En Corée du Sud, Air Liquide mise sur les gaz spéciaux indispensables aux semi-conducteurs

En Corée du Sud, Air Liquide mise sur les gaz spéciaux indispensables aux semi-conducteurs
En Corée du Sud, Air Liquide mise sur les gaz spéciaux indispensables aux semi-conducteurs

Depuis quinze ans, cette usine se concentre sur la fabrication de germane, un gaz utilisé pour produire des circuits intégrés ou des cellules photovoltaïques. Elle fabrique également désormais du diborane, une molécule spécifiquement utilisée dans le domaine des semi-conducteurs. Mélangé à de l’azote ou de l’hydrogène, ce gaz spécial est utilisé lors des étapes de gravure et de dépôt pour fabriquer des puces électroniques. Ces échelles de fabrication relèvent de l’infiniment petit, où aucune perceuse mécanique ne peut intervenir pour modéliser l’architecture des composants. D’une superficie de 1 centimètre carré, les puces peuvent contenir jusqu’à 238 couches et des milliards de composants miniatures, comme des transistors de 10 nanomètres. Ils sont “dix fois plus petit qu’un virus, 7000 fois plus fin qu’un cheveu, il faut donc travailler au niveau moléculaire, avec des gaz spéciaux pour déposer les molécules et graver les surfaces”, schématise Guillaume Cottet, le responsable de la division électronique d’Air Liquide.

Cette unité de diborane fait partie d’un investissement de 200 millions de dollars (environ 184 millions d’euros), qui comprend également la construction d’une unité similaire à Taiwan, autre hub incontournable des semi-conducteurs en Asie, derrière l’ogre chinois, le Japon ou encore Singapour. Stimulé par les avancées technologiques en matière de produits électroniques et d’intelligence artificielle, le marché des puces connaît une croissance colossale. Valorisé à 520 milliards de dollars (480 milliards d’euros) en 2023, il devrait doubler d’ici 2030 et génère des centaines de milliards d’investissements industriels aux Etats-Unis, en Asie et, dans une moindre mesure, en Europe.

En Corée du Sud, Nicolas Foirien, président d’Air Liquide Corée, évoque « une augmentation spectaculaire des volumes dans les semi-conducteurs, avec des unités dont la taille a été multipliée par cinq à dix en dix ans ». Et précise que les deux champions locaux Samsung et SK Hynix ont « investi respectivement 200 milliards de dollars et 100 milliards de dollars en dix ans dans le pays ». Le 23 mai, la Corée du Sud a également dévoilé un plan public de soutien de plus de 17 milliards d’euros à son industrie des puces.


Une large gamme de gaz spéciaux

Cette course à la capacité se double d’une compétition technologique pour miniaturiser davantage et augmenter les performances des microprocesseurs et des mémoires. Une aubaine pour Air Liquide et ses gaz spéciaux pour l’électronique. D’autant plus que le groupe serait « la seule grande société gazière à avoir dans son portefeuille tous les gaz et molécules utilisés pour fabriquer des semi-conducteurs », assure Guillaume Cottet, précisant que « avec Linde et Air Products [les deux principaux concurrents d’Air Liquide, ndlr] ne sont positionnés que sur certains matériaux avancés », comme vecteurs pour le dépôt chimique en phase vapeur et le dépôt de couches atomiques. En 2023, la division électronique représentait 9 % des 27,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires du groupe. Mais ces ventes “ont presque doublé en dix ans”, indicates Guillaume Cottet.

La division se développe principalement en Asie, qui représente 33 % de son chiffre d’affaires, contre seulement 5 % aux Etats-Unis et 2 % en Europe. En Corée du Sud, Air Liquide dispose de trois sites d’électronique. Outre celui de Sejong, deux sont situés au sud-ouest de Séoul : un à Hwaseong, qui produit des gaz de gravure et des précurseurs à base de silicium, et un à Cheonan, qui fabrique depuis 2020 des précurseurs, le silicium, l’hélium, le xénon et le krypton. Capacités supplémentaires pour « Les semi-conducteurs et l’aéronautique y seront inaugurés dans un an », souligne Armelle Levieux, la directrice de l’innovation en charge des activités hydrogène et électronique.

Le groupe produit également de grandes quantités d’azote, un gaz inerte largement utilisé dans les semi-conducteurs pour éliminer les poussières de gravure. Ces productions sont implantées directement sur les sites des fabricants de puces. En revanche, les gaz spéciaux sont transportés sous forme de bouteilles. Air Liquide installe également sur les sites clients des systèmes et équipements permettant de raccorder les cylindres à alimenter et de relier les flux aux salles blanches où sont produits les semi-conducteurs.

Mais dans l’ère post-Covid, l’ordre mondial a changé dans ce domaine. Mettant en avant les tensions géopolitiques, les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et les barrières douanières, François Jackow, PDG d’Air Liquide, estime que « Certaines zones géographiques ont pris conscience de leur dépendance et de leur besoin de souveraineté ». Et si les grands investissements industriels fleurissent, « Les clients exigent de plus en plus la localisation de la chaîne d’approvisionnement. Ils sont prêts à payer davantage pour bénéficier d’une plus grande résilience et d’une plus grande sécurité. » Pour les gaz spéciaux dédiés à l’électronique, le groupe français mise désormais sur des usines plus petites mais plus localisées. Comme ici en Corée du Sud.

Un grand site intégré aux Etats-Unis

Les investissements dans les semi-conducteurs augmentent également aux Etats-Unis, ce qui n’échappe pas à Air Liquide. En juin, le groupe français a dévoilé un investissement de 250 millions de dollars (soit un peu plus de 230 millions d’euros) dans l’Idaho. Le groupe va construire une grande usine de gaz industriels de haute pureté à proximité d’un site de production de puces mémoires du géant américain Micron Technology. Prévue pour entrer en service fin 2025, cette usine ne produira pas seulement de l’azote ultrapur en gros volumes. Les unités permettront également de fabriquer toutes les gammes de gaz critiques nécessaires à la production de puces mémoire, avec la possibilité de servir d’autres clients locaux, dans un schéma encore plus intégré que les projets en cours en Corée du Sud ou à Taiwan. . Air Liquide assure que cette nouvelle usine réduira les besoins énergétiques et logistiques, comme le transport de bouteilles de gaz spéciaux par camion pour approvisionner l’usine Micron.


Vous lisez un article de L’Usine Nouvelle 3734 – septembre 2024
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