Sean Baker remporte la Palme d’or pour « Anora », une relecture contemporaine et désillusionnée de Cendrillon

Sean Baker remporte la Palme d’or pour « Anora », une relecture contemporaine et désillusionnée de Cendrillon
Sean Baker remporte la Palme d’or pour « Anora », une relecture contemporaine et désillusionnée de Cendrillon

Ce samedi soir, Greta Gerwig et son jury ont créé la surprise, en clôture du 77e Festival de Cannes, avec un palmarès confus. En récompensant Anora de Sean Baker, le jury couronne le portrait d’une Cendrillon des temps modernes, une prostituée rêvant d’un improbable prince charmant russe incarné par le redoutable Mickey Madisson. Le jeune cinéaste indépendant américain a clôturé son discours en consacrant son film à « toutes les travailleuses du sexe, passées, présentes et futures ».

Greta Gerwig : « Nous n’avons pas encore parcouru le chemin jusqu’au bout, mais nous allons dans la bonne direction »

On passe certainement du rire – notamment lors d’un long voyage nocturne et burlesque dans la communauté russe de Brooklyn – aux larmes dans Anora, mais le film, trop long, n’a pas complètement convaincu. Notamment à travers le regard parfois condescendant qu’il porte sur sa jeune héroïne naïve. Trois ans après avoir dérangé en Compétition à Cannes avec Fusée rougele directeur de Tangerine (2015) et très beau Le projet Floride (2017) entre néanmoins dans la cour des grands.

Ce prix est mon objectif depuis 30 ans ! Je ne sais pas ce que je ferai du reste de ma vie… Mais je continuerai à me battre pour le cinéma. Faire des films pour les cinémas. Regarder un film devant sa télévision, tout en regardant son téléphone portable, n’est pas la bonne façon de faire, contrairement à ce que veulent nous faire croire certaines multinationales. Regarder un film à plusieurs, dans une salle, est une expérience partagée. C’est une catharsis. C’est sacré”» a soutenu Sean Baker.

Sean Baker, quatrième à gauche, lauréat de la Palme d’Or pour le film “Anora”, pose avec Karren Karagulian, de gauche à droite, Alex Coco, Mikey Madison, Samantha Quan et Vache Tovmasyan lors de la séance photo qui a suivi la cérémonie de remise des prix à le 77e festival international du film, Cannes, sud de la France, samedi 25 mai 2024. (Photo de Vianney Le Caer/Invision/AP) ©2024 Invision

“Anora” : à Cannes, Sean Baker relit Cendrillon dans la communauté russe de Brooklyn

Cette Palme d’Or célèbre aussi le retour en force des Américains à Cannes, avec les deux Palmes d’Or d’honneur décernées cette année à Meryl Streep en ouverture et à George Lucas en clôture, remises par son vieil ami Francis Ford Coppola.

Ces derniers ont en revanche déçu en concurrence avec Mégolopole, tout comme deux autres vieilles gloires nord-américaines, Paul Schrader et David Cronenberg. Mais aussi les grands noms actuels : l’Italien Paolo Sorrentino, le Chinois Jia Zhang-ke et le Grec Yórgos Lánthimos. Le faible (surtout en comparaison avec son Lion d’Or Pauvres créatures) Sortes de gentillesse a encore atteint le sommet, grâce à son jeune acteur Jesse Plemons, qui joue ici trois rôles différents.

L’acteur américain Jesse Plemons, lauréat du prix du meilleur acteur pour “Kinds Of Kindness” au Festival de Cannes, pose le 18 mai 2024 à Cannes. ©AFP

Lot de consolation pour Rasoulof

Dommage pour Ben Wishaw, Sebastian Stan et Jeremy Strong, qui incarnent trois salopards flamboyants dans Limonov pour le premier (excellente adaptation du roman d’Emmanuel Carrère signée par le cinéaste russe en exil Kirill Serebrennikov), en L’apprenti du Danois Ali Abassi pour les secondes. Où ils incarnent respectivement Donald Trump et son éminence grise Roy Cohn.

Deux films sans doute un peu trop politiques pour le jury, qui a failli rater le grand film de la quinzaine : Les graines de la figue sacrée. Vendredi, tout le monde prédisait la Palme. Mohammad Rasoulof (Ours d’Or à la Berlinale pour Le diable n’existe pas en 2020) a finalement opté pour un prix de consolation, un prix spécial du jury créé pour l’occasion. La déception est totale.

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Sur scène, le réalisateur, qui a fui il y a quelques jours l’Iran où il vient d’être condamné à cinq ans de prison, a eu une pensée pour son équipe. « Je pense à mes acteurs, mon directeur de la photographie, mon ingénieur du son, qui sont détenus en Iran, sous la pression des services secrets de la République islamique. […] Je suis heureux que le film soit récompensé par ce prix, mais je suis aussi profondément attristé par la catastrophe que vit quotidiennement mon peuple. Le peuple iranien vit sous un régime totalitaire qui le prend en otage. […] Je salue le courage de toutes ces jeunes femmes qui ont inspiré ce film. »» a déclaré Rasoulof, à propos de ces femmes iraniennes qui ont manifesté, notamment en retirant leur voile, dans les rues du pays en septembre 2022.

Le réalisateur et producteur iranien Mohammad Rasoulof prononce un discours sur scène après avoir reçu un Prix spécial du jury pour le film « La graine de la figue sacrée » lors de la cérémonie de clôture de la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France. le 25 mai 2024. (Photo de Valery HACHE / AFP) ©AFP ou concédants de licence

La Palme d’Or aurait aussi pu revenir à Tout ce que nous imaginons comme lumière. Premier réalisateur indien invité à la Compétition cannoise, Payal Kapadia empoche enfin un Grand Prix du Jury bien mérité. Pour son premier long métrage de fiction, la cinéaste indienne dresse un magnifique portrait de trois femmes de trois générations différentes confrontées à la difficulté d’aimer en Inde. Entourée de ses actrices sur scène, la jeune femme vantait l’amitié, « ce qui permet plus de solidarité, d’inclusivité et d’empathie. Des valeurs pour lesquelles nous devrions tous nous battre… »

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Deux prix pour Jacques Audiard

Parmi les anciens cinéastes en Compétition, un seul a su enflammer la Compétition : Jacques Audiard. Pour son improbable mélodrame musical transgenre latino Émilie Pérez, le cinéaste français n’est pas reparti avec une deuxième Palme, mais avec deux prix : le prix du jury et celui de la meilleure interprétation féminine. Exceptionnellement, cette récompense a été décernée à toutes les actrices du film.

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Seule présente sur scène, Karla Sofia Gascón est devenue la première actrice transgenre à remporter un prix majeur, qu’elle partage avec Zoé Saldaña et Selena Gomez. Bouleversé, l’Espagnol avait un mot pour « pour les personnes trans qui souffrent tant. Je veux qu’ils croient que, comme Emilia Pérez, il est toujours possible de faire mieux, de s’améliorer. Vous tous qui nous avez fait souffrir, il est important que vous changiez… Parce que je sais que demain il y aura des commentaires horribles, comme c’est toujours le cas pour nous.

L’actrice espagnole Karla Sofia Gascon (à droite) s’embrasse lors d’un photocall avec un trophée après qu’elle et le reste du casting féminin aient remporté le prix de la meilleure actrice pour le rôle du film “Emilia Perez” et avec le réalisateur français Jacques Audiard après avoir remporté le prix du jury lors de la cérémonie de clôture de la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, le 25 mai 2024. (Photo de Sameer Al-Doumy / AFP) ©AFP ou concédants de licence

Présente au Grand Théâtre Lumière, Demi Moore n’a donc pas été récompensée. En recevant un prix du scénario tombé du ciel pour La substancela Française Coralie Fargeat a évidemment remercié l’actrice hollywoodienne qui, dans ce film d’horreur ultra-sanglant, lutte contre l’image de jeunesse imposée aux femmes… Un film de genre comme Titane de Julia Ducournau (Palme d’Or surprise en 2021), mais nettement plus maladroit, dont on ne sait s’il faut le qualifier de féministe tant il semble propager le fameux « regard masculin » (notamment à propos de sa jeune actrice Margaret Qualley) .

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Tout aussi incompréhensible est le prix de la mise en scène décerné à Miguel Gomes pour grande tournée. Dans cette plongée fantasmagorique en Asie, le cinéaste portugais mêle habilement fiction et documentaire, pour se confronter au passé colonial et au présent du continent. Mais son film baigne dans un profond ennui… Là où au contraire Andrea Bird a su se réinventer dans le très beau Oiseauinjustement rejeté.

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Coralie Fargeat, lauréate du prix du meilleur scénario pour « la substance », pose pour les photographes lors de l’appel photo suivant la cérémonie de remise des prix au 77e festival international du film, Cannes, dans le sud de la France, le samedi 25 mai 2024. (Photo de Vianney Le Caer/Invision/AP) ©2024 Invision

Deux prix pour le Belge Leonardo van Dijl

Assez décevants, les résultats sont à la hauteur d’une concurrence souvent mitigée. On est loin de l’édition exceptionnelle de 2023, qui avait aligné des films majeurs comme Anatomie d’une chute de Justine Trier (Palme d’Or) Et La zone d’intérêt (Grand Prix), bien sûr. Mais aussi Des jours parfaits par Wim Wenders, Les filles d’Olfa par Kaouther Ben Hania, Herbes sèches par Nuri Bilge Ceylan, La passion de Dodin Bouffant de Trân Anh Hùng ou La chimère par Alice Rohrwacher.

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Récompense Armand du Norvégien Halfdan Ullmann Tøndel (le petit-fils de Liv Ullman), la Caméra d’Or n’est pas plus excitante. Quant aux premiers films, le jury coprésidé par Emmanuelle Béart et le belgo-congolais Baloji avait vu des propositions nettement plus intéressantes. Que ce soit Diamant brut d’Agathe Riedinger en Compétition, Vingt dieux par Louise Courvoisier dans Un Certain Regard (où il remporte le prix jeunesse), mais aussi Julie Zwijgt. Unique film belge de la quinzaine, le très convaincant premier essai du jeune Flamand Leonardo van Dijl a néanmoins remporté deux prix à la 63e Semaine de la Critique : le prix de la Fondation GAN et le prix SACD.

palmarès

  • Palme d’Or : Anora par Sean Barker (États-Unis)
  • Grand Prix du Jury : All’We Imagine as Light par Payal Kapadia (Inde/France/Pays-Bas)
  • Prix ​​du réalisateur : Miguel Gomes Pour grande tournée (Le Portugal)
  • Meilleure actrice : Karla Sofia Gascón, Zoé Saldaña et Selena Gomez Dans Émilie Pérez de Jacques Audiard
  • Meilleur acteur : Jesse Plemons Dans Sortes de gentillesse par Yorgos Lanthimos (Royaume-Uni/États-Unis)
  • Prix ​​du jury : Emilia Pérez de Jacques Audiard (France)
  • Prix ​​spécial du jury : Les graines de la figue sacrée par Mohammad Rasoulof (Iran)
  • Meilleur scénario : Coralie Fargeat Pour La substance de Coralie Fargeat (France/USA)
  • Palmes d’or d’honneur : Meryl Streep, George Lucas, Studio Ghibli
  • Caméra d’or du meilleur premier film : Armand par Halfdan Ullman Tøndel (Norvège/Suède)
  • Palme d’Or du court métrage : L’Homme qui ne pouvait pas rester silencieux par Nebojsa Slijepcevic (Croatie)
 
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