Glucksmann a-t-il travaillé pour un « dictateur » en Géorgie, comme le dit Mélenchon ? – .

Glucksmann a-t-il travaillé pour un « dictateur » en Géorgie, comme le dit Mélenchon ? – .
Glucksmann a-t-il travaillé pour un « dictateur » en Géorgie, comme le dit Mélenchon ? – .
Lire plus tard Actualités de Google Partager

Facebook Twitter E-mail Copier le lien

Envoyer

Temps de lecture : 8 min.

Accès libre

Vidéo La tête de liste socialiste aux élections européennes est régulièrement attaquée par ses adversaires sur son expérience de conseiller de l’ancien président géorgien Saakachvili. Jean-Luc Mélenchon lui reproche notamment d’avoir travaillé avec “un dictateur”. Le chercheur Dimitri Minic, de l’Ifri, voit dans cette accusation une « caricature » qui répète la propagande russe.

Pour de plus amples

“Ne lui demandez pas ce qu’il faisait en Géorgie entre 2009 et 2012.” Mi-avril, une affiche attribuée aux Jeunes communistes du Nord a fait beaucoup réagir. Elle a ciblé Raphaël Glucksmann sur son expérience de conseiller de l’ancien président géorgien Mikheïl Saakachvili. Deux semaines plus tôt, Jean-Luc Mélenchon creusait le même sillon, reprochant dans un tweet au candidat de Place publique d’avoir « travaillé avec le dictateur » Saakachvili.

Une attaque relayée le 1ereuh Mai par des militants de gauche à Saint-Etienne, qui ont pris à partie Raphaël Glucksmann au cours de ses années géorgiennes, obligeant les services de sécurité à exfiltrer le candidat.

Jordan Bardella a repris le même thème lors des débats entre têtes de listes sur France-Inter, puis sur la chaîne LCP. “Vous avez travaillé pour des intérêts étrangers et pour un président géorgien aujourd’hui en prison”, lui a-t-il dit le 12 avril. Alors qu’est-ce qu’il y a ? Raphaël Glucksmann a bien conseillé l’ancien président géorgien entre 2009 et 2012, une expérience qu’il évoque dans plusieurs de ses livres. Un reportage diffusé par la chaîne France 24 en 2009 décrivait le jeune Français, alors âgé d’une trentaine d’années, comme un conseiller officieux du régime.

Une réunion fondatrice à Kyiv

Interviewé par le site d’information TF1, Thorniké Gordadzé, chercheur associé à l’Institut Jacques-Delors et ancien ministre de Saakachvili, a travaillé aux côtés de Raphaël Glucksmann lors de ses années passées à Tbilissi. Cela évoque plutôt un rôle officiel. « Il avait un bureau, un badge et un ordinateur ! “, souligne-t-il, soulignant la proximité entre les deux hommes.

Le président et son futur conseiller se sont rencontrés sous une tente à Kiev cinq ans plus tôt. Les deux hommes étaient venus soutenir les manifestants de la « Révolution orange », un demi-million d’Ukrainiens qui se mobilisaient contre le trucage du scrutin par le président pro-russe sortant, Viktor Ianoukovitch. Liés par une lutte commune contre l’influence russe dans les anciennes républiques soviétiques, les deux hommes se sont retrouvés fin 2008, après la blitzkrieg perdue par la Géorgie. Un cinquième du territoire géorgien est occupé par les Russes.

Lire aussi

Narratif Russie, 2008 : premier raid de Poutine

Abonné

Lire plus tard

Leur relation se développe autour de l’écriture d’un livre interview : « Micha [Saakachvili, NDLR] a toujours eu un côté charmant et superdynamique. Je voulais savoir ce qu’il y avait derrière tout ça. Mais c’était encore plus articulé que ce à quoi je m’attendais. Raphaël Glucksmann dira plus tard au journal « le Monde ». En janvier 2009, Saakachvili propose au jeune Glucksmann de rejoindre son équipe.

Rification avec l’Union européenne

Quel était son rôle ? La tête de liste a rédigé des discours et « des politiques d’intégration coordonnées avec l’Union européenne » sous l’autorité du président géorgien. Avec une mission : alerter les chancelleries occidentales sur l’appétit territorial de Vladimir Poutine. Si Raphaël Glucksmann disait plus tard qu’il y était le bienvenu “avec scepticisme”, ses contacts en France ainsi qu’avec des députés européens de différents pays se révèlent utiles à un dirigeant isolé cherchant à se rapprocher de l’Union européenne. Au point de devenir omniprésent dans l’entourage du président ? “Il passait entre dix-sept et dix-huit heures par jour avec Saakachvili, il était constamment avec lui, il était son ombre”, retrace un témoin du magazine « Marianne ».

A cette époque, Saakachvili cherchait également à armer son pays, craignant une nouvelle confrontation militaire avec Poutine. C’est là, selon l’enquête de « Marianne », l’autre mission du jeune conseiller : faire avancer les questions d’armement. Pour ce faire, il « se frotte aux réseaux franco-géorgiens et multiplie les rencontres dans les palais »écrit l’hebdomadaire.

Une accusation « caricaturale »

De là à affirmer, comme l’a fait Jean-Luc Mélenchon, qu’il a travaillé pour le compte “d’un dictateur” ? Dimitri Minic, chercheur au Centre Russie/Eurasie de l’Institut français des relations internationales (Ifri), estime auprès du « Nouvel Obs » que l’accusation est fondée. “caricatural” Et «relaie essentiellement la propagande russe des années 2000 contre Saakachvili, dont le seul crime aux yeux du Kremlin a été d’avoir intensifié le mouvement d’intégration de la Géorgie à l’espace européen et euro-atlantique.»

Lire aussi

Décryptage Pourquoi Raphaël Glucksmann affole ses rivaux

Abonné

Lire plus tard

Et pour rappeler : «Les mêmes épithètes diffamatoires sont adressées depuis trente ans par la propagande russe à tous les dirigeants des pays ex-soviétiques qui souhaitent se rapprocher de l’Occident, de Saakachvili à Zelensky. » Pour rappel, au soir de l’invasion de l’Ukraine en 2022, Vladimir Poutine avait fait référence à l’exécutif ukrainien en évoquant «la clique des néo-nazis drogués au pouvoir à Kiev». « Les dirigeants politiques français doivent donc apprendre à distinguer ce qui relève de la propagande venue d’un pays étranger de ce qui est plus proche de la réalité objective. » poursuit Dimitri Minic.

Raphaël Glucksmann « a essayé d’apporter une expertise, des conseils à un pays qui tentait d’échapper aux carcans du soviétisme, mais qui n’avait pas de culture démocratique”, estime pour sa part Charles Urjewicz, historien rattaché à l’Inalco et spécialiste de la Géorgie. «Le bilan de Saakachvili est mitigé»dit Dimitri Minic : d’une part, il a « a défendu et incarné le renouveau démocratique et mené des réformes importantes et efficaces qui ont transformé la Géorgie » dans de nombreux domaines, comme la lutte contre la corruption, la police, les infrastructures, la criminalité, etc. Libéral formé aux Etats-Unis, Saakachvili « modernisé, notamment sur le plan économique, un pays ravagé par plus de cinquante ans de dictature soviétique », » est d’accord avec Charles Urjewicz.

Dérive autoritaire

D’un autre côté, “Saakachvili a également fait preuve d’autoritarisme en limitant la libre expression de l’opposition”, se souvient Dimitri Minic. En novembre 2007, en pleine crise politique, le président a violemment réprimé les manifestations et fermé la principale chaîne de télévision d’opposition. “Cette chaîne, propriété d’un oligarque pro-russe, a appelé au soulèvement armé”, qualifie-t-on dans l’entourage de Glucksmann auprès du « Nouvel Obs ». Dans ce contexte tendu, Saakachvili démissionne… avant d’être réélu en 2008. Lorsque Glucksmann choisit de devenir conseiller du président en 2009, la guerre avec la Russie éclate, bouleversant profondément le pays : « À ce moment-là, l’urgence est de lutter contre Vladimir Poutine. »

Lire aussi

Narratif Au Zénith de Paris, Glucksmann appelle « tous les démocrates » à « bousculer la scène politique »

Accès libre

Lire plus tard

Après, “Saakachvili a également cherché à se maintenir au pouvoir en modifiant la Constitution et en utilisant l’État pour favoriser son élection”, trace Dimitri Minic. Et pour souligner ce paradoxe : il a finalement quitté le pouvoir « démocratiquement » le soir même de sa défaite aux élections, en 2013. Pas vraiment l’attitude d’un dictateur, souligne-t-on dans l’équipe de l’élu européen. “Ces accusations d’autoritarisme doivent être replacées dans le contexte de la construction d’un Etat attaqué par la Russie, qui était auparavant le plus corrompu de l’ancien espace soviétique”, nous nous disputons. « Saakachvili avait des tendances autoritaires, mais ce n’est pas un dictateur »» est d’accord avec Charles Urjewicz.

Il n’en reste pas moins que ses deux mandats ont été marqués par plusieurs violations “concernant” des droits de l’homme, souligne l’ONG Human Rights Watch, interrogée par TF1. Parmi eux, des cas de torture dans les prisons, en 2012. Que savait Glucksmann de ses excès ? “Son rôle se limitait à la politique étrangère, il n’était en charge de rien en matière de politique intérieure”, » est la réponse de l’entourage du candidat. Et de préciser que Saakachvili a immédiatement limogé les ministres en charge des prisons suite au scandale.

Résistance à Vladimir Poutine

Pris à partie par Jordan Bardella pour son travail « avec un président géorgien aujourd’hui en prison »Raphaël Glucksmann a défendu son engagement à « de ceux qui ont résisté à Vladimir Poutine » à partir de 2008. » Et j’en suis fier », il ajouta.

Lire aussi

En Géorgie, la loi controversée sur l’influence étrangère définitivement adoptée par le Parlement

Accès libre

Lire plus tard

Avant de poursuivre sur le sort de Saakachvili, emprisonné depuis sa condamnation en 2018 dans une affaire d’abus de pouvoir. Un procès que l’ex-président a jugé politique et qualifié de ” farce “.

Après plusieurs grèves de la faim, il a été https://twitter.com/FormulaGe/status/1458737569747947522?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1458737569747947522%7Ctwgr%5E3c3d98f6d11befc9b4e76a5b7791cb7d68e9a2d6%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lemonde.fr%2Finternational%2Farticle%2F2021%2F11%2F12%2Fen-georgie-le-traitement-reserve-a-l-ex-president-mikheil-saakachvili-souleve-l-inquietude_6101881_3210.html dans un hôpital pénitentiaire en 2021. Amnesty International a considéré qu’il avait été privé de dignité et que son traitement “cela ressemblait à une vengeance politique.”

Sur le sujet élections européennes

Sujets associés à l’article

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Un incendie de forêt force l’évacuation de la centrale hydroélectrique
NEXT Bang ! Des feux d’artifice illégaux d’une valeur de 10 millions de dollars saisis en Californie – .