Entretien avec Stéphane Paglia, président de la CCI du Pays d’Arles

Entretien avec Stéphane Paglia, président de la CCI du Pays d’Arles
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TPBM : Lors de son audience solennelle, le tribunal de commerce de Tarascon a souligné fin janvier la hausse des faillites d’entreprises en Pays d’Arles en 2023. La crainte souvent exprimée ces deux dernières années se concrétise. Les mesures de l’Etat n’auront-elles pas suffi à éviter l’inévitable depuis la crise sanitaire ?

Stéphane Paglia : On a fait une année assez exceptionnelle en 2022, 2023 c’était OK, mais pas au même niveau, et la situation se durcit pour 2024avec un 1euh trimestre difficile, en raison de pressions sur la trésorerie. L’augmentation des échecs conduit malheureusement à un effet de bord : les fournisseurs des entreprises concernées ne sont pas payés en cas de liquidation ou le seront ultérieurement en cas de redressement, dans une période où l’inflation augmente et réduit les marges, où le remboursement des PGE (Prêt garanti par l’Etat, ndlr) tourne à plein régime et l’activité ralentit. Des entreprises qui auraient dû disparaître auparavant ont survécu grâce aux différentes mesures étatiques, et cèdent donc seulement maintenant. On note une accélération notable au dernier trimestre 2023. Si tous chutent en même temps, une multitude de fournisseurs en subiront les conséquences simultanément et c’est un risque réel. Si l’économie se portait bien, ils pourraient espérer une relative absorption de l’impact financier de ces faillites. Mais ce n’est pas le cas. Même s’ils enregistrent un carnet de commandes satisfaisant, certains sont incapables de recruter pour les assurer.

Quels sont les secteurs les plus touchés en Pays d’Arles ?

Dans l’hôtellerie-restauration, le phénomène se ressent différemment. L’hôtellerie se porte plutôt bienmais a dû réduire ses marges et augmenter ses salaires pour compenser l’inflation. Dans les restaurants, ils constatent une vraie baisse de clientèle et le ticket moyen. Quand les gens se serrent la ceinture, ils ne vont pas au restaurant. L’année dernière, des hôteliers me racontaient avoir vu pour la première fois des clients manger des sandwichs dans leur chambre… A part le secteur haut de gamme qui se porte bien, tous les secteurs intermédiaires souffrent.

Exposé à des projets à long terme, le secteur de la construction paie désormais l’absence de commandes et les contrats passés pendant le Covid… Et ça souffre aussi la pénurie de compétences et l’augmentation des contraintes administratives qui ralentissent le lancement des projets.

Avez-vous des craintes pour le développement économique du territoire ?

Je crains, avec le choix de « Zéro artificialisation nette » (ZAN), sa vitrification foncière. J’étais récemment dans un village des Alpilles pour expliquer que cette impossibilité d’expansion nous oblige à trouver d’autres voies de développement. J’ai mentionné, par exemple, la possibilité d’acheter un immeuble entre plusieurs professionnels, artisan, architecte, comptable, avocat… chacun prenant un étage, imaginant surélever le bâtiment. Mais dans le Parc Naturel Régional des Alpilles, le PLUi interdit d’étendre, de surélever et également de creuser en raison de la nappe phréatique ! Comment faire ? Je ne suis pas sûr que tout le monde s’en rende compte. Je crains que les gens ne déménagent ailleurs, d’autant plus que les transports publics sont limités… Si des terrains doivent être alloués à la construction de logements, la même superficie doit être prévue pour des terrains économiques. Les injonctions contradictoires laissent tout le monde impuissant. Le Pays d’Arles cumule déjà les restrictions avec deux parcs naturels, Camargue et Alpilles, deux Plans de Prévention des Risques Inondations (PPRI) pour le Rhône et la Durance… Nous réclamons des outils pour poursuivre le développement économique.

Quelles possibilités de développement subsistent aujourd’hui ?

Tarascon est un espace très contraint. À Saint-Martin-de-Crau, il reste encore quelques places disponibles. A Arles, outre les Papeteries Étienne en friche industrielle valorisable, il reste plusieurs hectares dans le bassin des Minimes et au nord du port fluvial d’Arles. A Châteaurenard, le centre logistique lié au redéploiement du MIN est en cours, mais les obligations du PPRI de Durance ont obligé à tout refondre pour les autres piliers du projet, le Centre de Transformation Organique et le « Cœur du MIN » . Il faut écrire cette nouvelle page. Ce qui n’empêche pas le regroupement Actium, qui regroupe plus de 80 entreprises, continuer à avancer pour mobiliser les différents secteurs professionnels, de la production à la distribution. C’est une vraie force.

La Soirée Entreprises du mois de janvier est un temps fort de la CCI pour allier convivialité et pédagogie sur les mutations économiques à ne pas manquer. L’IA était au menu de 2024. (JCB)

Quel est l’état de la demande foncière des entreprises ? Le Pays d’Arles reste-t-il attractif ?

Il existe deux types de demandes en termes de surfaces. Le premier couvre des terrains de 200 à 300 m2, le second couvre de 1 500 à 2 000 m2. Le problème concerne le centre-ville qui est classé, les marques recherchent de grandes surfaces et souvent, il est impossible de trouver une solution. Nous souhaitons éviter les départs de certains types d’entreprises pour préserver la dynamique de fréquentation. Arles est une ville à taille humaine. Le centre commercial Shopping Promenade n’a pas déstabilisé le centre-ville et a permis de réparer une partie de la fuite commerciale. La restructuration de l’avenue de Stalingrad facilitera les connexions entre les deux centres . Les élus locaux veulentremettre le commerce de proximité au cœur de la ville

. C’est une chance quand les objectifs sont partagés.

Qu’en est-il du contournement autoroutier d’Arles ? Son intérêt semble reconnu, mais l’opposition persiste de la part des riverains du tracé et des associations environnementales… Le besoin est bien réel entre, d’une part, le port de Marseille-Fos, qui prévoit des investissements importants dans la zone industrialo-portuaire, et d’autre part, la plateforme logistique de Garons, vers Nîmes.Il ne manque que 13 km pour faire la liaison entre l’Espagne et l’Italie

. Et nous les attendons depuis 30 ans ! Tout projet rencontre des opposants, c’est normal, surtout s’ils sont impactés par le voyage. Mais il y a une question d’intérêt général sur cette question.On ne peut pas opposer intérêts particuliers et intérêt général

, même si les arguments peuvent être justifiés. Ce contournement autoroutier permettra de désenclaver la ville et de poursuivre son développement économique, car il faut des emplois pour les habitants et pour protéger la santé publique. Cette jonction est essentielle.

La Liaison Est-Ouest semble une nouvelle fois susciter des désaccords entre Vaucluse et Bouches-du-Rhône sur la manière de mener enfin à bien ce projet « historique ». Qu’exigez-vous en priorité ? Nous nous mobilisons sur ce projet, nous devons parvenir à un consensus, surmonter les divisions… Construire une nouvelle route contribuera à désengorger la circulation. Les pouvoirs publics hésitent à y aller car ils attendent ce consensus que tout le monde a du mal à établir, alors quele besoin de cette connexion existe depuis si longtemps

… Quand on met en place les ressources pour faciliter le développement économique, non seulement on permet aux entreprises de mieux fonctionner ou de s’implanter, on se donne une chance d’assurer du travail à la population !

Si elle obtient le renouvellement de sa concession par la CNR, la CCI prévoit jusqu’à 15 millions d’euros d’investissements dans le port fluvial. (JCB)

L’idée du département 13 d’un pont de Barcarin, pour remplacer le ferry existant entre Port-Saint-Louis-du-Rhône et Salin-de-Giraud, suscite également des discussions, notamment sur l’augmentation du trafic routier en Camargue. Quelle est ta position ? Je fais campagne pour que cela se produise. Il peut y avoir des solutions de péage pour restreindre le passage des camions, si cela pose problème, tout en prenant soin de ne pas pénaliser les modalités d’approvisionnement et d’acheminement des le M2i industriel,

qui est l’un des joyaux de ce territoire. Pour les habitants de Salin-de-Giraud, c’est une voie de désenclavement qui permettra au village de se développer.

Dans les dossiers « chauds » du Pays d’Arles, il y a actuellement aussi une consultation publique sur la ligne 400 KV entre Jonquières dans le Gard, et Fos-sur-Mer, qui doit traverser le territoire. Etes-vous favorable ? Fos ne relève pas du ressort de la CCI du Pays d’Arles. Mais 20 % des entreprises de notre territoire travaillent avec la zone industrialo-portuaire et leurs marchés concernent 25 à 30 % des salariés entre Arles, Saint-Martin-de-Crau et Tarascon. Cette ligne n’est pas qu’un projet arlésien, elle présente un intérêt national, voire européen.Il faut préserver le tissu industriel français , permettront de concrétiser de grands projets de décarbonation et d’énergie à Fos, mais ce projet ne profitera pas qu’à l’industrie. La nouvelle ligne électrique desservira l’ensemble de la population décarboner nos usagessimples citoyens

. Regardons ensemble sereinement les plus et les moins, cherchons l’itinéraire le moins impactant, le moins sensible aux incendies, intégrons la dimension des paysages et de la biodiversité pour préserver au mieux nos attraits touristiques… On ne peut pas faire des détours de centaines de kilomètres au-dessus, ni enterrer la ligne sur une telle distance, c’est techniquement complexe, voire impensable, très coûteux… RTE a aussi le devoir de bien gérer l’argent public.

Constatez-vous une radicalisation récurrente des positions sur tous ces projets stratégiques ? Je vois l’envie d’avancer, la mobilisation des gens, l’envie d’y arriver. Un dialogue s’instaure avec les élus et les associations. Nous ne pouvons pas refuser les lignes électriques, l’éolien, le nucléaire, les panneaux solaires, et en même temps exiger de recharger notre voiture électrique chez nous, de nous équiper de pompes à chaleur, de mettre toute notre maison à l’électricité… Si notre département a les moyens financiers de loi, et les communes peuvent s’équiper de salles polyvalentes, de maisons Bel Age, de stades, etc. grâce à ces subventions, c’est parce que l’industrie a apporté des moyens. La prospérité permet à chacun de vivre mieux.

Travaillons donc avec un peu plus de nuances et essayons d’atteindre le meilleur équilibre.

La phase 2 du programme « Action Cœur de Ville », signée en décembre 2023, prévoit la requalification de l’entrée nord de la ville (avenues Stalingrad et Libération) en intégrant un service de transport en commun dédié (TCSP) d’ici 2028.

Retrouvez la suite de l’interview dans le numéro 1548 de TPBM (parution du 22 mai)

La CCI du Pays d’Arles en chiffres :

16 678 établissements (33% commerce, 19% industrie, 48% services)

53 671 emplois (32% commerce, 24% industrie, 44% services)

2 000 entrepreneurs et porteurs de projets ont été accompagnés individuellement en 2023

14 000 heures de formation délivrées à 445 personnes

475 bénéficiaires de bilans de compétences et de conseils en évolution professionnelle

15 000 visiteurs à Provence Prestige avec 140 exposants19 locataires et une trentaine d’entreprises domiciliées à l’Arles Business Hôtel

 
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