tête, au visage et au cou. La septuagénaire vivait seule au domicile depuis le décès de son mari quelques années plus tôt. Jordan L. avait alors 19 ans et habitait à 150 m de la scène du crime.
Il avait indiqué qu’il était entré dans la maison du retraité pour commettre un vol. C’est alors qu’il a été surpris par la victime qui regardait la télévision. Jordan L. l’a tuée alors qu’elle tentait de s’échapper, puis a quitté les lieux sans rien emporter. Une heure avant le drame, l’adolescent avait volé un téléphone portable dans une maison voisine dont l’occupant était parti en vacances. La veille, alors qu’il se trouvait à Blois, il avait volé sans violence le sac à main d’une femme assise sur une place. Il s’est ensuite rendu au commissariat juste avant que la victime ne vienne porter plainte.
Lors de son interrogatoire devant le juge d’instruction en novembre 2017, il avait encore affirmé que des voix lui avaient ordonné de commettre le cambriolage, puis le meurtre du septuagénaire.
L’enquête a établi que le jeune homme a eu une enfance difficile marquée par le décès de son père en 2000 et par les difficultés matérielles de sa mère qui travaillait de nuit. Souvent livré à lui-même, Jordan L. avait fait l’objet de mesures de placement et d’hospitalisations psychiatriques en raison de troubles comportementaux importants. Entre 15 et 17 ans, il a comparu à plusieurs reprises devant le tribunal pour enfants pour des faits de violences, vols et menaces de mort.
Hospitalisé d’office en psychiatrie
Après sa mise en examen pour meurtre, le jeune homme a été placé en détention provisoire. Compte tenu de son état psychiatrique, son incarcération a eu lieu dans le service hospitalier spécialement équipé de la maison d’arrêt d’Orléans-Saran. Plusieurs incidents, notamment des comportements violents et des propos suicidaires, ont émaillé cette détention.
Une première expertise psychiatrique réalisée dans le cadre de l’enquête a conclu qu’un acte était provoqué par des éléments délirants et un mécanisme hallucinatoire. Pour l’expert psychiatre, Jordan L. souffrait d’une abolition du discernement au moment où il a commis le crime. Des membres de la famille de la victime avaient demandé un contre-avis dont les conclusions confirmaient le premier rapport et indiquaient que le jeune homme souffrait de troubles psychologiques au moment des faits. Ce qui a conduit le procureur de la République de Blois à prendre des réquisitions en vue de saisir la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Orléans.
Le 21 novembre 2019, le tribunal a déclaré non responsable pénalement le jeune homme qui avait été automatiquement hospitalisé dans une unité psychiatrique. La chambre d’instruction avait imposé une période de sécurité de 20 ans, ainsi qu’une interdiction de possession d’arme et de déplacement à Binas.