La Chine dans le viseur

La Chine dans le viseur
La Chine dans le viseur

Au Sud-Kivu en RDC, le combat d’un prêtre italien contre les entreprises chinoises exploitant illégalement l’or fait des vagues. Rivières polluées, plantations détruites… Le gouverneur de la province a finalement suspendu ces activités minières le temps de les mettre en conformité, mais le chemin sera long pour endiguer ce fléau qui ronge le pays et ses habitants.

Dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo, une bataille de longue haleine se joue entre les communautés locales et les puissantes sociétés minières chinoises. Au cœur de ce conflit : l’exploitation illégale de l’or, qui provoque pollution, destruction de l’environnement et répression des manifestations. Face à ce fléau, un missionnaire catholique italien, le père Davide Marcheselli, mène un combat acharné pour défendre les populations.

Des centaines d’entreprises chinoises opèrent illégalement

Selon les autorités locales, des centaines d’entreprises étrangères, principalement chinoises, exploitent de l’or dans cette région riche en ressources naturelles sans déclarer leurs bénéfices ni disposer des permis nécessaires. Un phénomène massif favorisé par la corruption qui gangrene tous les niveaux du pouvoir. « Du représentant national au chef du village, chacun reçoit quelque chose, de l’argent ou des dividendes », assure le père Davide Marcheselli, qui vit à Kitutu.

Mais en juillet dernier, le gouverneur de la province, Jean-Jacques Purusi, a décidé de prendre le taureau par les cornes. Il a suspendu toutes les activités d’extraction « illégales » en attendant que ces sociétés se conforment à la loi congolaise : établissement d’un cahier des charges, réparation des infrastructures, renouvellement des permis parfois expirés depuis des années.

540 entreprises concernées au lieu des 117 connues

Une décision qui a donné lieu à un véritable défilé de représentants de ces entreprises au sein du bureau du gouverneur. « Au lieu des 117 entreprises illégales que nous avions invitées, 540 sont arrivées ici du jour au lendemain », s’étonne Jean-Jacques Purusi. Cet expert de l’ONU devenu gouverneur a été nommé par la présidence avec pour mission de faire en sorte que ces ressources profitent enfin à la population, dans une province où 80 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.

Des coopératives locales infiltrées par des intérêts chinois

A Kamituga, important site minier situé à 40 km de Kitutu, l’extraction de l’or bat son plein dans de vastes mines à ciel ouvert. Si l’exploitation minière semi-artisanale est réservée aux Congolais, les entreprises chinoises contournent cette règle en utilisant les coopératives locales comme « partenaires » pour extraire le métal précieux. La moitié d’entre eux seraient concernés selon une ONG spécialisée, le Bureau des études scientifiques et techniques.

Il est difficile de contrôler ces entreprises. Les partenaires chinois extraient, la coopérative revend la production aux comptoirs. Nous ne savons pas quel pourcentage les Chinois prennent, ni quelle quantité ils produisent.

– Ghislain Chivundu Mutalemba, commandant de la brigade minière locale

Pressions et menaces pour protéger une entreprise lucrative

Les autorités et les ONG luttent pour contrôler ces activités opaques et se voient même refuser certains accès. Les itinéraires empruntés par l’or extrait par les Chinois restent inconnus. Quant aux élus locaux qui tentent d’intervenir, ils subissent d’intenses pressions. Le gouverneur lui-même affirme recevoir des « menaces quotidiennes » de la part de personnalités de haut rang pour le contraindre à fermer les yeux sur les agissements de ces entreprises.

Accorder un monopole d’exportation inefficace contre la fraude

Pour tenter d’endiguer le trafic et les exportations illégales d’or, notamment vers le Rwanda voisin, Kinshasa a accordé en décembre 2022 le monopole de l’exportation de l’or du Sud-Kivu à la société Primera Gold. Mais cette dernière manque aujourd’hui de liquidités pour acheter le minerai et n’a pas réussi à assécher le marché noir selon les experts.

La lutte contre l’exploitation illégale de l’or s’annonce longue et semée d’embûches dans cette région reculée de la RDC. Elle se heurte à des intérêts financiers considérables, qui ont largement infiltré les sphères politique et économique. Mais pour le Père Marcheselli comme pour le gouverneur Purusi, il est urgent d’agir pour que les richesses du sous-sol profitent enfin au développement des populations locales. Un combat vital pour l’avenir du Sud-Kivu.

 
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